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N° 4830

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés
dans les produits de charcuterie,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Richard RAMOS, Patrick MIGNOLA, Barbara BESSOT BALLOT, Michèle CROUZET et des membres du groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés (1),

députés.

 

____________________

(1) Mesdames et Messieurs : Erwan Balanant, Géraldine Bannier, Jean‑Noël Barrot, Justine Benin, Philippe Berta, Christophe Blanchet, Philippe Bolo, Blandine Brocard, Jean‑Louis Bourlanges, Vincent Bru, David Corceiro, Yolaine de Courson, Michèle Crouzet, Jean‑Pierre Cubertafon, Marguerite Deprez‑Audebert, Bruno Duvergé, Nadia Essayan, Michel Fanget, Isabelle Florennes, Pascale Fontenel‑Personne, Bruno Fuchs, Laurent Garcia, Maud Gatel, Luc Geismar, Brahim Hammouche, Cyrille Isaac‑Sibille, Élodie Jacquier‑Laforge, Christophe Jerretie, Bruno Joncour, Sandrine Josso, Jean‑Luc Lagleize, Fabien Lainé, Mohamed Laqhila, Florence Lasserre, Philippe Latombe, Patrick Loiseau, Aude Luquet, Max Mathiasin, Sophie Mette, Philippe Michel-Kleisbauer, Patrick Mignola, Bruno Millienne, Jimmy Pahun, Frédéric Petit, Maud Petit, François Pupponi, Richard Ramos, Sabine Thillaye, Frédérique Tuffnell, Nicolas Turquois, Michèle de Vaucouleurs, Laurence Vichnievsky, Philippe Vigier, Sylvain Waserman.

 

 

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis de nombreuses années, les réactions chimiques entre les additifs nitrés et les composants de la matière carnée (en particulier le fer) présents dans les produits de salaison et de charcuterie, sont pointées du doigt à cause des risques de cancer.

Les additifs nitrés sont des conservateurs chimiques qui possèdent plusieurs fonctions. Ils sont employés dans les salaisons et la charcuterie parce qu’ils accélèrent et simplifient la fabrication et parce qu’ils allongent la durée de conservation, facilitant ainsi la commercialisation. Ils constituent un moyen rapide et peu onéreux pour donner aux charcuteries et aux salaisons une couleur appétissante. Ils peuvent aussi permettre de recourir à des matières premières de moindre qualité ‑ par exemple, utiliser des viandes dont la qualité bactériologique n’est pas optimale.

L’ensemble de ces avantages technologiques fait qu’aujourd’hui, la majorité des charcuteries et salaisons consommées en France sont traitées par additif nitré. Le plus utilisé est le « sel nitrité » : il s’agit d’un mélange de 99,4 % de sel de cuisine et de 0,6 % de pur nitrite de sodium (E250). L’autre additif nitré abondamment utilisé est le nitrate de potassium (E252). Enfin, certains procédés permettent de générer du nitrite à partir d’extraits végétaux à haute teneur en nitrate. Tous les additifs nitrés agissent d’une façon similaire sur la viande, et tous ont le même impact sur la santé humaine : en réagissant avec les composants de la viande, les additifs nitrés accentuent le pouvoir cancérogène de la matière carnée.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe la charcuterie et les salaisons comme cancérogènes avéré (groupe 1 : « cancérogènes certains pour l’homme »). Décidé en 2015, ce classement signifie que les scientifiques disposent de preuves certaines de la cancérogénicité pour l’homme. Les charcuteries et salaisons représentent, avec l’alcool, le seul groupe d’aliments qui est classé dans cette catégorie. Le rapport final du CIRC, publié en 2018 ([1]), n’a fait que confirmer les conclusions du World Cancer Research Fund (WCRF) et de l’American Institute for Cancer Research (AICR) qui alertaient dès 2007 sur la consommation de charcuterie comme augmentant nettement le risque de cancer ([2]).

Selon le CIRC, la consommation de charcuteries et salaisons contribue en France à plus de 4 380 cas de cancer (500 cas de cancer de l’estomac et 3 880 de cancer colorectal) ([3]). L’OMS considère que chaque portion de 50 grammes de charcuterie consommée tous les jours augmente le risque de cancer colorectal de 18 %. Les résultats expérimentaux conduits par l’INRAE ont montré que les charcuteries nitrées ont un effet cancérogène spécifique, que n’ont pas les charcuteries fabriquées sans additif nitré ([4]). La mission d’information sur l’utilisation des sels nitrités a auditionné le professeur Denis Corpet (INRAE), qui présidait l’équipe consacrée aux mécanismes de la cancérogénèse lors de l’évaluation du CIRC. Après avoir rappelé le poids du cancer colorectal en France, il a fermement recommandé qu’il soit mis fin à l’emploi des additifs nitrés, qu’il a décrit comme un « poison » ([5]) auquel les fabricants de charcuterie devaient renoncer. En 2019, dans un échange avec le commissaire européen à la santé et à l’alimentation, le professeur Corpet rappelait les travaux conduits par son équipe sur des animaux de laboratoire : « un modèle de jambon expérimental, traité au nitrite, favorise la cancérogénèse colorectale chez les rongeurs. Lorsqu’il est fabriqué sans nitrite, le même jambon n’a pas d’effet promoteur de la cancérogénèse ([6]) ». D. Corpet concluait : « L’addition de nitrites dans des aliments tels que le jambon ou le bacon occupe une place centrale dans le risque de cancer. C’est pourquoi les produits carnés qui contiennent ces additifs sont significativement plus dangereux que les autres charcuteries ([7]) ».

La cancérogénicité des charcuteries nitrées est liée à la présence de fer héminique et à la transformation des additifs nitrés au cours du processus de production et au cours de la digestion. Les additifs nitrés réagissent avec les composants de la viande et avec des produits de dégradation, entraînant l’apparition de composés dits « NOC » : nitrosamines, nitrosamides, S‑nitrosothiols et fer nitrosylé. Le fer nitrosylé (FeNO), en particulier, résulte de la rencontre (via une réaction de nitrosylation ([8])) entre, d’un côté, le monoxyde d’azote (NO) issu de l’additif nitré, et de l’autre côté, le fer héminique naturellement présent dans la matière carnée. L’environnement acide de l’estomac catalyse une réduction supplémentaire pour créer du NO et des S‑nitrosothiols. Lors de son audition devant la mission d’information sur l’utilisation des sels nitrités, le professeur Axel Kahn, généticien et président de la Ligue contre le Cancer, a résumé l’état des connaissances sur l’effet cancérogéne de la charcuterie après qu’elle a subi un traitement nitré : « Le grand phénomène chimique de la charcuterie nitritée est la formation de nitroso‑hème ferreux, incroyablement stable et qui résiste à la cuisson. ([9])» Au cours de la digestion, le nitroso‑hème « produit une cascade de produits de dégradation au contact direct de la muqueuse intestinale, en particulier de la muqueuse colique. C’est ce qui explique le caractére très spécifique de la cancérogénicité des produits nitrités[10]

La dangerosité des viandes nitrées a été reconnue par la Commission européenne, qui a accepté que le Danemark ne transpose pas la directive 2006/52/CE en droit national en ce qui concerne l’utilisation de nitrites dans certains produits à base de viande et que ce pays maintienne la législation nationale en vigueur à cet égard, plus restrictive en la matière. La Commission admettait ainsi, dès 2010 : « qu’il est reconnu que la présence de nitrites dans les produits à base de viande peut conduire à la formation de nitrosamines, dont l’effet cancérigène est avéré »([11]). Les résultats de la dernière étude de référence (la méta‑analyse de Crowe, Eliott et Green de 2019) ne laissent pas de place au doute : sur 17 publications étudiant l’effet spécifique des additifs nitrés, 5 (cinq) concluent que les charcuteries nitrées et non nitrées sont aussi dangereuses les unes que les autres. Une seule étude conclut que les charcuteries nitrées sont moins dangereuses. Et 11 (onze) concluent que les charcuteries nitrées sont plus cancérogènes que les charcuteries n’ayant pas subi de traitement nitré ([12]).

Les consommateurs français sont d’autant plus exposés aux risques que leur consommation de charcuterie excède largement les recommandations formulées par Santé Publique France : 63 % des personnes âgées de 18 à 54 ans dépassent les quantités de charcuterie maximales recommandées ([13]). Par ailleurs, on sait qu’une famille modeste achète en un an deux fois plus de charcuterie en libre‑service qu’une famille aisée ([14]). Il y a quelques décennies, les pauvres mangeaient des légumes et les riches de la viande, cette tendance s’est donc inversée. Qui plus est, les foyers modestes mangent de la charcuterie de moindre qualité : d’après TNS, en 2007, 40 % du jambon cuit et plus de 50 % du jambon cru achetés en libre‑service en grande distribution l’ont été sous forme de produits « économiques » (hard discount, marques « premiers prix » des hypermarchés et des supermarchés). Il faut donc conduire à une modification des procédés employés pour fabriquer l’ensemble des charcuteries et salaisons ; nous ne pouvons accepter que la suppression des additifs cancérogènes ne concerne qu’une fraction du marché, par exemple une gamme « premium » reservée aux plus aisés.

À l’Assemblée nationale, différentes actions ont été menées pour interdire ces additifs dans les produits de charcuterie : l’idée d’une taxe a été défendue dans l’hémicycle, puis celle d’un étiquetage spécifique. Plus récemment, une mission d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a été créée pour faire toute la lumière sur la dangerosité de ces substances. Menée par Richard Ramos, député du Loiret, Barbara Bessot‑Ballot, députée de la Haute‑Saône, et Michèle Crouzet, députée de l’Yonne, cette mission a entendu de très nombreux acteurs, notamment des scientifiques, des petits artisans, des grandes entreprises agroindustrielles, des distributeurs, des institutionnels, des lobbyistes ou encore des associations de défense des consommateurs pour comprendre les raisons pour lesquelles les additifs nitrés étaient utilisés dans la charcuterie et les risques pour la santé humaine attachés à ces produits.

Parallèlement à cette mission, L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été saisie le 29 juin 2020 par les Ministères des solidarités et de la santé, de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi que de l’économie et des finances sur les risques associés à la consommation de nitrites et de nitrates. Le calendrier des travaux précisé dans le contrat de saisine prévoyait une remise du rapport définitif en juillet 2021, elle a ensuite été décalée au mois de septembre. En fin d’année 2021, l’ANSES a indiqué que le rapport serait finalement rendu à la fin du premier semestre 2022, contrairement au calendrier qui avait été initialement fixé lors de la publication de la saisine. Egalement, il est à noter que l’un des chercheurs menant à bien l’expertise a démissionné lors du dernier trimestre de l’année 2021, dénonçant les nombreux dysfonctionnements et pressions subies.

À l’Assemblée nationale, la mission menée par les député(e)s Richard Ramos, Barbara Bessot-Ballot et Michèle Crouzet La mission a acquis la conviction que le législateur devait agir pour une réduction, puis une suppression rapide de ces additifs nitrés dans les produits de charcuterie. Cette conviction relative à la dangerosité de ces substances pour la santé humaine est renforcée par deux éléments importants :

– les additifs nitrés sont présentés comme un indispensable rempart contre le botulisme. En réalité, l’évolution des conditions sanitaires et des règles d’hygiène tout au long de la chaîne de production, de l’abattoir à la distribution, contribuent à une garantie contre cette bactérie. Depuis 2017, l’offre de jambon sans nitrite n’a cessé de croître, les produits ont été consommés par plusieurs millions de Français et aucun cas de botulisme n’est à déplorer. De manière générale, les cas de botulisme recensés en France au cours des dernières années ont été provoqués par des conserves ou des charcuteries familiales ou mal fabriquées, réalisées dans des conditions d’hygiène et de sécurité alimentaire défaillantes, qui ne sont pas comparables avec l’exigence sanitaire appliquée par les professionnels de la filière française ([15]) ;

– il est aujourd’hui tout à fait possible de réaliser l’ensemble des produits de charcuterie sans recourir aux additifs nitrés. Une majorité de producteurs industriels français – Herta, Fleury Michon, Brocéliande, Madrange (groupe Cooperl), Salaisons Roches Blanches, André Bazin, les marques distributeurs des différentes enseignes – ont mis au cours des trois dernières années des produits sans nitrite sur le marché. Certains producteurs artisanaux, comme Mme Noémie Calais ou encore la Maison Verot, n’ont cessé de le faire, comme en témoigne, par exemple, les formations dispensées depuis plus de vingt ans au sein de l’École nationale des industries du lait et de la viande (ENILV) d’Aurillac qui ont conduit à la création de plus de 400 ateliers artisanaux de transformation utilisant des méthodes traditionnelles de fabrication de charcuterie sans nitrites sur l’ensemble du territoire français. Le distributeur Biocoop s’est d’ailleurs engagé à proposer à ses clients un rayon charcuterie totalement exempt d’additifs nitrés d’ici 2022, tant en ce qui concerne les produits de marque distributeur (MDD) que ceux des marques nationales ([16]).

Considérant ainsi que les additifs nitrés font peser sur la santé humaine des risques d’une importance capitale, alors même qu’ils ne sont pas indispensables pour garantir la non‑résurgence du botulisme en France et qu’il est aujourd’hui possible, pour l’ensemble des acteurs de la filière, de produire une charcuterie exempte de ces additifs dangereux, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent interdire progressivement le recours au nitrite et nitrate ajoutés dans les viandes transformées.

L’article 1er interdit les additifs nitrés pour les produits de salaison – les produits à base de viande non traités thermiquement (produits salés ou saumurés crus) et les produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière traditionnelle – à compter du 1er janvier 2023. Il faut souligner que nombre de ces produits sont d’ores et déjà fabriqués sans additifs nitrés, comme le jambon de Parme, preuve que les acteurs agroalimentaires peuvent s’en passer. Plusieurs fabricants de jambon de Bayonne ont déjà recommencé à produire suivant le procédé de fabrication authentique. Le leader du marché du jambon sec, Aoste (21 % des parts de marché français en valeur) a d’ailleurs annoncé en 2019 qu’il renonçait aux additifs nitrés pour une part croissante de ses produits. Le groupe Delpeyrat, acteur majeur de l’industrie du jambon, va dans le même sens. Cet article interdit également les additifs nitrés pour tous les autres produits de charcuterie, c’est‑à‑dire les produits de charcuterie traités thermiquement (andouilles, andouillettes, boudins blancs et noirs, charcuteries pâtissières, jambons, lardons, pâtés, terrines, rillettes, saucisses, saucissons, tripes, etc) à compter du 1er janvier 2025.

L’article 2 prévoit une limitation de la dose d’additifs nitrés pour les produits de salaison et pour les produits de charcuterie durant la période transitoire.

L’article 3 prévoit une suspension de la consommation de produits de salaison et produits de charcuteries fabriqués en employant une quantité de nitrite supérieure à 60 mg/kg ou de nitrate supérieure à 120 mg/kg dans les services de restauration collectives scolaires, pénitentiaires, hospitalières et médico‑sociales à compter du 1er septembre 2022.

L’article 4 qui modifie le code de la consommation prévoit explicitement que les agents la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et constater les infractions ou les manquements aux dispositions de la présente proposition de loi. Dès lors, ces agents peuvent enjoindre les professionnels de cesser tout agissement illicite (article L. 521‑2), l’autorité administrative peut ordonner par arrêté la suspension de la mise sur le marché, le retrait, le rappel et la destruction des produits litigieux (article L. 521‑7) et, enfin, il est possible de sanctionner pénalement la violation des interdictions prévues dans la proposition de loi en application de l’article L. 532‑3 du code de la consommation qui dispose : « Le fait de ne pas exécuter les mesures ordonnées en application des articles L. 5214 à L. 52116 et L. 52119 à L. 52122 est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 euros. Le montant de l’amende peut être porté à 30 000 euros lorsque les produits ou services concernés par ces mesures présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs ». Ainsi la non‑exécution des mesures ordonnées dans le cadre de l’article L. 521‑7 serait punie de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros puisque les produits concernés seraient susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs.

L’article 5 prévoit la mise en place d’un étiquetage spécifique pour les produits de salaison et les produits de charcuterie contenant des additifs nitrés.

L’article 6 prévoit la mise en place d’un message à caractère sanitaire dans les messages publicitaires en faveur des produits de charcuterie et de salaisons fabriqués en ajoutant des additifs nitrés.

L’article 7 vise à mettre en place un fonds permettant aux artisans charcutiers‑traiteurs et bouchers‑charcutiers de financer la mise en œuvre de procédés de fabrication adéquats et l’adaptation de leurs outils de production afin de permettre la production de charcuterie sans additif nitré. En effet, contrairement aux grandes entreprises de l’agroalimentaire, les petits artisans n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour financer leur formation et la mise aux normes de leur outil de production. L’État doit donc appuyer financièrement cette transition afin de garantir des produits de charcuterie sans additifs nitrés et ainsi moins dangereux pour la santé humaine.

L’article 8 prévoit que les conséquences financières résultant de la mise en place du fonds créé par l’article 7 sont compensées par la création de taxes prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Telles sont les mesures proposées par les auteurs du présent texte, qui doivent permettre d’accompagner la transition indispensable de l’ensemble de la filière française productrice de charcuterie vers des produits plus respectueux de la santé du consommateur.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – Après le chapitre II bis du titre II du livre III de la première partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre II ter ainsi rédigé :

« Chapitre II ter

« Interdiction des charcuteries contenant des nitrites ou nitrates ajoutés

« Art. L. 132215. – I. – La production, hors celle réalisée à des fins d’exportation, l’importation ou la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de produits à base de viande non traités thermiquement (produits salés ou saumurés crus) et de produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière traditionnelle fabriqués en utilisant du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251) ou du nitrate de potassium (E252) est interdite à compter du 1er janvier 2023. L’utilisation d’extraits végétaux riches en nitrates pour servir d’additif, qu’ils soient ou qu’ils ne soient pas identifiés comme tels, est également prohibée, dans les mêmes conditions, à compter de ladite date.

« II. – La production, hors celle réalisée à des fins d’exportation, l’importation ou la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de produits de charcuterie à base de viande traités thermiquement fabriqués en utilisant du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251) ou du nitrate de potassium (E252) est interdite à compter du 1er janvier 2025. L’utilisation d’extraits végétaux riche en nitrates pour servir d’additif, qu’ils soient ou qu’ils ne soient pas identifiés comme tels, est également prohibée, dans les mêmes conditions, à compter de ladite date.

II. – Avant le 1er janvier 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences économiques pour la filière de l’interdiction de l’utilisation du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251), du nitrate de potassium (E252) et des extraits végétaux riche en nitrates destinés à servir d’additif, dans la production de charcuterie.

Article 2

I. – Jusqu’au 1er janvier 2023, la quantité ajoutée de nitrite de potassium (E249), nitrite de sodium (E250), nitrate de sodium (E251) et nitrate de potassium (E252), utilisée dans les produits à base de viande non traités thermiquement (produits salés ou saumurés crus) et de produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière traditionnelle mis sur le marché en France, qu’ils soient produits sur le territoire national ou importés, est limitée à la dose maximale de 60 mg/kg au total pour les nitrite de potassium et nitrite de sodium, et 120 mg/kg au total pour les nitrate de sodium et nitrate de potassium. Un décret fixe les exceptions à ces doses maximales en tenant notamment compte d’éventuelles impossibilités techniques ou de risques avérés pour la santé humaine ne pouvant être maîtrisés par d’autres moyens.

II. – Jusqu’au 1er janvier 2025, la quantité ajoutée de nitrite de potassium (E249), nitrite de sodium (E250), nitrate de sodium (E251), nitrate de potassium (E252) et nitrite obtenu à partir d’extraits végétaux riche en nitrates, utilisée dans les produits de produits de charcuterie à base de viande traités thermiquement mis sur le marché en France, qu’ils soient produits sur le territoire national ou importés, est limitée à la dose maximale de 60 mg/kg au total pour les nitrite de potassium et nitrite de sodium, et 120 mg/kg au total pour les nitrate de sodium et nitrate de potassium. Un décret fixe les exceptions à ces doses maximales, en tenant notamment compte d’éventuelles impossibilités techniques ou de risques avérés pour la santé humaine ne pouvant être maîtrisés par d’autres moyens.

Article 3

À compter du 1er septembre 2023 et jusqu’à l’entrée en vigueur des interdictions prévues à l’article 1er, la consommation de produits de charcuterie fabriqués en utilisant du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251) ou du nitrate de potassium (E252) ou du nitrite obtenu à partir d’extraits végétaux riche en nitrates et contenant une quantité de ces additifs supérieure à 60 mg/kg pour les nitrite de potassium et nitrite de sodium, et 120 mg/kg pour les nitrate de sodium et nitrate de potassium est suspendue dans les services de restauration collective scolaires, hospitalière, pénitentiaires et du secteur médico‑social.

Article 4

L’article L. 511‑13 du code de la consommation est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Du chapitre II ter du titre II du livre III de la première partie du code de la santé publique et aux textes pris pour son application ».

Article 5

I. – Jusqu’au 1er janvier 2023, l’étiquetage des produits à base de viande non traités thermiquement (produits salés ou saumurés crus) et de produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière traditionnelle contenant du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251), du nitrate de potassium (E252) ou du nitrite ajouté au moyen d’extraits végétaux riches en nitrate comporte, mise en évidence, la mention : « contient des nitrites ou des nitrates ajoutés et qui peuvent favoriser les cancers colorectaux » et indique la quantité ajoutée d’additifs nitrités ou nitratés, le cas échéant.

II. – Jusqu’au 1er janvier 2025, l’étiquetage des produits de charcuterie à base de viande traités thermiquement contenant du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251), du nitrate de potassium (E252) ou du nitrite ajouté au moyen d’extraits végétaux riche en nitrates comporte, mise en évidence, la mention : « contient des nitrites ou des nitrates ajoutés et qui peuvent favoriser les cancers colorectaux » et indique la quantité ajoutée d’additifs nitrités ou nitratés, le cas échéant.

III. – Un décret précise les modalités d’application du présent article.

Article 6

Jusqu’à l’entrée en vigueur des interdictions prévues à l’article 1er de la présente loi, les messages publicitaires en faveur des produits de charcuterie fabriqués en ajoutant du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251), du nitrate de potassium (E252) ou du nitrite obtenu à partir d’extraits végétaux riches en nitrate contiennent une information à caractère sanitaire, dans des conditions fixées par décret. Dans le cas des messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés, cette obligation ne s’applique qu’aux messages émis et diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire. La même obligation d’information s’impose à toute promotion, destinée au public, par voie d’imprimés et de publications périodiques édités par les producteurs ou distributeurs de ces produits. 

Article 7

L’État confie à l’Agence de services et de paiement la gestion des aides qu’il apporte aux opérations visant à permettre le financement de la mise au point de procédés adéquats et le financement de l’acquisition ou de l’adaptation d’outils permettant la production de charcuterie sans recours aux additifs E249, E250, E251 et E252, ni au nitrite obtenu à partir d’extraits végétaux riches en nitrate. Ces aides sont attribuées aux entreprises de charcuterie‑traiteur et de boucherie‑charcuterie et bénéficient en priorité aux microentreprises et aux petites et moyennes entreprises au sens de l’article 51 de la loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Un décret précise les modalités d’application du présent article.

Article 8

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) IARC, Red meat and processed meat, IARC monographs on the evaluation of caricinogenic risks to humans, volume 114, IARC, 2018.

([2]) World Cancer Research Fund. Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prevention of Cancer : A Global Perspective 2007.

([3]) Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France métropolitaine , 2018, consultable en ligne :  https ://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_report.pdf

([4]) Raphaelle Santarelli et al., ‘Meat‑processing and colon carcinogenesis : cooked, nitrite‑treated, and oxidized high‑heme cured meat promotes mucin‑depleted foci in rats’, Cancer Prevention Research, n° 3, 2010.

([5]) Audition publique du professeur D. Corpet, le 7 octobre 2020 par la mission d’information sur l’utilisation des sels nitrités.

([6]) Lettre de D. Corpet à M. Andriukaitis, Commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire, 7 février 2019.

([7]) Idem.

([8]) Bastide NM, Pierre FH, Corpet DE. Heme iron from meat and risk of colorectal cancer : a meta‑analysis and a review of the mechanisms involved. Cancer Prevention Research, 2011 Feb ; 4(2).

([9]) Audition publique du professeur A. Kahn, le 7 octobre 2020 par la mission d’information sur l’utilisation des sels nitrités. Eléments repris dans Le Quotidien du Médecin, 20 novembre 2020

([10]) Axel Kahn, Le Quotidien du Médecin, 20 novembre 2020.

([11]) Décision de la commission du 25 mai 2010 relative aux dispositions nationales notifiées par le Danemark concernant l’adjonction de nitrites à certains produits à base de viande, paragraphe 7.

([12]) W.Crowe, C.T. Elliott, B. D. Green, A Review of the In Vivo Evidence Investigating the Role of Nitrite Exposure from Processed Meat Consumption in the Development of Colorectal Cancer, Nutrients, 2019, 201, 11, 2673.

([13])  Torres MJ, Salanave B, Verdot C, Deschamps V. Adéquation aux nouvelles recommandations alimentaires des adultes âgés de 18 à 54 ans vivant en France. Étude Esteban 2014‑2016. Volet Nutrition ‑ Surveillance épidémiologique. Saint‑Maurice : Santé publique France ; 2019.

([14])  TechniPorc ‑ la revue technique de l’IFIP, Vol. 31, n°°4, 2008.

([15]) Christelle Mazuet, Nathalie Jourdan‑Da Silva, Christine Legeay, Jean Sautereau, Michel R. Popof, Le botulisme humain en France, 20132015, octobre 2017, consultable en ligne : file :///C :/Users/dboucher/AppData/Local/Temp/41414_13651‑ps.pdf.

([16]) Audition publique de M. Pierrick de Ronne, président de Biocoop et de Mme Hélène Person, responsable innovation et Marques chez Biocoop, le 27 novembre 2020 par la mission d’information sur l’utilisation des sels nitrités.