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N° 4833

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à la lutte contre la précarité menstruelle,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

MariePierre RIXAIN, Laëtitia ROMEIRO DIAS, Bénédicte TAURINE, MarieNoëlle BATTISTEL, MarieNoëlle BATTISTEL, Erwan BALANANT, Guillaume CHICHE, Bérangère COUILLARD, Isabelle FLORENNES, Laurence GAYTE, Guillaume GOUFFIERCHA, Sonia KRIMI, Fiona LAZAAR, Nicole LE PEIH, Karine LEBON, Frédérique MEUNIER, Cécile MUSCHOTTI, Sophie PANONACLE, Claire PITOLLAT, Isabelle RAUCH, Isabelle SANTIAGO, Stéphane VIRY, Céline CALVEZ,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les menstruations, phénomène physiologique naturel, concernent la moitié de l’humanité pendant la moitié de sa vie, de la puberté à la ménopause. Il s’agit donc indéniablement d’un sujet d’intérêt général dont on constate qu’il suscite de multiples interrogations ne trouvant pas toujours de réponses adéquates et qu’il comporte des enjeux importants, tant en matière de santé publique que sur le plan économique.

Plusieurs problématiques ont ainsi émergé les unes après les autres dans le débat public. La question de la composition des produits de protections menstruelles est apparue à plusieurs reprises ces dernières années, ainsi que, par exemple, celle du taux de TVA appliqué à ces produits. Le syndrome de choc toxique, en lien avec la mauvaise utilisation de dispositifs internes de protection, a également été régulièrement repris dans les médias à chaque nouveau cas aux conséquences dramatiques. De même, la parole des femmes se libère de plus en plus sur le vécu des patientes souffrant d’endométriose, pathologie longtemps ignorée mais qui touche environ une femme sur dix en âge de procréer. Les pouvoirs publics se sont emparés récemment du sujet avec notamment le lancement d’un plan national sur la prise en charge de l’endométriose. Par ailleurs, le coût des protections menstruelles que les femmes doivent se procurer chaque mois constitue également un sujet de questionnement et une véritable difficulté pour les femmes à faibles revenus et celles en situation de précarité. De même, on constate que le manque d’éducation et d’information, aussi bien en ce qui concerne les femmes que les professionnels de santé, freine la prévention et la prise en charge des pathologies liées aux règles, au premier rang desquelles, le syndrome de choc toxique et l’endométriose. Le tabou persistant des représentations culturelles et collectives autour des menstruations se traduit par une prise en compte insuffisante et inacceptable des problématiques relatives aux menstruations.

Or, utilisées régulièrement pendant une longue période de la vie, les protections menstruelles constituent des produits de consommation massive et de première nécessité : l’achat de protections menstruelles concerne en France 15,5 millions de femmes âgées de 13 à 50 ans. L’accès aux protections est un enjeu de dignité humaine. On estime qu’une femme utilise pendant sa vie près de 11 500 produits de protection. En y ajoutant les autres dépenses liées aux menstruations, cela représenterait un coût total pouvant aller de 8 000 à 23 000 euros à l’échelle d’une vie. Loin d’être négligeable, ce coût est parfois difficile à assumer pour certaines femmes en situation de précarité plus ou moins aiguë. Les femmes étant surreprésentées parmi les faibles revenus et davantage touchées par la précarité, cette dépense récurrente à laquelle il faut faire face tous les mois leur est parfois inaccessible. Il est donc nécessaire d’identifier les publics en difficulté et de leur offrir une solution leur permettant d’échapper à l’ostracisme social et de préserver leur dignité. Considérant qu’offrir à chaque élève et à chaque étudiant des conditions convenables pour suivre leur scolarité est une question d’égalité des chances et participe du principe républicain de méritocratie, un effort doit aujourd’hui être fait pour mieux prendre en compte la précarité menstruelle en milieux scolaire et étudiant.

Produits de consommation courante, les protections périodiques tiennent une place importante dans le quotidien des femmes. Une femme ayant en moyenne ses règles plus de 450 fois au cours de sa vie et les produits de protection intime étant en contact avec une zone particulièrement sensible du corps féminin, il est primordial de s’intéresser à la composition de ces produits et de s’assurer de leur innocuité. D’une manière générale, les consommateurs sont de plus en plus vigilants en ce qui concerne la composition des produits qu’ils utilisent et font preuve d’exigences croissantes vis‑à‑vis des producteurs, afin d’obtenir davantage d’informations et de transparence. Les produits de protections menstruelles ne font pas exception. La détection de substances indésirables dans ces produits a fait l’objet d’analyses à plusieurs reprises et nécessite sans doute un contrôle renforcé de la part des fabricants, au risque d’une rupture de confiance des utilisatrices vis‑à‑vis des fabricants de protections menstruelles. Un phénomène en lien étroit avec les risques dus à une mauvaise utilisation des produits de protection intime, au premier rang desquels figure le syndrome de choc toxique. Il est donc fondamental de garantir une meilleure information des utilisatrices de protections menstruelles afin d’éviter tout risque de ce type.

La situation actuelle est encore trop souvent génératrice d’angoisses et de souffrances, aussi bien psychologiques que physiques, pour un certain nombre de femmes. Un tel état de faits ne saurait perdurer. Force est de constater que la prise en charge insuffisante de la question des menstruations contribue à perpétuer les inégalités entre les femmes et les hommes : il est urgent d’agir de manière franche et volontaire dans ce domaine. Tel est le sens de cette proposition de loi.

Ainsi, dans le but de limiter le phénomène de précarité menstruelle des jeunes femmes, les articles 1er et 2 prévoient la distribution de protections menstruelles dans les établissements d’enseignement secondaire, et dans les établissements universitaires par les services de médecine préventive et de promotion de la santé.

En outre, pour répondre aux enjeux de santé publique induits par la mauvaise utilisation des protections menstruelles voire leur composition parfois contestée, l’article 3 intègre la prise en compte d’informations pratiques sur les menstruations ainsi que sur les précautions à respecter afin de prévenir les risques de syndrome de choc toxique dans le cadre des programmes d’éducation à la vie sexuelle. L’article 4 instaure l’obligation de transparence sur la composition et les conditions d’usage des protections menstruelles.

L’article 5 décrit les mécanismes de compensation des dépenses des charges pour l’État et les organismes de sécurité sociale.

 


proposition de loi

Article 1er

Le titre IV du livre V de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III 

« La prévention de la précarité menstruelle

« Art. L. 5425. – Les centres mentionnés à l’article L. 541‑3 mettent à la disposition des élèves des protections menstruelles à titre gratuit. »

Article 2

Le deuxième alinéa de l’article L. 831‑1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils leur proposent des protections menstruelles à titre gratuit ».

Article 3

Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 312‑16 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles comportent des informations pratiques sur les menstruations ainsi que sur les précautions à respecter afin de prévenir les risques de syndrome de choc toxique. ».

Article 4

Le titre III du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre XII ainsi rédigé :

« Chapitre XII

« Composition et précaution d’usage des protections menstruelles.

« Art. L. 51319.  Les fabricants de protections menstruelles publient sur leur site internet l’ensemble des composants entrant dans la fabrication de ces produits et mentionnent la présence éventuelle de substances toxiques.

« L’emballage de ces produits mentionne explicitement leur temps de port maximum ainsi que les symptômes médicaux caractérisant le syndrome de choc toxique. »

Article 5

I. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. ‒ La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. ‒ La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.