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N° 5164

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mars 2022.

PROPOSITION DE LOI

étendant aux retraités agricoles ayant le statut de conjoints collaborateurs ou d’aides familiaux le bénéfice d’une pension minimale de 85 % du SMIC,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Guillaume LARRIVÉ et André VILLIERS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La législature qui s’achève a permis d’engager une revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles, sous l’impulsion particulièrement vigoureuse et tenace du député du Puy‑de‑Dôme André Chassaigne, auquel il faut ici rendre hommage, et avec l’appui de députés siégeant sur les bancs les plus divers de l’Assemblée nationale.

C’est sur la base d’un système très complexe que les non‑salariés agricoles font valoir leurs droits à la retraite. Ce système comporte quatre étages, dont les deux derniers relèvent de la solidarité nationale :

– le cumul de deux volets de la retraite de base, une retraite forfaitaire et une retraite proportionnelle par points, aux conditions différenciées d’assiette et de cotisation en fonction du statut et du niveau des revenus professionnels ;

– le bénéfice du régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) créé par la « loi Peiro » du 4 mars 2002 ;

– un premier dispositif de solidarité : la pension majorée de référence (PMR), mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, dont le mécanisme est l’équivalent du minimum contributif dans le régime général, et qui doit permettre de porter la pension servie à un montant minimum déterminé par la durée d’assurance et le statut de l’assuré ;

– un second dispositif de solidarité : l’attribution d’un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO), pour les anciens chefs d’exploitation dont la retraite globale n’atteignait pas un certain seuil, après majoration éventuelle de leur pension de base.

Ces paramètres ont été modifiés à deux reprises par le Parlement lors de cette législature. Deux dispositifs, en effet, ont été approuvés par l’Assemblée nationale comme par le Sénat.

En premier lieu, en attribuant un montant supplémentaire de CDRCO, la loi n° 2020‑839 du 3 juillet 2020 a assuré la revalorisation des pensions de retraite des chefs d’exploitation agricole, à hauteur de 85 % du SMIC net agricole, soit 1 046 euros/mois. Entrée en vigueur à compter du 1er novembre 2021, cette revalorisation s’applique aux retraités qui l’étaient à cette date ainsi qu’aux chefs d’exploitation liquidant l’ensemble de leurs pensions obligatoires à partir de cette date, à condition d’être un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ayant mis en valeur à titre exclusif ou principal une exploitation, de justifier d’une carrière complète d’assurance au régime des non‑salariés agricoles soit 32,5 ans pour les assurés partis en retraite avant le 1er janvier 1997, de justifier du droit à une pension à taux plein à la date d’effet de leur pension de retraite de base pour les assurés partis en retraite après le 1er janvier 1997, et de faire valoir l’ensemble des droits de base et complémentaires auprès de tous les régimes de retraite affiliés.

Mais cette avancée, applicable à 196 000 chefs d’exploitation, ne l’était pas aux pensionnés non‑salariés les plus modestes – essentiellement des femmes – aux parcours constitués de longues périodes de travail comme conjoint collaborateur ou aide familial. Celles de ces personnes ayant validé une durée d’assurance d’au moins 150 trimestres avaient, en 2021, une pension mensuelle extrêmement faible – de l’ordre de 604 euros pour les conjoints collaborateurs et 806 euros pour les aides familiaux.

C’est pour corriger cette situation que, en deuxième lieu, est intervenue la loi n° 2021‑1679 du 17 décembre 2021. Elle permet une revalorisation des pensions de retraite des conjoints collaborateurs (qui sont principalement des femmes) ainsi que des aides familiaux (frères, sœurs et enfants) des exploitants agricoles, grâce à trois outils :

– la création d’un montant unique de pension majorée de référence (PMR) égal à 699,07 euros pour tous les non‑salariés agricoles, à la fois les retraités actuels et futurs ; le montant de la PMR est donc désormais le même, pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux, que pour les chefs d’exploitation ; cette mesure devrait représenter un gain moyen de 62 euros par mois (et de 75 euros pour les femmes) pour 175 000 bénéficiaires potentiels ;

– le relèvement du seuil d’écrêtement de la PMR (874,76 euros en 2021) au niveau du montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, d’un montant de 906,81 euros en 2021) ; cette mesure devrait permettre à 17 500 retraités supplémentaires de bénéficier de la PMR ;

– la limitation à cinq ans du statut de conjoint collaborateur, qui était déjà applicable aux aides familiaux, afin d’encourager les conjoints collaborateurs (y compris ceux déjà en activité lors de la promulgation de la loi) à privilégier un statut socialement plus protecteur, comme celui de co‑exploitant ou celui de salarié.

Ces avancées comportent toutefois un angle mort : la revalorisation des pensions de retraite à 85 % du SMIC net agricole n’est toujours pas applicable aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux. La proposition qu’avait formulée à cette fin M. André Chassaigne([1]) a explicitement été écartée par la majorité.

Au moment où s’achève la présente législature, il convient de ne pas laisser ce combat en jachère, au nom de l’égalité, mais aussi au nom de la dignité. Il n’est pas acceptable que, dans notre pays, plusieurs dizaines de milliers d’agricultrices retraitées soient condamnées à vivre dans la pauvreté.

C’est pourquoi l’article 1er de la présente proposition de loi étend le dispositif de solidarité applicable aux exploitants agricoles en ouvrant l’accès du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO) aux non‑salariés agricoles ayant eu la qualité d’aide familial, de conjoint participant aux travaux ou de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole, dans les mêmes conditions relatives aux périodes minimales d’assurance prévues aux I et III de l’article L. 732‑63 du code rural et de la pêche maritime, et dans les mêmes conditions dérogatoires pour les non‑salariés agricoles des outre‑mer. Cet article permet, en outre, pour ces personnes comme pour les chefs d’exploitation, de préciser que les périodes d’invalidité, à la suite d’accidents ou à la pénibilité du travail, sont bien comptabilisées dans les périodes d’assurance prises en compte pour le bénéfice du CDRCO.

Il est certain que l’impact financier d’une telle avancée n’est pas mineur. Lors des débats devant la commission des affaires sociales examinant la proposition de loi de M. André Chassaigne, il a été précisé que le gain moyen apporté par cette mesure, pour une femme bénéficiaire, serait de 273 euros par mois. Le coût total de la mesure serait de l’ordre de 860 millions d’euros. Si l’article 2 en assure formellement le gage par un relèvement des taxes sur les jeux en ligne, il conviendrait, en vérité, de financer cet effort de solidarité par une évolution du régime général des retraites qui sera, à n’en pas douter, l’un des premiers chantiers de la nouvelle législature.

 


proposition de loi

Article 1er

Le livre VII du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020‑839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre‑mer, est ainsi modifié :

1° L’article L. 732‑63 est ainsi modifié :

a) Au 1° du I, après la seconde occurrence du mot : « agricole », sont insérés les mots : « , d’aide familial au sens du 2° de l’article L. 722‑10, de conjoint participant aux travaux ou de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole au sens de l’article L. 321‑5, » ;

b) Au2° du I, après le mot : « agricole » sont insérés les mots : « , d’aide familial au sens du 2° de l’article L. 722‑10, de conjoint participant aux travaux ou de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole au sens de l’article L. 321‑5, » ;

c) Après la seconde occurrence du mot : « agricole, », la fin du III est ainsi rédigée : « d’aide familial au sens du 2° de l’article L. 722‑10, de conjoint participant aux travaux ou de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole au sens de l’article L. 321‑5 accomplies, à titre exclusif ou principal, par l’assuré dans le régime d’assurance vieillesse de base des personnes non salariées des professions agricoles ou au titre d’une prestation d’invalidité prévue à l’article L. 732‑8. » ;

d) À la première phrase du premier alinéa du IV, après le mot : « agricole, » sont insérés les mots : « d’aide familial au sens du 2° de l’article L. 722‑10, de conjoint participant aux travaux ou de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole au sens de l’article L. 321‑5, » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 781‑40, après le mot : « agricole » sont insérés les mots : « , d’aide familial au sens du 2° de l’article L. 722‑10, de conjoint participant aux travaux ou de conjoint collaborateur au sens de l’article L. 321‑5 ».

Article 2

Les charges pour les organismes de sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 302 bis ZH et 302 bis ZI du code général des impôts.


([1]) A l’article 2 de sa proposition de loi n°4137 du 4 mai 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles.