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N° 5169

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mars 2022.

PROPOSITION DE LOI

relative au deuil et à l’accompagnement des personnes endeuillées,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Sereine MAUBORGNE, Bénédicte PÉTELLE, Michèle PEYRON, Anne BRUGNERA, Guy BRICOUT, Audrey DUFEU, François CORMIERBOULIGEON, Nadia ESSAYAN, Annie VIDAL, Blandine BROCARD, Carole BUREAUBONNARD, Françoise BALLETBLU, Mireille ROBERT, Olivier FALORNI, Stéphane VOJETTA, Delphine BAGARRY, JeanPhilippe NILOR, Graziella MELCHIOR, Fabienne COLBOC, Françoise DUMAS, Yves DANIEL, Marie SILIN, Isabelle RAUCH, Daniel LABARONNE, Hélène ZANNIER, Béatrice DESCAMPS, Nicolas MEIZONNET, Fannette CHARVIER, Laurence VANCEUNEBROCK, Muriel ROQUESETIENNE, Stéphane TESTÉ, Laurianne ROSSI, Sylvain TEMPLIER, JeanLuc REITZER, JeanMarc ZULESI, Christophe NAEGELEN, Sonia KRIMI, Jean TERLIER, Bruno FUCHS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les auteurs de la présente proposition de loi constatent le fragile retour et maintien dans l’emploi des actifs en deuil, qui représentent deux tiers des proches endeuillés ([1]). Qu’ils aient été aidants ou que le décès survienne brutalement, 9 % des actifs ne reprennent pas le travail après le décès d’un proche. L’absence au travail a nettement augmenté en deux ans, passant de 43 % à 67 % des actifs en deuil dont un tiers en arrêt de travail. La durée moyenne de ces arrêts est de 34 jours par an. Ils représentent une charge de 700 millions d’euros d’indemnités journalières versées par l’assurance maladie. Les auteurs de cette proposition de loi considèrent qu’il est nécessaire d’agir pour aider, informer, les personnes en deuil et leur entourage familial, amical et professionnel. Il convient en particulier d’accompagner le retour des actifs au travail et leur maintien dans l’emploi, en reconnaissant la durée de leur épreuve et sans pathologiser leur arrêt de travail. De ces dispositions dépendent : leur santé, leur intégration sociale, leur situation familiale, financière et administrative.

L’urgence est induite par la surmortalité liée à la pyramide des âges et au contexte de pandémie de covid‑19. En effet, un décès affecte environ cinq proches : 3,3 millions de Français pour la seule année 2020. Parmi eux, 28 % des Français ont éprouvé des douleurs physiques inhabituelles : maux de tête persistants, mal de dos et vertiges (contre 26 % en 2019). Et 12 % estiment avoir contracté une maladie ou qu’une maladie antérieure s’est aggravée, à la suite du décès d’un proche (contre 9 % en 2019).

La Loi sur l’allongement du congé pour le décès d’un enfant, d’abord rejetée, a été enrichie et votée le 26 mai 2020 à l’unanimité au Parlement, portant le congé pour deuil d’enfant à quinze jours ouvrés. « Ce texte est né dans le fracas », mais les familles et associations ont compris que c’était « l’occasion de faire mieux » et de prévoir « un accompagnement global », a abondé Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles auprès du ministre des solidarités et de la santé.

Après avoir été chargée du parcours décès d’un enfant, la Direction interministérielle de la transformation publique travaille désormais à faciliter les démarches et à accompagner toutes les personnes en deuil, quel que soit leur lien au défunt. En effet, aucune étude scientifique, aucune expérience clinique ne justifie qu’une hiérarchie dans la douleur du deuil soit arbitrairement établie par le législateur et par la société. Chaque deuil est unique. Il dépend à la fois du lien au défunt et de sa nature, des circonstances du décès et de sa cause, de la personnalité qui le vit et de ses fragilités préexistantes. Aussi, accorder un droit différent selon que l’on perd un enfant ou un conjoint discrimine, stigmatise et constitue une rupture d’égalité.

Actuellement, l’article L. 3142 du code du travail stipule que le salarié a droit, sur justification, à un congé pour le décès du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin, du père, de la mère, du beau‑père, de la belle‑mère, d’un frère ou d’une sœur.

Les auteurs de cette proposition de loi proposent d’ajouter les situations de décès de beaux‑enfants à la charge effective des parents, de demi‑frères ou sœurs, d’autres parents, de grands‑parents et de petits‑enfants (article 1er) à la liste des proches concernés par le congé.

Actuellement, la durée de congés de deuil est de trois jours ou de quinze jours, selon le lien au défunt. Les auteurs souhaitent aligner la durée de congé de deuil sur celle du décès d’un enfant soit quinze jours ouvrables : huit jours (article 2) et sept jours ou plus (article 3), accordés par une convention ou un accord collectif d’entreprise, ou à défaut une convention ou un accord de branche. Ces congés seront facultatifs, fractionnables et à prendre dans l’année qui suit le décès.

Enfin, les auteurs souhaitent imposer la désignation et la formation d’un Référent deuil (articles 4 et 5) dans chaque organisme, pouvant être mutualisé pour les structures à petits effectifs. Personne ressource, le référent deuil aura pour rôle d’écouter, d’informer, d’orienter la personne en deuil et d’accompagner l’organisme dans ses bonnes pratiques notamment grâce à un guide “Accompagner le deuil au travail”. En effet, si 76 % des actifs ont été aidés par la reprise du travail, l’absentéisme et les démissions liées à un deuil augmentent. Aussi, il est nécessaire d’apporter des connaissances et des référentiels de bonnes pratiques aux managers et aux services ressources humaines pour mieux répondre aux besoins singuliers des actifs en deuil.

 


proposition de loi

Titre IER

Harmoniser les congés légaux pour sortir
de la hiérarchie des douleurs

Article 1er

Le 4° de l’article L. 3142‑1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le mot : « enfant », sont insérés les mots : « d’une personne à sa charge ou ayant été à sa charge effective et permanente » ;

2° Après le mot : « belle‑mère », sont insérés les mots : « ou d’un autre parent ayant ou ayant eu la charge effective et permanente de l’enfant, d’un grand‑parent, d’un petit‑enfant » ;

3° Sont ajoutés les mots : « , ou d’un frère et d’une sœur issus de l’union de son parent avec son conjoint, concubin ou partenaire ».

Article 2

L’article L. 3142‑1‑1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Sans préjudice du 4° de l’article L. 3142‑1, en cas de décès d’un proche, le salarié a droit, sur justification, à un congé de deuil de huit jours qui peuvent être fractionnés dans des conditions prévues par décret. Le salarié informe l’employeur vingt‑quatre heures au moins avant le début de chaque période d’absence.

« Le congé de deuil peut être pris dans un délai d’un an à compter du décès. »

Article 3

L’article L. 3142‑4 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le 4° est ainsi rédigé :

« 4. Sept jours ouvrés pour le décès d’un enfant ou d’une personne à sa charge ou ayant été à sa charge effective et permanente, du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin, du père, de la mère, du beau‑père, de la belle‑mère ou d’un autre parent ayant ou ayant eu la charge effective et permanente de l’enfant, d’un grand‑parent, d’un petit‑enfant, d’un frère ou demi‑frère, d’une sœur ou demi‑sœur, ou d’un frère et d’une sœur issus de l’union de son parent avec son conjoint, concubin ou partenaire ; »

2° Le 5° est supprimé.

Titre II

Instaurer un Référent deuil pour assurer un accompagnement adapté

Article 4

Le Livre Ier de la Première partie du code du travail est complété par un titre VI ainsi rédigé :

« Titre VI

« Accompagner le deuil

« Art. L. 11561. – L’employeur doit désigner et former au moins un référent deuil chargé d’informer, d’orienter et d’accompagner dans la reprise du travail les salariés traversant un deuil tels que définis à l’article L. 3142‑1.

« Art. L. 11562. – Dans toute entreprise comprenant un comité social et économique et employant moins de deux cent cinquante salariés, le référent deuil est désigné par ce dit comité parmi ses membres tel que prévu à l’article L. 2314‑1. Ce référent deuil peut également être nommé et agir dans le cadre d’un accord inter‑entreprises.

« Dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés, les référents deuil au nombre minimum de deux sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres tel que prévu à l’article L. 2314‑1.

« Art. L. 11563. – Dans toute institution publique les référents deuil sont désignés par les comités sociaux, tels que définis par la loi n° 2019‑828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

« Un décret d’application définit le nombre minimum de référents selon les fonctions publiques et leurs tranches d’effectifs. »

Article 5

Au dernier alinéa de l’article L. 2314‑1 du code du travail les mots : « est désigné » sont remplacés par les mots : « , et les référents deuil, sont désignés ».

Article 6

 I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) Baromètre « Les Français face au deuil » Empreintes-CREDOC-CSNAF, juin 2021 réalisé dans le cadre des Assises du Deuil auprès de 3 000 Français âgés de 18 ans et plus.