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N° 5205

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir une protection cohérente et consolidée des signes d’identification de la qualité et de l’origine et du patrimoine gastronomique français,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Barbara BESSOT BALLOT, Benoit POTTERIE, Richard RAMOS, Carole BUREAUBONNARD, Michèle CROUZET, Laurence GAYTE, Didier MARTIN, Danièle HÉRIN, JeanPierre CUBERTAFON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Bien au‑delà d’un simple label, les Signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) - et tout particulièrement les Appellations d’origine contrôlée (AOC) ou protégée (AOP) et les Indications géographiques protégées (IGP) - sont les vitrines et garants de notre patrimoine gastronomique. Avec nos 1 100 appellations protégées – le nombre le plus élevé au monde après l’Italie – ce sont autant de nos producteurs travaillant selon des cahiers des charges exigeants, gages d’un artisanat d’excellence, que nous mettons en lumière et préservons partout en Europe et à l’international. Biens publics à part entière et partie intégrante de nos politiques agricole, alimentaire, économique, commerciale et rurale, la protection conférée par les SIQO ne saurait se limiter à la lutte contre la contrefaçon.

Par leur essence même, les produits qui s’inscrivent dans ce modèle incarnent une vision durable de l’agriculture et de l’alimentation. Ancrées dans une tradition artisanale inspirée par les atouts et les besoins d’un terroir, assises sur des cahiers des charges rigoureux qui entretiennent des savoir‑faire précieux, rémunératrices de la chaîne de valeur grâce au prisme de la qualité, ces denrées répondent par la même occasion au souhait croissant de très nombreux consommateurs de s’assurer d’une origine traçable et locale.

À ce titre, la contribution des SIQO aux principes et aux effets d’une consommation responsable a été reconnue dans la loi par l’article 278 de la Loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforçant la résilience face à ses effets, introduit dans le texte par le biais d’un amendement déposé en séance publique par l’auteure de la présente Proposition de loi.

Parmi les différents labels et dénomination reconnus officiellement, appréciés au regard du droit européen sur l’information du consommateur qui prohibe de nombreuses allégations (Règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires) tout en prévoyant l’affichage d’informations nutritionnelles quantitatives précises sur les étiquettes (Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires), les SIQO se démarquent comme les seuls marqueurs officiellement attestés de la qualité des produits, tant au niveau des ingrédients que du processus de fabrication en passant par la garantie de caractéristiques organoleptiques et intrinsèques recherchées par les gourmets et consommateurs avertis (on peut notamment citer l’absence de pasteurisation dans de nombreux cahiers des charges d’appellation de qualité et de l’origine laitières, instigatrice de goûts distinctifs et de la présence de cultures probiotiques, dont l’étiquette ne peut aujourd’hui se prévaloir en vertu de la réglementation sur les allégations de santé).

Parce qu’il oriente une montée en gamme tangible des produits consommés, le modèle des SIQO s’impose comme un levier d’action à privilégier vers une alimentation saine, sûre, durable, de qualité et accessible à tous. Les initiatives menées tout au long d’un quinquennat historique pour l’agriculture et l’alimentation en témoignent : au premier plan la mise en place des quotas de produits dits de “qualité durable” dans la restauration collective actée par la Loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ; mais également leur mise à l’honneur dans le cadre de l’année de la Gastronomie lancée à l’automne 2021. Au niveau européen, la Commission européenne travaille également sur une proposition de révision du système de signes de qualité afin notamment de clarifier les attentes en matière de durabilité, notion indissociable de la qualité.

Pour autant, force est de constater que si la valeur ajoutée des SIQO dépasse largement le simple périmètre de la garantie de la propriété intellectuelle et malgré un attachement certain des responsables publics pour ce modèle, le “réflexe SIQO” n’a pas à ce jour pénétré l’action publique dans son déploiement concret et quotidien, comme les rafraîchissements proposés quotidiennement à l’occasion d’événements municipaux partout sur le territoire.

Plus préoccupantes encore, les signataires de cette proposition de loi constatent l’émergence d’initiatives, pour certaines portées par des acteurs publics locaux, allant à l’encontre de la promotion des produits sous SIQO, voire même jetant l’opprobre sur certains produits couverts par ces signes de qualité. Parmi elles, la controverse entièrement prévisible faisant suite à la décision de plusieurs municipalités de proscrire le foie gras (protégé, on le rappelle, par un article dédié du code rural, ainsi qu’une IGP « Canard à foie gras du Sud‑Ouest » et deux Labels Rouges canard mulard et oie) dans leurs manifestations officielles à la fin de l’année 2021.

En dehors de toute polémique idéologique, cette démarche pose la question de la cohérence de l’action publique qui ne saurait simultanément consacrer le caractère gastronomique remarquable d’un produit et le censurer pour un quelconque motif : cette contradiction rend d’autant plus impérative la nécessaire mise à jour du régime de protection conféré par les SIQO.

Ainsi, la présente proposition de loi présentée par des membres du groupe d’études Gastronomie de l’Assemblée nationale entend renforcer la protection juridique conférée par le régime de protection des SIQO, afin de consolider une promotion cohésive à tous les niveaux de l’action publique et un alignement avec les attentes du consommateur qui, au‑delà de la certification d’authenticité, y voit le gage d’une alimentation qui a du sens.

Le chapitre 1er s’attache à compléter le régime de protection attenant aux SIQO et aux mentions valorisantes en mettant en concordance certaines actions publiques avec les objectifs de soutien poursuivis par la distinction de ces produits.

L’article 1er ajoute la cohérence entre la politique de qualité et les actions menées par les collectivités territoriales aux diverses considérations devant être prises en compte par le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire.

L’article 2 rappelle les effets du principe d’égale concurrence, au sens de l’article 43 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, indiquant que les collectivités territoriales qui interviennent dans un secteur marchand, tel que celui de la commercialisation de produits sous signes de qualité et de l’origine, ne peuvent opérer de discrimination quelconque.

L’article 3 complète les objectifs poursuivis par la politique en matière de protection des produits sous SIQO, en y adjoignant la défense du patrimoine gastronomique qu’ils incarnent.

L’article 4 énonce que la promotion des signes de qualité et de l’origine fait partie intégrante de la démarche de poursuite de l’intérêt général par les collectivités territoriales dans l’ensemble de leurs activités.

Le chapitre 2 renforce et clarifie la protection spécifique dont fait d’ores et déjà l’objet le foie gras en vertu d’un article dédié du code rural et de la pêche maritime.

L’article 5 précise les effets de cette distinction, à savoir l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de protection et de promotion par les organismes chargés de l’application de la politique de qualité, et la responsabilité incombant au Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire en matière de protection du foie gras au titre de sa reconnaissance comme patrimoine gastronomique et culturel.

L’article 6 modifie l’intitulé de la section concernée du code rural et de la pêche maritime dans un souci de cohérence juridique, les articles concernant des produits autres que le foie gras ayant été précédemment abrogés.

Le chapitre 3 parachève les dispositions de la politique publique de l’alimentation afin de conforter la protection des SIQO par ce biais.

L’article 7 intègre les établissements municipaux parmi les établissements publics acteurs de la politique de qualité nutritionnelle et prévoit que les SIQO sont un moyen de l’assurer.

L’article 8 étend aux événements et réceptions des collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants l’obligation de fourniture de produits de qualité durable telle que définie par la Loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

L’article 9 prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement s’attachant à détailler l’impact de l’affichage nutritionnel « Nutri‑Score » sur les produits de qualité et les pistes d’adaptation envisagées.


proposition de loi

CHAPITRE IER

PROTECTION DES SIGNES D’IDENTIFICATION DE LA QUALITÉ ET DE L’ORIGINE ET AUTRES MENTIONS VALORISANTES

Article 1er

Après le c) du 4° de l’article L. 611‑1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« d) à la cohérence de la politique de qualité dans le domaine agro‑alimentaire et agro‑industriel avec les actions conduites par les collectivités territoriales. »

Article 2

Sans préjudice de l’application de l’article L. 1111‑1 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales qui interviennent dans un secteur marchand tel que celui de la commercialisation de produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer bénéficiant d’un ou plusieurs modes de valorisation visés à l’article L. 640‑2 du code rural et de la pêche maritime ne peuvent opérer de discriminations lors du choix des acteurs économiques quant à l’achat public, la politique publique de l’alimentation ou la commande publique de fournitures de denrées alimentaires.

Article 3

L’article L. 640‑1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - protéger le patrimoine gustatif et gastronomique, notamment contre toute action visant à nuire à la réputation des produits bénéficiant d’un ou plusieurs modes de valorisation visés au 1° de l’article L. 640‑2 du présent code. »

Article 4

Après l’article L. 643‑3‑3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 643‑3‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 64334. – Sans préjudice de l’application de l’article L. 1111‑1 du code général des collectivités territoriales, une collectivité territoriale ou un quelconque organisme public ne peut pas se prévaloir d’exclure de ses activités ou marchés publics un produit agricole, forestier ou alimentaire ou de la mer bénéficiant d’un ou plusieurs modes de valorisation tel que définis à l’article L. 640‑2 du code rural et de la pêche maritime. »

CHAPITRE II

PROTECTION DU FOIE GRAS

Article 5

Après l’article L. 654‑27‑1 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés deux articles L. 654‑27‑2 et L. 654‑27‑3 ainsi rédigés :

« Art. L. 654272. – Les organismes de recherche et de développement agricoles, les instituts techniques et l’établissement mentionné) à l’article L. 621‑1 du présent code dans le secteur agricole et alimentaire concourent à l’élaboration d’un programme spécifique à la promotion et à la protection du foie gras tel que défini à l’article L. 654‑27‑1 du présent code. »

« Art. L. 654273. – Dans l’exercice de ses compétences, le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire mentionné à l’article L. 611‑1 du présent code apporte une attention particulière à la promotion et à la protection du foie gras tel que défini à l’article L. 654‑27‑1 du présent code. »

Article 6

À l’intitulé de la section 3 du chapitre IV du titre V du livre VI du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de certains produits animaux » sont remplacés par les mots : « du foie gras ».

CHAPITRE III

RENFORCER LA PLACE DES SIGNES D’IDENTIFICATION DE LA QUALITÉ ET DE L’ORIGINE DANS LA POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ALIMENTATION

Article 7

La première phrase du premier alinéa de l’article L. 230‑5 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le mot : « médico‑sociaux », sont insérés les mots : « des établissements municipaux ».

2° À la fin sont insérés les mots : « et les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer bénéficiant d’un ou plusieurs modes de valorisation visés à l’article 640‑2 du présent code. »

Article 8

Le IV de l’article L. 230‑5‑1 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « et aux denrées fournies par les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants lors des événements et réceptions organisés à leur initiative ».

Article 9

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant l’impact de l’affichage nutritionnel prévu à l’article L. 32328 du code de la santé publique sur les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer bénéficiant d’un ou plusieurs modes de valorisation visés à l’article L. 6402 du code rural et de la pêche maritime, et les pistes d’adaptation aux particularités desdits produits dans la perspective de l’évolution envisagée vers son éventuelle application obligatoire au niveau communautaire.

Article 10

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.