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N° 5253

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer une adoption sociale ouvrant un partenariat social,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLuc MÉLENCHON, Bastien LACHAUD, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Alexis CORBIÈRE, Éric COQUEREL, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Bénédicte TAURINE,

Député‑e‑s.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition vise à créer une nouvelle forme d’adoption sociale dans notre société : le « partenariat social ». Ce sera un fondement supplémentaire de la société de l’entraide. Deux personnes pourront donc socialement s’adopter. La famille ne peut plus être la seule cellule de liens valorisée et protégée par la loi.

Les façons d’envisager sa vie et ses liens sont multiples. En 1990, une proposition de loi a été déposée pour la première fois créant un « partenariat civil » ([1]). Elle développait les fondements ce qui deviendrait des années plus tard le pacs. Ce texte de loi précurseur allait d’ailleurs au‑delà puisqu’il plaçait les fratries parmi les bénéficiaires de ce partenariat, puisque les fratries peuvent mener une vie commune et solidaire.

Les liens entre les personnes évoluent et sont aujourd’hui réorganisés. L’entraide peut procéder de liens d’affection nés en dehors de famille et sans relation amoureuse. Ces relations solidaires entre les personnes doivent être reconnues socialement. Elles contribuent à leur manière à la cohésion de notre société. La réflexion doit aujourd’hui aller plus loin que celle qui prévalait pour « partenariat civil » cité plus haut. Tout individu doit avoir doit pouvoir avoir le droit de s’associer à un autre dans un lien de solidarité consenti, sans l’exigence d’une vie commune.

Nous entendons consacrer par la loi ce lien, ces situations où des personnes s’entraident par choix, sans qu’elles soient forcément composante de la même famille, ni qu’elles éprouvent de sentiment amoureux. Les amis ne passent pas forcément après nos amours et la famille dans nos affections profondes. Toute association entre deux personnes qui ont en commun la volonté de s’entraider doit être légitimée et pouvoir bénéficier des protections de la loi. Nous entendons même encourager cette forme d’association. Cette nouvelle forme d’engagement mutuel, ou chacun se donne le devoir d’aider un autre, trouvera une traduction juridique par laquelle nous définissons les droits et des devoirs qui s’attachent ce nouveau « partenariat social ». Ces droits et devoirs sont d’ordre civil et successoral. Nous instaurons des contreparties du vivant de la personne qui fait le choix d’adopter l’autre par ce partenariat. Cette nouvelle forme de partenariat permettra de régler les cas d’héritages dits « indirects ». En effet, un lien affectif peut exister entre des personnes, sans qu’elles puissent hériter l’une de l’autre. Ce lien affectif est lui, bien réel et direct. La loi ne peut continuer à l’ignorer. Un ami, une marraine, un parrain, un frère, une sœur, devait pouvoir adopter socialement son amie, son filleul, sa filleule, son frère, sa sœur. Le statut que nous proposerons formalisera ce lien d’entraide réciproque. Il règlera notamment les inégalités et les incompréhensions en matière d’héritage. Une nouvelle forme de solidarité humaine existera dans la loi.

Cette idée vient de loin.

« Depuis que nous sommes tous libres et égaux en droits, nous devons travailler à détruire toute espèce de dépendance et d’inégalités, parmi tous les citoyens de la République, qui ont tous juré la liberté, l’égalité et l’unité.

(…)

L’intérêt de la liberté et de l’égalité exige que la loi sur l’adoption prévienne l’accumulation des fortunes, en lui évitant l’occasion et le moyen de les amonceler sur une seule tête […] L’adoptant et l’adopté y trouveront leur mutuel bonheur ; le bienfait de l’un sera plus grand, et la reconnaissance de l’autre sera plus grande ; il s’attacheront davantage l’un à l’autre, leur affection sera plus sincère, plus franche et plus forte, à proportion de leurs divers états et de leurs différentes fortunes, qu’ils avaient avant d’être unis par l’adoption.

(…)

Au fur et à mesure que l’inégalité des fortunes disparaîtra, l’égalité s’établira parmi les hommes ; ils se rapprocheront de plus en plus ; ils s’entresecourront, ils s’en estimeront, et ils en seront d’autant plus heureux ».

Ces mots sont ceux de Michel Azéma, député de l’Aude. Ils datent du 4 juin 1793. Michel Azéma était chargé au nom du comité de législation de la Convention Nationale de présenter un projet de loi sur l’adoption. Présentant le décret du 24 décembre 1792, Jean Débry, député de la Convention nationale, se plaçait dans la lignée des révolutionnaires de 1789 ayant offert « dans le bouleversement général au riche étonné le spectacle de l’ordre, de la vertu, et du désintéressement ». Il déduisait de cet esprit révolutionnaire « deux mesures premières » à consacrer dans la loi pour prouver « au pauvre […] qu’il ne sera plus l’orphelin de la société » : l’égalité devant l’impôt et le rétablissement du droit d’adoption. Quelques mois plus tard, Michel Azéma présentait en conséquence les éléments cités plus haut. Ce projet de loi n’a jamais été voté. Il faudra attendre le code civil de 1804 pour poser les fondements de l’adoption telle que nous la connaissons dans sa version moderne. Toutefois, le travail de la Convention nationale, s’il a aussi pu servir de base au code napoléonien, nous montre l’esprit de l’adoption qui prévalait dans la période révolutionnaire. Une adoption entre les êtres avant tout à vocation sociale, destinée à créer de nouveaux liens dans la société tout en réduisant l’inégalité.

C’est dans cet esprit que s’inscrit la présente proposition de loi.

En résumé,

Il est créé un nouveau titre dans le code civil, relatif au « partenariat social ».

Celui‑ci définit le « partenariat social ». C’est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour consacrer les liens d’affection qui les unissent par l’engagement mutuel de se porter secours et assistance. A la différence du mariage et ou du pacte civil de solidarité, il n’est nullement question d’ici d’organiser la vie commune. Ce « partenariat social » peut également être conclut alors que même que les personnes concernées sont par ailleurs engagées dans les liens du mariage, liées par un pacte civil de solidarité, et qu’elles ont une descendance.

Ce partenariat social est conclu devant l’officier de l’état civil de la commune où se trouve la résidence de l’une des deux personnes ou par acte notarié.

Les partenaires sociaux doivent établir chacun un testament au profit de l’autre partenaire. Le régime qui s’applique à la succession prévue par ce testament est celui qui s’applique habituellement à la succession entre héritiers de ligne directe. Les partenaires s’engagent à une aide matérielle et une assistance réciproques. L’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.

 


proposition de loi

Article 1er

Après le titre XIII du livre Ier du code civil, il est inséré un titre XIII bis ainsi rédigé :

« Titre XIII bis

« DU PARTENARIAT SOCIAL

« Art. 51581. – Un partenariat social est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour consacrer les liens d’affection qui les unissent par l’engagement mutuel de se porter secours et assistance. Ces personnes sont nommées « partenaires sociaux »

« Le nombre de parties au contrat est limité à deux.

« Il peut y avoir partenariat social entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage ou dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité, ou entre collatéraux.

« Par dérogation au premier alinéa, lorsque l’un des partenaire social est un mineur de seize ans, l’autre partenaire social doit être majeur.

« Art. 51582. – Les personnes qui concluent un partenariat social en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties.

« À peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un partenariat social produisent la convention passée entre elles à l’officier de l’état civil, qui la vise avant de la leur restituer.

« L’officier de l’état civil enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité.

« Lorsque la convention de partenariat social est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire recueille la déclaration conjointe, procède à l’enregistrement du partenariat et fait procéder aux formalités de publicité prévues à l’alinéa précédent.

« La convention par laquelle les partenaires modifient le partenariat social est remise ou adressée à l’officier de l’état civil ou au notaire qui a reçu l’acte initial afin d’y être enregistrée.

« Art. 51583. – Les partenaires sociaux établissent chacun un testament au bénéfice de l’autre partenaire social dans les conditions prévues par le chapitre V du titre II du livre III.

« Par dérogation au quatrième alinéa de l’article 777 du code général des impôts régissant le tarif des droits applicables en ligne collatérale et entre non‑parents, le tarif des droits applicables dans le cadre des transmissions opérées entre les partenaires civils dans le cadre des dispositions testamentaires est celui prévu pour la ligne directe par le tableau I du même article.

« Les dispositions relatives à l’abattement du I de l’article 779 du même code sont également applicables.

« Art. 51584. – Les partenaires sociaux s’engagent à une aide matérielle et une assistance réciproques. L’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.

« Sans préjudice des dispositions prévues aux titres V et XIII du livre Ier, lorsque l’un ou les deux partenaires sociaux est par ailleurs engagé dans les liens du mariage ou lié par un pacte civil de solidarité, les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts, à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins vitaux, et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif.

« Art. 51585. – Le partenariat social se dissout par la mort de l’un des partenaires. Dans ce cas, la dissolution prend effet à la date du décès.

« L’officier de l’état civil du lieu d’enregistrement du partenariat social ou le notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du partenariat, informé du décès par l’officier de l’état civil compétent, enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité.

« Le partenariat social se dissout également par déclaration conjointe des partenaires ou décision unilatérale de l’un d’eux.

« Les partenaires qui décident de mettre fin d’un commun accord au partenariat social remettent ou adressent à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du partenariat, ainsi qu’au notaire qui a enregistré les testaments, une déclaration conjointe à cette fin.

« Le partenaire qui décide de mettre fin au partenariat social le fait signifier à l’autre. Une copie de cette signification est remise ou adressée à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du partenariat, ainsi qu’au notaire qui a enregistré les testaments.

« L’officier de l’état civil ou le notaire enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité.

« La dissolution du partenariat civil prend effet, dans les rapports entre les partenaires, à la date de son enregistrement. »

Article 2

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1])  https://www.senat.fr/leg/1989-1990/i1989_1990_0422.pdf.