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N° 291

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à modifier les conditions de déclenchement
du référendum d’initiative partagée,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Matthias TAVEL, Christophe BEX, Raquel GARRIDO, Andrée TAURINYA, Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean‑Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député.e.s.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Aller plus loin sur le référendum d’initiative partagée qui a été créé il y a maintenant onze ans dans notre constitution en en simplifiant les règles, en permettant que l’initiative puisse venir de citoyens, un million de citoyens qui signeraient une pétition et qu’elle puisse prospérer en projet de loi et si elle n’était pas examinée par les assemblées, aller au référendum »

C’est en ces termes que s’exprimait le président de la République Emmanuel Macron, le 25 avril 2019, en propos liminaire à la conférence de presse à l’issue du grand débat national.

Mais plus de trois ans après, il n’en est rien. Le projet de loi constitutionnelle déposé en août 2019 n’a jamais été examiné par l’Assemblée nationale.

Le mouvement des gilets jaunes a posé l’exigence forte de la création d’un droit au référendum d’initiative citoyenne, proposition jusque lors ignorée. Le premier projet de référendum d’initiative partagé lancé de 2019 a rassemblé 1,09 million de signatures de citoyens inscrits sur les listes électorales rendant impossible son déclenchement. Enfin, les élections présidentielles et législatives de 2022 ont connu des niveaux très élevés d’abstention marquant une nouvelle coupure entre le peuple et ses représentants.

Tout indique qu’il est indispensable de vivifier notre système démocratique en permettant une intervention citoyenne plus directe dans les prises de décision.

Aller dans ce sens c’est d’ailleurs être fidèle aux principes fondateurs de la République. En effet, le peuple est la source de toute souveraineté politique démocratique, comme le consacre notre constitution actuelle dans son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »

La souveraineté démocratique est fondée sur la souveraineté du peuple qui, décidant non de ce qui est utile pour soi, mais de ce qui est bon pour toutes et tous, peut définir l’intérêt général. La République se constitue à partir du moment où le peuple est souverain pour décider de l’intérêt général : d’un point de vue social, écologique, démocratique, économique, c’est le peuple qui défend l’intérêt général.

C’est dans cet esprit que l’article 11 de la Constitution prévoit, depuis la réforme de 2008, la possibilité pour les citoyennes et citoyens inscrits sur les listes électorales d’être actrices et acteurs dans l’élaboration de la loi, en soutenant l’initiative de proposition de loi d’un cinquième des parlementaires. Il s’agit du référendum d’initiative partagée (RIP).

À défaut d’un véritable référendum « d’initiative populaire », le législateur constitutionnel a choisi, lors de la réforme de 2008, d’instituer, à l’article 11, alinéa 3 de la Constitution, ce référendum « d’initiative partagée » établi selon les conditions suivantes :

– l’initiative émane d’au moins un cinquième des membres du Parlement (soit 185 députées et députés, sénatrices et sénateurs) ;

– elle est soutenue par un dixième des électrices et électeurs inscrits sur les listes électorales, soit environ 4,7 millions de Français ;

– elle ne peut porter que sur les domaines énumérés par l’article 11 (organisation des pouvoirs publics, réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent).

Cependant, alors que cette procédure visait initialement à redonner la parole aux Français et à démocratiser le recours au référendum, son recours s’est avéré en pratique irréalisable, notamment parce que le recueil de 4,7 millions de signatures d’électeurs est quasiment impossible à obtenir, et empêche l’intervention du peuple. Dans l’histoire de notre pays, jamais une pétition n’a d’ailleurs atteint ce seuil de 4,7 millions de signatures.

À titre d’exemple, en Suisse, un seuil de 50 000 citoyens pour un nombre de 5,36 millions d’électrices et électeurs est fixé pour la mise en œuvre d’un « référendum facultatif », sous certaines autres conditions, soit 0,9 % du corps électoral. Un dispositif qui fait de la Suisse le pays où se déroule chaque année près de la moitié de tous les référendums répertoriés dans le monde. Si l’on appliquait ce seuil proportionnellement aux 48,8 millions d’électrices et électeurs inscrits en France (en mars 2022), le seuil devrait être abaissé à 455 000 citoyennes et citoyens.

Depuis sa création, le RIP n’a fait l’objet que d’un recours, au moment de l’adoption de la loi PACTE, lequel n’a pas abouti. Le Conseil constitutionnel a en effet constaté, le 26 mars 2020, qu’avec 1 093 030 soutiens, la proposition de loi visant à modifier le statut des aéroports de Paris proposée par 248 parlementaires n’avait pas atteint le seuil des 4,7 millions de soutiens.

Ce seuil très élevé prévu par la réforme constitutionnelle de 2008, puis entérinée par la loi organique du 6 décembre 2013, constitue un obstacle vraiment rédhibitoire. Ce droit constitutionnel est ainsi inopérant.

En outre, le partage de l’initiative affichée ne l’est pas, puisque cette initiative n’appartient qu’aux seuls parlementaires à l’origine du texte de loi qu’un certain nombre de citoyens peuvent ensuite soutenir, faisant de ce RIP un référendum d’initiative parlementaire à soutien citoyen et non un véritable référendum d’initiative réellement partagée.

Différentes propositions de réaménagements ont été faites, d’initiative parlementaire, mais aussi gouvernementale, notamment en réponse à la crise des Gilets jaunes.

Fin avril 2019, le président Macron annonçait son intention de revoir la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP). Pas de référendum d’initiative citoyenne comme voulu par les Gilets jaunes, et comme le portent le programme de l’Avenir en commun puis le programme de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), mais une simplification globale des règles du RIP et un million de signatures pour porter le texte devant le Parlement.

Aussi, le projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019 dont l’examen n’avait pu aboutir, proposait trois modifications majeures du RIP :

– L’extension du champ de la procédure (élargi aux questions de société et à l’organisation des pouvoirs publics territoriaux) ;

– Le partage de l’initiative, qui pouvait être attribuée aux citoyens alors qu’elle n’est aujourd’hui engagée que par les parlementaires ;

– Enfin les seuils étaient modifiés, à la fois celui des parlementaires signataires de la proposition de loi passant de 1/5ème à 1/10ème, et celui des citoyens « soutiens » passant de 1/10ème du corps électoral à un million d’électrices et électeurs, soit deux centièmes.

En attendant que le peuple souverain redéfinisse les règles du jeu politique en écrivant une nouvelle constitution par la voie d’une Assemblée constituante, notre groupe La France Insoumise - NUPES propose dans un premier temps, d’avancer rapidement sur cet instrument d’expression démocratique qu’est le RIP, en assouplissant les conditions de son déclenchement. Dans une volonté d’efficacité et de compromis, nous proposons de reprendre la formulation contenue dans le projet de loi constitutionnel de 2019.

Aussi, à travers un article unique visant à réécrire l’alinéa 3 de l’article 11 de la Constitution :

– Nous proposons que l’initiative qui permet de soumettre un texte au référendum, faute d’examen par les deux assemblées parlementaires, sous la forme d’une proposition de texte de loi, soit déposée par un dixième des parlementaires, soit 93, soutenue par un million d’inscrit·es sur les listes électorales.

– Par ailleurs, nous proposons que l’initiative elle‑même soit véritablement partagée. Alors qu’elle ne peut être engagée aujourd’hui que par les parlementaires qui doivent, ensuite, recueillir le soutien des électrices et électeurs, nous souhaitons que l’inverse soit également possible. Les citoyens pourraient ainsi prendre l’initiative de présenter une proposition de texte de loi qui devra ensuite recevoir le soutien des parlementaires.

Tel est l’objet du dispositif de cette proposition de loi constitutionnelle qui apporte une première pierre à l’édifice d’un renouvellement démocratique, en renforçant l’expression de la souveraineté populaire.


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

À la première phrase du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution, les mots : « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales » sont remplacés par les mots : « soit à l’initiative d’un dixième des membres du Parlement, soutenus par un million des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit à l’initiative d’un million des électeurs inscrits sur les listes électorales soutenus par un dixième des membres du Parlement ».