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N° 468

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 novembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses mesures d’adaptation de l’installation des notaires,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Pierre MORELÀL’HUISSIER,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a fait glisser dans le code de commerce une partie significative de la règlementation relative au notariat. Ce faisant, elle a prétendu faire subir au notariat un changement de caractère, en dirigeant la profession vers une mise en concurrence, traduit par l’introduction de certains mécanismes de marché, d’offre et de demande d’offices, la liberté d’installation ou encore l’introduction d’un degré de flexibilité tarifaire. 

L’objectif poursuivi par la loi était d’inviter les offices à se rapprocher du droit commun des entreprises, en gommant un certain nombre de particularisme hérité de longue date. Sans porter préjudice au statut du notariat et à la valeur de ses actes, la réforme a placé l’enjeu économique au cœur des offices, provoquant la disparition des moins efficaces, bien souvent dans nos territoires les plus reclus.

Concrètement, la réforme a conduit à un choc d’offre avec une augmentation de 40 % du nombre d’offices entre juin 2017 et juin 2019 et à un certain degré d’évolution tarifaire avec un modèle à la fois plus flexible et plus contraint appliquant des tarifs majoritairement moins élevés qu’auparavant. 

Parallèlement, la réforme a permis de réelles avancées : la profession s’est fortement féminisée mais aussi rajeunit de l’ordre de deux ans en moins de trois ans. De nouveaux profils professionnels sont apparus, permettant à la profession de s’ouvrir plus. Enfin, la loi a largement permis de stimuler la capacité d’innovation et d’adaptation des offices avec une intensification de la démarche qualité (espace d’échanges partagé, visioconférence, sites internet), de la communication et de la déontologie. 

Néanmoins, la crise du coronavirus, cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, a profondément marquée la profession, accélérant certains effets que l’on percevait déjà, notamment la disparition d’offices dans certaines zones rurales. 

C’est pourquoi, l’article 1er vise à suspendre la création de nouveaux offices jusqu’au 1er janvier 2022 afin de laisser le temps à la profession et aux offices récents d’absorber les effets de la crise, très violents pour la profession.

D’un point de vue économique il est constaté que les 10 % d’offices qui réussissent le mieux parviennent à peine à la médiane des produits des offices. Seuls un quart des offices créés affichent une performance économique satisfaisante (et parmi ceux‑ci, une moitié réussit très bien). Il faut noter que si un tiers des offices créés semblent pour le moment tout à fait viables, 40 % soit ne parviennent pas à décoller, soit sont dans un état d’inactivité patente. 

Une proportion significative de nouveaux offices n’a pas passé le cap des trois années : 294 suppressions d’offices ont été comptabilisées sur les 2 161 créés et un nombre important d’offices sont à l’état virtuel ou invisibles. Cela fait au total un tiers des créations. Dans certaines zones d’emploi, on atteint 40 % de « taux d’échec ».

La crise sanitaire qui est venue s’ajouter à cette conjoncture difficile risque de l’aggraver fortement si la nouvelle vague d’extension se déroule bien en 2021. Le report de l’extension permettra à la profession de se relever de cette crise et à l’ensemble des offices nouvellement crées de s’enraciner plus solidement dans leurs territoires respectifs. Ce faisant, les prochaines cartes pourront aussi mieux évaluer les zones où, au‑delà de la quantité d’office, le besoin économique se fait le plus sentir notamment à travers l’étude des bassins de vie plutôt que d’emploi, trop incertain actuellement

Dans un objectif de cohérence, il est proposé au sein de l’article 2 que le prochain avis, et suivants, de l’Autorité de la concurrence puisse se faire avec l’implication des acteurs intéressés. 

L’Autorité de la concurrence rend tous les deux ans au ministre de la justice un avis sur la liberté d’installation des notaires. Cet avis est assorti d’une carte qui détermine les zones où l’implantation d’office apparaît utile sans pour autant pouvoir imposer la création d’office dans certains lieux. Il apparaitrait utile que les acteurs intéressés et impliqués puissent disposer aussi en amont de cet avis afin d’y apporter des observations utiles, en toute transparence et conduire, dans le respect de l’autonomie et du pouvoir d’enquête de l’Autorité, a des installations plus équitables sur le territoire, notamment du fait de la crise sanitaire. 

Enfin, il est proposé à travers l’article 3 et l’article 4 d’étaler les prochaines vagues de création de nouveaux offices tous les cinq ans au lieu de deux.

S’il est vrai qu’entre 1960 et 2015, trop peu d’offices avaient été créés, la loi croissance a conduit à l’excès contraire avec un essor de créations d’offices sans précédent, lors des deux vagues opérées en 2017 puis en 2019, trop rapprochées. Concrètement, l’augmentation fut de +36 % d’offices en deux ans. 

Tel est l’objet de la présente loi.

 


proposition de loi

Article 1er

La création de nouveaux offices notariaux est suspendue jusqu’au 1er janvier 2024 du fait de la crise sanitaire. Ce délai peut se voir étendu en cas de résurgence de la crise. Les modalités d’application sont définies par décret en Conseil d’État.

Article 2

L’article L. 462‑2‑1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’Autorité de la concurrence communique aux personnes intéressées, notamment aux personnes mentionnées à l’avant‑dernier alinéa, le projet d’avis un mois avant son adoption et avant toute publication, afin de leur permettre de présenter leurs observations sur ce projet. Sans préjudice de l’article L. 463‑4, l’Autorité de la concurrence met à disposition des personnes intéressées l’ensemble des documents sur lesquels elle s’est fondée ou qu’elle a recueillis pour établir son avis. »

Article 3

Au dernier alinéa de l’article 52 de la loi n° 2015‑990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».

Article 4

À la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 462‑4‑1 du code de commerce, les mots : « au moins tous les deux » sont remplacés par les mots : « tous les cinq ».