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N° 656

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à réformer le versement aux services de l’aide sociale à l’enfance

des allocations familiales afférentes aux enfants placés,

 (Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Antoine VERMORELMARQUES, Laure MILLER, Patrick HETZEL, Justine GRUET, Jean-Pierre TAITE, Julien DIVE, Vincent SEITLINGER, Éric PAUGET, Jean-Luc BOURGEAUX, Pierre VATIN, MarieChristine DALLOZ, Véronique LOUWAGIE, Josiane CORNELOUP, Isabelle VALENTIN, Alexandra MARTIN, Philippe JUVIN, Michel HERBILLON, Francis DUBOIS, Nicolas RAY, Stéphane VIRY, Nicolas FORISSIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2020, 199 530 enfants étaient accueillis par l’Aide sociale à l’enfance ([1]). Cela représente une hausse de 43 % depuis 2002 ([2]). L’accueil de ces jeunes n’est aujourd’hui plus optimal. Il ne permet pas toujours un accompagnement personnalisé et adéquat. Il relève, pourtant, de la responsabilité des pouvoirs publics d’accompagner ces jeunes en difficulté pour leur donner toutes les clés nécessaires à leur construction et les préparer au mieux à leur vie d’adulte.

En l’état actuel de la pratique, les allocations familiales continuent d’être versées aux familles dont le ou les enfants ont été placés auprès de l’Aide sociale à l’enfance. La présente proposition de loi poursuit l’objectif de permettre un meilleur accompagnement des jeunes placés ainsi qu’une meilleure application du droit et de la volonté du législateur. C’est la raison pour laquelle, elle propose d’introduire dans la loi le versement systématique des allocations familiales inhérentes à un enfant placé au service de l’Aide sociale à l’enfance. 

En effet, la loi n° 86‑17 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé a introduit le principe du versement des allocations familiales au service de l’Aide sociale à l’enfant et non plus à la famille de l’enfant placé afin de tenir compte de la situation concrète du jeune. Elle est censée s’appliquer à chaque fois qu’un enfant est retiré à sa famille et placé par décision judiciaire. Il ressort des débats parlementaires de l’époque et de l’analyse des scrutins à l’Assemblée nationale comme au Sénat un consensus autour de l’introduction de ce principe dans la loi portée par le Gouvernement Fabius. D’ailleurs, cette loi fut adoptée à l’unanimité sous la VIIème législature. Elle avait réussi à unir la majorité de gauche et la minorité de droite.

Toutefois, la loi prévoit une exception au transfert du versement des allocations familiales vers l’ASE. En effet, celles‑ci peuvent continuer d’être versée à la famille « lorsque celleci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer ». On parlera alors du ``maintien des liens affectifs’’ justifiant le versement des allocations familiales à la famille qui n’assume plus la charge de l’enfant. Depuis 2006, il revient au juge de décider du maintien ou non pour la famille de la part des allocations afférentes à l’enfant placé. Cette notion extrêmement floue a conduit le juge à en avoir une lecture très extensive : l’exception a pris le pas sur le principe pour éviter toute incohérence d’interprétation de la loi. Aussi, aujourd’hui, dans la majorité des cas, les allocations continuent d’être versées à la famille. Le principe n’est presque plus appliqué.

Pourtant, comme le prévoyait le législateur au moment de la création des allocations familiales puis de la loi de 1986, les allocations doivent être « versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant ». Il apparaît donc nécessaire de clarifier la loi. C’est la raison pour laquelle le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi transpartisane sur ce sujet en 2014.

Le législateur s’est, à nouveau, saisi de la question des prestations sociales liées aux enfants placés en 2016. Il a supprimé le versement de l’allocation de rentrée scolaire aux familles des enfants placés. En effet, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance a confié à la Caisse des Dépôts et Consignations, la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant de l’allocation de rentrée scolaire. Aussi, l’ARS n’est plus versée à la famille de l’enfant placé qui n’en assume plus la charge. Elle est consignée jusqu’à la majorité de l’enfant afin que celui‑ci puisse en profiter et que cet argent l’accompagne dans le début de sa vie d’adulte. 

Dans la continuité, la présente proposition de loi vise à permettre le versement systématique des allocations familiales afférentes à un enfant placé au service de l’aide sociale à l’enfance auprès duquel il a été placé. L’objectif est d’assurer la pleine effectivité du principe posé à l’article L. 521‑2 du Code de la sécurité sociale. Les enfants deviendraient alors les véritables bénéficiaires de ces allocations. Par ailleurs, nous connaissons les difficultés financières que rencontrent ces services d’accueil en raison de l’accroissement des mesures de placement. Aussi, la redirection des allocations familiales vers leur destinataire légitime permettrait un meilleur accueil et un suivi plus efficace des enfants. Elle vise en clair à renouer, dans l’intérêt de ces jeunes confrontés à des situations difficiles, avec la volonté initiale du législateur de 1986 en mettant fin à cette injustice et à accompagner les Départements qui supportent la charge de l’enfant sans bénéficier des allocations inhérentes à celui‑ci.


proposition de loi

Article unique

L’article L. 521‑2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les allocations familiales versées en vertu de l’article L. 521‑1 du présent code au titre d’un enfant confié à l’aide sociale à l’enfance en application des 3° ou 5° de l’article 375‑3 du code civil, de l’article 375‑5 du même code ou de l’article L. 323‑1 du code de la justice pénale des mineurs est versée à l’aide sociale à l’enfance tant que celui‑ci lui est confié. Le mois durant lequel le placement est levé est dû à la famille afin de préparer le retour de l’enfant au foyer. Pour l’application de la condition de ressources, la situation de la famille continue d’être appréciée en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. Les sommes indûment versées à l’aide sociale à l’enfance sont restituées par cette dernière à l’organisme débiteur des prestations familiales. » ;

2° Le quatrième alinéa est supprimé.


([1]) Enquête « Aides sociales » de la DREES mise à jour en juillet 2022.

([2]) Données nationales de la DREES