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N° 659

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à assurer un repas à 1 euro pour tous les étudiants,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

Mme Fatiha KELOUA HACHI, Inaki ECHANIZ, Claudia ROUAUX, Boris VALLAUD, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Marie-Noëlle BATTISTEL, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Anna PIC, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Valérie RABAULT, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Mélanie THOMIN, Roger VICOT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2020, 43 % des étudiants ont renoncé à un repas dans la journée pour des raisons financières. Depuis, les files alimentaires d’étudiants ne désemplissent pas. Face à la crise énergétique et inflationniste actuelle, elles devraient même s’accroitre encore.

Pourtant, comme tout être humain, chaque étudiant doit avoir droit à une alimentation adéquate, c’est‑à‑dire avoir accès, physiquement et économiquement, à une nourriture suffisante, ou au moyens de se la procurer[1].

Indépendamment des crises, qu’elles soient sanitaires, énergétiques, inflationnistes ou autres, indépendamment du statut de l’étudiant, qu’il soit boursier ou non, « erasmus » ou « international », un étudiant doit avoir accès, physiquement et économiquement, à une alimentation adéquate. C’est l’objet de cette proposition de loi.

En 2020, le gouvernement mettait en place le « ticket restaurant universitaire » à 1 euro pour les étudiants boursiers. Manifestement insuffisant, il finissait par étendre le dispositif à tous les étudiants en janvier 2021. Un jour ouvrable seulement après l’annonce du président de la République c’était 20 000 étudiants non boursiers qui recourraient au dispositif, et 28 000 étudiants boursiers. Durant les quelques mois d’applications, ils auront été quasiment autant d’étudiants non boursiers que boursiers à avoir bénéficié de la mesure, et le nombre total de repas distribués aura été multiplié par cinq. Depuis 2020, ce sont ainsi près de 32 millions de repas qui ont été servis pour 1 euro.

Le succès de ce dispositif témoigne en réalité de la défaillance du système de bourses étudiantes.

En effet, la référence au foyer fiscal des parents et le mode de calcul par seuils reviennent à exclure de nombreux étudiants dans le besoin : non seulement la situation familiale ou personnelle de l’étudiant peut l’amener à ne pas avoir de lien avec ses parents, qu’importe alors le revenu de ces derniers ; mais, en plus, le seuil minimal permettant d’accéder au premier échelon, fixé à 33 100 euros par an par foyer fiscal, laisse de côté de nombreuses familles, gagnant à peine plus, et ayant tout autant de difficultés à payer le logement, le transport, l’équipement informatique et pédagogiques nécessaires à la réussite de leurs enfants.

Alors que seulement 38 % des étudiants touchent une bourse, il n’est pas entendable de priver les 62 % autres, soit près de 2 millions de jeunes, d’un repas à un prix « accessible ». Car les prix « accessibles » de certains adultes ne sont pas les prix « accessibles » des étudiants, et économiser 2,30 euros sur un repas, c’est économiser 70 euros par mois à raison d’un repas par jour, 140 euros pour 2 repas par jour. Ce qui n’est pas négligeable, même pour des non bousiers. Preuve à l’appui : entre janvier et avril 2021, du fait de la mesure, le nombre de non boursiers ayant pris leur repas au Crous a été multiplié par 9.

Pourtant, à la rentrée 2021, le Gouvernement a fait le choix de stopper la mesure pour les non boursiers. En ciblant le dispositif sur les boursiers et « les plus précaires », aujourd’hui, il exclut un nombre important d’étudiants et complexifie le recours de ceux qui doivent désormais justifier de leur précarité.

Parce qu’il est indispensable de décorreler le dispositif du ticket U de la notion de bourse, cette proposition de loi vise à inscrire le principe d’un repas à 1 euro accessible pour tous les étudiants.

Pour autant, l’accessibilité ne se réduit pas aux questions économiques, et il est important d’améliorer également l’accès physique à ces repas à 1 euro. Or, de nombreux étudiants sont sur des campus délocalisés, souvent situés en zone rurale, sans restaurant universitaire, et ne peuvent donc pas recourir au dispositif.

En effet, 750 points de vente sont assurés par les CROUS aujourd’hui alors qu’il existe 3 500 établissements d’enseignement supérieur en France. Cette hétérogénéité de l’accès à des restaurants universitaires montre la nécessité d’adapter les mesures afin de d’assurer un égal accès pour tous les étudiants. La tarification sociale doit s’appliquer dans tous les territoires. Dès lors, la mesure du ticket restaurant universitaire à 1euro doit être généralisée et adaptée pour les campus non dotés de restaurant universitaire. Elle doit être étendue à tous les sites de restauration du CROUS, y compris les cafétérias.

L’article 1er inscrit ainsi, dans le code de l’éducation, le principe du repas à 1euro pour tous les étudiants et dans tous les sites de restauration des CROUS.

Par ce que le Gouvernement refuse d’étendre le RSA au moins de 25 ans, parce qu’il n’a pas voulu non plus de notre proposition d’une aide individuelle à l’émancipation solidaire[2], parce qu’il y va, pourtant, de la santé, de l’équilibre de vie et de la réussite des étudiants, l’État se doit d’accompagner les CROUS dans l’étendue de cette tarification sociale. Il est donc proposé que les coûts engendrés soient assumés par l’État.

L’article 2 vient donc gager la perte de recette pour l’État.

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 822‑1 du code de l’éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 822‑1‑1. – La tarification des repas distribués par les centres régionaux des œuvres universitaires, dans tous leurs sites de restauration, ne peut être supérieure à 1 euro. »

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1]) Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies - Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, observation 12, 1976

([2]) Proposition de loi n°3724 relative à la création d’une aide individuelle à l’émancipation solidaire : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3724_proposition-loi