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N° 707

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à alléger la fiscalité applicable aux successions et aux donations afin de faciliter la transmission de patrimoine
aux jeunes générations,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Dino CINIERI,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Face à la situation difficile que vivent nombre de nos concitoyens depuis le début de la crise énergétique qui fait suite à la crise sanitaire du Covid‑19, il est urgent de relancer la consommation. Pour cela, il faut permettre le déblocage de l’épargne des Français.

On hérite de plus en plus tard en France. En 1980, l’âge moyen des héritiers s’établissait à 42 ans ; il est de 50 ans aujourd’hui et il sera, si aucune évolution législative et réglementaire n’intervient d’ici là, de 58 ans, en 2050.

Le poids des droits de mutation à titre gratuit appliqué à la succession s’avère vite très lourd pour les héritiers car, au‑delà d’un abattement consenti en fonction du lien de parenté et qui culmine à 100 000 euros pour les héritiers en ligne directe, les taux s’envolent rapidement pour atteindre un maximum de 45 % en ligne directe et de 60 % pour les héritiers dépourvus d’un lien de parenté.

Par conséquent, en 2016, le montant des droits de succession perçus par l’État a atteint 10,8 milliards d’euros et les droits de donation 1,8 milliard d’euros, ce qui, en cumulé, représente 1,2 % du PIB et place la France au deuxième rang des pays de l’OCDE.

Dans ces conditions, dans le contexte de la crise économique liée au Covid‑19, il importe d’alléger les droits de succession et de faciliter les donations pour permettre une transmission plus rapide du patrimoine vers les plus jeunes et redynamiser ainsi l’économie française.

Alléger les droits de succession

Actuellement, les successions sont taxées en ligne directe jusqu’à 45 % à compter de 1 805 677 €, après un abattement de 100 000 € puis un taux de 20 % qui représente la taxation habituelle de la principale tranche (entre 31 865 et 552 324 €).

D’oncle à neveu, il est de 55 % quasiment sans abattement. Quant au taux sans lien de parenté, il est de 60 %. Ces taux sont excessifs.

Il est proposé, pour accélérer les transmissions, de :

– ramener la tranche marginale en ligne directe à 30 %, avec une tranche principale à 15 % ;

– alléger le taux normal des autres successions familiales ;

– ramener le taux à 40 % pour les transmissions entre non familiers ;

– restaurer l’abattement de 200 000 € au lieu de 100 000 € aujourd’hui ;

– indexer les barèmes.

Exonérer la résidence principale

Au premier décès dans un couple, la résidence principale entre dans l’assiette des droits de succession avec seulement un abattement de 20 %. Les héritiers autres que le conjoint se trouvent donc souvent à devoir payer des droits sur un bien dont ils ne disposent nullement puisque le conjoint survivant continue le plus souvent d’habiter la même résidence.

Il est donc proposé d’exonérer totalement la résidence principale de droits de succession au premier décès.

Simplifier le forfait immobilier

L’évaluation des meubles corporels est actuellement complexe et le taux de 5 % en cas de forfait mobilier s’avère trop élevé au regard de l’envolée de l’immobilier et de l’évolution de la bourse, qui représentent les deux éléments essentiels d’une succession.

Outre une réflexion sur la transmission des objets d’art ou précieux, il est proposé de ramener le forfait mobilier à 3 %.

Supprimer le droit de partage.

Le droit de partage frappe uniformément au taux de 2,5 % tous les partages d’indivision (succession, divorce, liquidation…). En matière de succession, il s’ajoute aux droits de succession et constitue une somme non négligeable que tous les héritiers doivent payer, y compris ceux qui sont censés être non imposables.

En outre, il est de plus en plus courant, pour éviter de payer ce droit, de laisser des biens en indivision ou d’effectuer des partages « de fait » avec toute l’insécurité juridique qui en découle.

Il est donc proposé la suppression pure et simple du droit de partage, à tout le moins dans le cas d’une succession ou de la liquidation d’une communauté conjugale.

Exonérer de droits de mutation les donations entre époux

Le conjoint survivant est exonéré de droits de succession alors que les donations entre époux restent curieusement soumises aux droits de donation (abattement de 80 K€ puis barème quasiidentique à celui en ligne directe).

Il est donc proposé l’exonération totale des donations entre époux.

Établir à deux ans le délai de rappel fiscal

Actuellement, toute donation intervenant moins de quinze ans avant le décès du donateur est à réintégrer fiscalement dans la succession de ce dernier. Ce délai est trop long et interdit aux familles toute stratégie de transmission du patrimoine sur le long terme.

Il est donc proposé de ramener ce délai à deux ans pour accélérer encore les transmissions.

Porter l’exonération des dons d’argent à 100 000 € tous les cinq ans

Afin de permettre une meilleure transmission de l’épargne aux jeunes générations, l’article 9 propose de porter le plafond de dons d’argent à 100 000 € tous les cinq ans. Ces dons peuvent être effectués par chèque, par virement, par mandat ou par remise d’espèces. Chaque enfant pourrait ainsi recevoir, en exonération de droits, jusqu’à 100 000 € de chacun de ses parents, grands‑parents et arrière‑grands‑parents.

Tel est le sens de la présente proposition de loi que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

 


proposition de loi

Article 1er

Le C du VI de la section II du chapitre premier du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 779 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du I, le montant : « 100 000 € » est remplacé par le montant : « 200 000 € » ;

b) Au premier alinéa du IV, le montant : « 15 932 € » est remplacé par le montant : « 60 000 € » ;

c) Au V, le montant : « 7 967 € » est remplacé par le montant : « 30 000 € » ;

2° Au IV de l’article 788, le montant : « 1 594 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € ».

Article 2

L’article 777 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le tableau du quatrième alinéa est ainsi rédigé :

  

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable
(en %)

N’excédant pas 15 000 €

5

Comprise entre 15 000 € et 50 000 €

10

Comprise entre 50 000 € et 500 000 €

15

Comprise entre 500 000 € et 1 000 000 €

20

Comprise entre 1 000 000 € et 5 000 000 €

25

Au delà de 5 000 000 €

30

 

2° Les cinquième à septième alinéas sont supprimés ;

3° Le tableau de l’avant‑dernier alinéa est ainsi rédigé :

  

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable
(en %)

Entre frères et sœurs vivants ou représentés

30

Entre parents jusqu’au 6e degré inclusivement

35

Entre parents au delà du 6e degré et entre personnes non‑parentes             

40

 

Article 3

Le C du VI de la section II du chapitre premier du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 777 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les limites des tranches des tarifs prévus aux tableaux ci‑dessus sont actualisées au 1er janvier de chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondies à l’euro le plus proche. » ;

2° Le VI de l’article 779 est ainsi rétabli :

« Le montant des abattements du présent article est actualisé au 1er janvier de chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu et arrondi à l’euro le plus proche. »

Article 4

Au deuxième alinéa de l’article 784 du code général des impôts, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « deux ».

Article 5

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 764 bis est abrogé ;

2° Après l’article 793, il est inséré un article 793‑0 bis ainsi rédigé :

« Art. 7930 bis. – Est exonéré de droits de mutation à titre gratuit par décès l’immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsque, à la même date, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant, par le partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt, de son conjoint ou de son partenaire.

« Ces dispositions s’appliquent dans les mêmes conditions lorsque les enfants majeurs du défunt, de son conjoint ou de son partenaire sont incapables de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise au sens du II de l’article 779. »

Article 6

Au 3° du I de l’article 764 du code général des impôts, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 3 % ».

Article 7

Le V de la section II du chapitre premier du titre IV de la première partie du livre premier code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 746 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « , cohéritiers » est supprimé ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

2° Le 3 est complété par un article 749 C ainsi rédigé :

« Art. 749 C. – Sont exonérés du droit d’enregistrement ou de la taxe de publicité foncière prévus à l’article 746 les partages des intérêts patrimoniaux consécutifs à une séparation de corps, à un divorce, à une rupture d’un pacte civil de solidarité ou à un changement de régime matrimonial. »

Article 8

Le VI de la section II du chapitre premier di titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les articles 790 E et 790 F sont abrogés ;

2° L’article 796‑0 bis est ainsi modifié :

a) Les mots : « par décès » sont remplacés par les mots : « à titre gratuit » ;

b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Le bénéfice de cette exonération est remis en cause, en cas de donation, lorsque le pacte prend fin au cours de l’année civile de sa conclusion ou de l’année suivante pour un motif autre que le mariage entre les partenaires ou le décès de l’un d’entre eux. Dans ce cas, il est fait application du tarif prévu au tableau I de l’article 777. »

Article 9

Le I de l’article 790 G du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Aux premier et dernier alinéas, le montant : « 31 865 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;

2° Au premier alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « cinq ».

Article 10

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.