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N° 709

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer l’accueil familial
des personnes âgées ou handicapées,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Béatrice DESCAMPS, Stéphane LENORMAND, Benjamin SAINTHUILE, JeanCarles GRELIER, Olivier FALORNI, Soumya BOUROUAHA, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Guy BRICOUT, Nicolas RAY, Damien ABAD, Véronique RIOTTON, Xavier BATUT, Constance LE GRIP, Charles de COURSON, Max MATHIASIN, Christophe NAEGELEN, Bertrand PANCHER, Ian BOUCARD, Xavier BRETON, Hubert OTT, JeanJacques GAULTIER, Nicolas FORISSIER, Christelle PETEXLEVET, Yannick HAURY, Didier LEMAIRE, David TAUPIAC, Violette SPILLEBOUT, Nathalie BASSIRE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En juillet 2022, Thérèse Bauwens, accueillante familiale du Nord, en était à sa deuxième grève de la faim. À 70 ans, après 33 ans d’exercice, elle mène ce combat « non pour ellemême mais pour l’avenir de l’accueil familial ».

Famidac, l’association nationale des accueillants familiaux français, débute la description de son action par ces mots : partage, solidarité, inter‑génération, convivialité. Ces valeurs décrivent de façon assez juste l’esprit qui anime les 10 000 foyers qui pratiquent l’accueil familial en France. Rappelons‑le, les accueillants familiaux, agréés par les conseils départementaux, sont des professionnels qui accueillent au sein de leurs familles des personnes âgées et/ou handicapées, en tout cas en perte d’autonomie, de façon permanente, occasionnelle ou séquentielle.

Alors que plus de 15 millions de Français étaient âgés de plus de 60 ans en 2021, et que ce chiffre devrait atteindre 24 millions en 2060, alors que la question de la prise en charge de nos aînés est plus que jamais au cœur de nos préoccupations et a vocation à l’être de plus en plus, alors que des scandales ont posé de profondes questions sur le bien‑être de nos aînés, l’accueil familial constitue une alternative assez méconnue et offrant pourtant de vastes perspectives.

Les accueillants familiaux hébergent donc directement les personnes dépendantes à leur domicile, assurant un suivi permanent et personnalisé – ils ne peuvent accueillir plus de trois personnes à la fois – un espace privé (chambre, salle de bains) ainsi que l’ambiance chaleureuse et familiale d’un foyer (participation à la vie quotidienne, repas communs, etc.). Dans ce mode d’accueil, l’aspect humain est résolument mis en avant, car se tissent des liens forts entre les accueillants et les résidents, lesquels vivent parfois plusieurs années, voire plusieurs décennies au sein de leur famille d’accueil.

Pourtant, les accueillants familiaux ne bénéficient pas de véritable statut. Employé soit directement par les résidents, soit par des entités publiques, ils sont très faiblement rémunérés eu égard aux conditions de travail (3 heures rémunérées par jour, contre au moins 12 heures effectivement travaillées dans la réalité, entre le travail de nuit, du weekend, la difficulté de prendre des congés, impossibilité de laisser le résident livré à luimême, etc.) et souvent obligés de payer euxmêmes certains frais car les enveloppes prévues pour les frais généraux sont trop faibles pour subvenir convenablement aux besoins du résident (frais de nourriture, soins médicaux, achats personnels, frais d’électricité, de transports, etc.).

De ce fait, ce mode de prise en charge de la dépendance, pourtant demandé, recherché, apprécié pour sa dimension humaine, affective et conviviale, est en déclin malgré le vieillissement global de la population et toutes les problématiques liées au grand âge. Il est urgent, Mesdames et Messieurs, de soutenir et renforcer l’accueil familial afin de permettre d’en vivre décemment et de rendre cette activité, sinon attractive, au moins soutenable.

La présente proposition de loi s’oriente autour de quatre axes :

– améliorer la rémunération actuellement trop faible des accueillants familiaux ;

– garantir une réelle formation pour les accueillants familiaux ;

– faciliter et simplifier les démarches administratives des accueillants familiaux ;

– sécuriser les revenus des accueillants familiaux.

L’article premier vise à revaloriser le salaire journalier des accueillants familiaux à 5 fois le SMIC horaire, au lieu de 2,5 fois aujourd’hui. L’article 2 se concentre sur l’indemnité représentative des frais d’entretien, très insuffisante à ce jour (elle équivaut à 4 € de nourriture par jour pour une personne, soit pour trois repas et une collation). À l’article 3, il est prévu de faire bénéficier les accueillants familiaux des mêmes primes que celles qui sont prévues pour les autres salariés du secteur médico‑social, qu’ils travaillent en institution ou en intervention à domicile. Pour l’heure, les accueillants familiaux sont exclus de toutes les mesures en faveur des salariés du secteur de l’autonomie, alors même qu’ils sont soumis aux mêmes difficultés et qu’ils travaillent dans le même secteur.

L’article 4 sert plusieurs objectifs :

– permettre de fournir une vraie formation initiale aux accueillants familiaux, à travers un cursus harmonisé sur l’ensemble du territoire (ne dépendant non plus uniquement des différents conseils départementaux) menant à un véritable diplôme reconnu.

– prévoir la reconduite tacite des agréments des accueillants familiaux ; pour l’heure, ils sont forcés d’en refaire la demande tous les cinq ans, ce même si leur situation n’a pas changé, ce qui rend les accueillants familiaux tributaires d’un nouvel agrément, fourni par les services départementaux dans des délais d’au moins six mois. Il prévoit également la réduction du délai prévu pour déposer une nouvelle demande en cas de refus d’agrément ; car les conditions qui ont conduit au refus de l’agrément peuvent très bien faire l’objet d’une révision rapide. Le délai d’un an prévu en cas de refus ou de non‑renouvellement semble inutilement long.

– maintenir de la rémunération en cas de décès ou de départ de la personne accueillie. Il est également précisé que ces mesures sont valables y compris lorsque le départ est temporaire (séjour parmi les proches ou hospitalisation) et ce quelle que soit l’ancienneté de l’accueillant familial.

– garantir une meilleure publicité des offres d’hébergement des accueillants familiaux par les services départementaux, car l’option de l’accueil familial n’est pas toujours connue des proches des personnes âgées et souvent non envisagée alors que des accueillants familiaux disposent, eux, de places disponibles.

L’article 5 ouvre la possibilité, pour les accueillants familiaux, y compris remplaçants, de toucher un revenu de remplacement en cas d’absence de personne à accueillir et donc de vacance d’hébergement. Ils n’ont à ce jour pas droit aux allocations‑chômage, même en l’absence de personne à héberger.

L’article 6 sécurise les accueillants familiaux en conditionnant le retrait d’agrément en cas de séparation d’un couple d’accueillants familiaux au fait qu’aucun des deux membres du couple ne conserve l’habitation pour laquelle l’agrément a été accordé. À ce jour, la séparation d’un couple d’accueillants familiaux agréés conduit automatiquement au retrait de leur agrément et donc à la perte de l’activité professionnelle. Cette situation, absolument unique dans le monde du travail, pourrait conduire à des situations personnelles difficiles liées à l’impossibilité pour une personne de se séparer de son conjoint sans se mettre en difficulté financièrement et professionnellement. Cet article prévoit que le retrait de l’agrément n’est effectif que si l’habitation pour laquelle l’agrément a été accordé ne revient à aucun des membres du couple.

L’article 7 permettra, par le biais d’un rapport remis au Parlement, de réaliser un travail de bilan et d’exploration des pistes d’amélioration des dispositifs relatifs aux accueillants familiaux, afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de travail sur le sujet au‑delà du présent texte.

L’article 8 constitue le gage financier assurant la recevabilité de la présente proposition de loi.

Voici, Mesdames et Messieurs, la proposition de loi que je vous propose d’adopter, qui vise à sécuriser, soutenir et renforcer l’accueil familial, laquelle me semble être une voie à encourager dans les enjeux liés au grand âge et au maintien dans l’autonomie.


proposition de loi

Article 1er

La deuxième phrase du neuvième alinéa de l’article L. 442‑1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :

1° Les mots : « un minimum fixé par décret » sont remplacés par les mots : « cinq fois la valeur horaire du salaire minimum de croissance prévu à l’article L. 3231‑2 du code du travail » ;

2° Les mots : « le salaire minimum de croissance prévu à l’article L. 141‑2 du code du travail » sont remplacés par les mots : « ce dernier ».

Article 2

Le neuvième alinéa de l’article L. 442‑1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° La troisième phrase est supprimée ;

2° L’avant‑dernière phrase est complétée par les mots : « selon un minimum fixé par décret » ;

3° À la fin de la dernière phrase, les mots : « est revalorisée conformément à l’évolution de l’indice national des prix à la consommation » sont remplacés par les mots : « correspond à huit fois le minimum garanti, déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 3231‑12 du code du travail ».

Article 3

Le I de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au 6°, après le mot : « âgées », sont insérés les mots : « , y compris en accueil familial, » ;

2° Le 7° est complété par les mots : « ou en accueil familial ».

Article 4

I. – L’article L. 441‑1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « une formation initiale et continue et » sont supprimés et, après le mot : « départemental », sont insérés les mots « ainsi qu’une formation initiale diplômante et une formation continue, » ;

b) La seconde phrase est complétée par les mots : « ainsi que les dispositions relatives au diplôme d’accueillant familial et aux formations initiale et continue » ;

2° La première phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « et ce dès la première année d’agrément » ;

3° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de décision de refus d’agrément, l’accueillant familial est autorisé à présenter sans délai un nouveau dossier de demande. » ;

4° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« L’agrément est reconductible tacitement à l’issue de sa période de validité sans démarche supplémentaire de la part de l’accueillant familial. En cas de retrait de l’agrément à l’issue de la période de validité, le président du conseil départemental doit en informer l’accueillant familial dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 441‑2.

« Lorsque, du fait de la personne accueillie, l’accueil d’une ou plusieurs personnes est provisoirement suspendu, notamment en cas d’hospitalisation ou de séjour dans la famille naturelle, l’accueillant familial, quelle que soit son ancienneté, a droit à une indemnité dont le montant et les conditions de versement sont définis par décret. 

« Dans les conditions citées à l’alinéa précédent, si du fait de cette suspension, l’accueillant familial n’a plus de personne en charge et se trouve donc en situation d’arrêt d’activité, il a également droit à une indemnité spécifique dont le montant et les conditions de versement sont définis par décret. »

II. – Le président du conseil départemental et le ministre chargé de l’autonomie veillent à l’accessibilité et la publicité de l’information relative à l’accueil familial et aux offres d’accueil familial dans chaque département.

Article 5

L’article L. 444‑2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « chapitre », sont insérés les mots : « , y compris les accueillants familiaux remplaçants, » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 19° Au revenu de remplacement prévu au chapitre Ier du titre II du livre IV de la cinquième partie consacré à l’indemnisation des travailleurs privés d’emploi et mentionné notamment à l’article L. 5421‑2, en cas d’absence de personne à accueillir. »

Article 6

L’article L. 441‑2, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La séparation d’un couple d’accueillants familiaux ne constitue un motif de retrait de l’agrément que si aucun des deux membres du couple ne conserve le logement pour lequel l’agrément a été accordé. Sauf exception, l’agrément est maintenu pour le membre du couple qui conserve la propriété ou, à défaut, l’usage du logement utilisé pour l’accueil familial. »

Article 7

Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les réalités du recours aux accueillants familiaux et les pistes d’amélioration éventuelles.

Article 8

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services et par la création de taxes additionnelles aux contributions mentionnées aux articles 1613 ter et 1613 quater du code général des impôts.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

IV. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.