N° 897
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2023.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Stéphane VIRY, Thibault BAZIN, Ian BOUCARD, Hubert BRIGAND, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Fabien DI FILIPPO, Christelle D’INTORNI, Francis DUBOIS, Virginie DUBY‑MULLER, Pierre‑Henri DUMONT, Jean-Jacques GAULTIER, Justine GRUET, Philippe JUVIN, Alexandra MARTIN, Yannick NEUDER, Christelle PETEX‑LEVET, Alexandre PORTIER, Nicolas RAY, Raphaël SCHELLENBERGER, Jean-Pierre TAITE, Pierre VATIN, Jean-Pierre VIGIER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Si la réforme des retraites est au cœur des discussions des Françaises et des Français, un sujet brûlant de préoccupation revient également constamment : le prix des carburants. Combustible essentiel pour tant de nos citoyens dans leurs déplacements quotidiens, la hausse des prix de l’essence et du diesel est une source majeure d’angoisse financière.
Afin de répondre à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, l’Union européenne a mis en place un embargo européen sur le pétrole russe. La deuxième phase de cet embargo est entrée en vigueur le 5 février dernier. Elle vise notamment les produits importés par voie maritime et devrait priver l’Union Européenne d’au moins 90 % ou plus des volumes de pétrole russe qu’elle importait avant la guerre en Ukraine. Si ce conflit a eu comme effet une augmentation rapide et importante du prix du baril de pétrole, cet embargo pourrait avoir pour conséquence d’aggraver la situation, en particulier pour le diesel, largement importé de Russie. En réponse aux sanctions européennes, la Russie a fait part de son intention de réduire en mars sa production quotidienne d’environ 5 %, soit 500 000 barils. Ce volume correspond à 0,5 % de la consommation mondiale quotidienne. Le 10 février dernier, cette réaction russe a suffi à faire rebondir les cours du brut. Cette situation montre la fragilité des marchés du pétrole.
Les Françaises et les Français ont toutefois un sentiment contrarié concernant la hausse du prix du pétrole. En effet, si la hausse des cours sur les prix à la pompe se fait rapidement, force est néanmoins de constater que la baisse observée sur le prix du baril de pétrole ne se traduit pas automatiquement et à la même vitesse qu’en cas de hausse du baril sur les prix à la pompe. Aussi, cette situation est inacceptable et incompréhensible pour bon nombre de consommateurs.
À l’initiative des députés Les Républicains, le Gouvernement avait mis en place une aide financière, pour tous les usagers de la route. Le 1er janvier 2023, cette ristourne a toutefois disparu. À cette date, TotalEnergies a aussi supprimé sa remise pratiquée aux pompes de ses stations‑service. Mécaniquement et automatiquement, les prix sont repartis à la hausse.
Aussi, à des fins d’apaisement social, le Ministère de l’Économie et des Finances a annoncé la mise en place, puis la prolongation, du nouveau dispositif qui a remplacé la ristourne : une indemnité carburant de 100 euros allouée aux 10 millions de foyers français les plus modestes.
Les ménages concernés sont censés en faire la demande jusqu’à la fin février. Prolongée, ils pourront remplir le formulaire idoine jusqu’à la fin mars. Néanmoins, force est de constater que cette indemnité carburant n’échappe pas à la règle générale : nombre d’aides sociales ne sont jamais demandées par les personnes éligibles. Le Ministre de l’Économie et des Finances a lui‑même convenu que « quasiment la moitié » des bénéficiaires potentiels y échappe.
La guerre en Ukraine n’est toutefois pas la seule cause de la hausse des prix des carburants. En effet, ceux‑ci n’ont cessé de croître depuis des dizaines d’années.
Pour rappel, le prix moyen du gazole était à 1,27 € en janvier 2018, à 1,03 € en janvier 2016, à 0,99 € en janvier 2009, à 0,81 € en janvier 2004 et même à 0,74 € en janvier 2002.
En juin et juillet 2022, nous avons même dépassé le seuil symbolique des 2,00 € le litre de gazole.
(Source Insee)
Ne nous trompons pas, ce ne sont pas uniquement les cours des hydrocarbures qui pèsent aujourd’hui sur le pouvoir d’achat des Français, mais principalement la fiscalité associée aux carburants.
En plus d’être soumis à la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques (TICPE), l’essence et le gazole sont taxés à 20 % au titre de la taxe sur la valeur ajoutée. Mais une partie de la TVA est assise sur la TICPE, créant ainsi de la taxe sur la taxe, insupportable pour les Français soumis à une explosion des prix à la pompe. Ces cas d’impôt sur l’impôt, ou de taxe sur la taxe, correspondent à une vision archaïque, injustifiable et injuste pour nos compatriotes qui subissent déjà une forte baisse de leur pouvoir d’achat en raison d’une inflation mondiale record. Ceci est d’autant plus choquant que, contrairement à la TICPE qui est fixe, la TVA suit les variations des cours du pétrole brut. C’est donc la double peine pour les Français car chaque fois que les prix du pétrole s’envolent, comme c’est le cas depuis des mois, les recettes fiscales de l’État augmentent mécaniquement. La TVA sur les carburants va ainsi rapporter au total plus de 3 milliards d’euros supplémentaires à l’État en 2022.
L’article 1 vise donc à supprimer la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant de la TICPE afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Avec une telle disposition, on estime le gain à environ 15 centimes par litre sur l’essence (soit 7,5 € pour un plein de 50 litres) et 13 centimes par litre sur le diesel (soit 6,5 € pour un plein de 50 litres). Cette mesure de pouvoir d’achat immédiat et pérenne pour tous les Français tributaires de leur voiture, notamment dans les territoires ruraux, supprime cette taxe sur la taxe, perçue, à juste titre, comme inique et injuste par nos compatriotes. C’est également une mesure de rééquilibrage fiscal alors que les taxes représentent 60 % du prix à la pompe. Cette mesure, qui n’exclurait personne et en particulier les classes moyennes, bien souvent trop oubliées des politiques publiques, serait très importante pour ceux qui travaillent, notamment dans certains territoires ruraux. Plutôt que la multiplication des chèques, la baisse durable des taxes est la mesure la plus simple et la plus efficace pour redonner du pouvoir d’achat à tous nos compatriotes. Il serait par ailleurs incompréhensible et inéquitable que les Français qui possèdent une voiture électrique bénéficient de l’aide de l’État sur le blocage des prix de l’électricité, alors que les autres, qui ne peuvent pas forcément acheter une telle voiture, qui roulent au diesel ou à l’essence, ou qui se chauffent au fioul, ne bénéficient d’aucune aide face à l’envolée des prix du pétrole. En effet, il ne s’agit pas seulement de compenser la hausse de l’inflation à court‑terme, il s’agit de cesser cette course folle vers toujours plus de taxe sur les carburants. Au classement des pays qui taxent le plus leur carburant, la France est sur le podium en arrivant 3e sur 26 sur le diesel, et 4e sur 26 sur l’essence ! Par ailleurs, la France affiche, après le Danemark, le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe (44,8 % du PIB en 2022).
L’article 2 prévoit la remise d’un rapport au Parlement dressant un bilan visant à évaluer l’impact de l’application de l’article 1er de cette proposition de loi, un an après sa promulgation.
L’article 3 vise à compenser le coût de cette mesure notamment par la création d’une taxe additionnelle, dans le code de l’énergie, sur les superprofits issus des produits liés à la vente de carburants. En effet, à titre d’exemple, TotalEnergies, en 2022 a déclaré avoir fait des bénéfices à hauteur de 20 milliards d’euros. Si effectuer des bénéfices est signe de bonne santé pour une entreprise, le contexte socio‑économique appelle à la mesure et à de la décence vis‑à‑vis des consommateurs. Aussi, rétrocéder une partie des bénéfices liés à la vente de carburants, aux consommateurs, est une mesure de bon sens qu’il ne faut pas laisser à la seule appréciation et volonté des géants pétroliers et/ou distributeurs, mais bien en l’inscrivant dans la loi. Si nécessaire, ajouter une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
L’article 4 prévoit la remise d’un rapport au Parlement dressant les raisons pour lesquelles la baisse observée sur le prix du baril de pétrole ne se traduit pas automatiquement sur les prix à la pompe et sur les éventuelles spéculations de tout ou partie de distributeurs de carburant quant aux tarifs pratiqués dans les stations‑service à la suite d’une baisse du prix du baril de pétrole. Ce rapport déterminera en ce sens la part exacte des mécanismes spéculatifs et les marges réalisées par les acteurs économiques et commerciaux dans les hausses des prix des carburants. Ce rapport étudiera également toutes propositions d’ordres législatives et règlementaires visant à ce qu’aucune spéculation, sur le prix des carburants, ne puisse être faite par les distributeurs afin que les prix à la pompe dépendent réellement de la fluctuation, à la hausse ou à la baisse, des prix du baril de pétrole. Enfin, ce rapport permettra d’établir une série de solutions objectives visant à assurer la transparence des hausses de prix des carburants.
proposition de loi
Suppression de la taxe sur la taxe pour les carburants
L’article 262 quater du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée les biens et services assujettis à l’accise perçue sur les produits énergétiques autres que les charbons, les gaz naturels et l’électricité pour la part du prix de vente hors taxe sur la valeur ajoutée représentant le montant de l’accise perçue sur les produits énergétiques telle que définie au chapitre II du titre premier du livre III du code des impositions sur les biens et les services ».
Dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement dressant un bilan évaluant l’impact de l’application de l’article premier de cette proposition de loi.
La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création dans le code de l’énergie d’une taxe additionnelle sur les superprofits issus des produits liés à la vente de carburants et, si nécessaire, par une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Étudier toutes les possibilités visant à endiguer les effets d’aubaine des distributeurs de carburant sur les prix de l’essence et du gazole, expliquer les raisons pour lesquelles la baisse observée sur le prix du baril de pétrole ne se traduit pas automatiquement sur les prix à la pompe et assurer la transparence des hausses des prix
Dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement dressant les raisons pour lesquelles la baisse observée sur le prix du baril de pétrole ne se traduit pas automatiquement sur les prix à la pompe et sur les éventuelles spéculations de tout ou partie de distributeurs de carburant quant aux tarifs pratiqués dans les stations‑service à la suite d’une baisse du prix du baril de pétrole. Il déterminera en ce sens la part exacte des mécanismes spéculatifs et les marges réalisées par les acteurs économiques et commerciaux dans les hausses des prix des carburants. Il étudiera également toutes propositions d’ordres législatives et règlementaires visant à ce qu’aucune spéculation, sur le prix des carburants, ne puisse être faite par les distributeurs de carburant afin que les prix à la pompe dépendent réellement de la fluctuation, à la hausse ou à la baisse, des prix du baril de pétrole. Enfin, il permettra d’établir une série de solutions objectives visant à assurer la transparence des hausses de prix des carburants. Le périmètre de ce rapport concernera à la fois la métropole et les Outre‑mer.