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N° 966

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux indemniser les propriétaires de maisons fissurées par des épisodes de sécheresse au titre de catastrophes naturelles,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierrick BERTELOOT, Michaël TAVERNE, José BEAURAIN, Michel GUINIOT, Michèle MARTINEZ, Véronique BESSE, Matthieu MARCHIO, Florence GOULET, Frank GILETTI, Philippe LOTTIAUX, Bruno BILDE, Marine HAMELET, Frédéric FALCON, Géraldine GRANGIER, Laurence ROBERTDEHAULT, José GONZALEZ, Kévin PFEFFER, Christophe BARTHÈS, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Joris HÉBRARD, Alexis JOLLY, Katiana LEVAVASSEUR, Nicolas MEIZONNET, Alexandra MASSON, Bénédicte AUZANOT, Mathilde PARIS, Thibaut FRANÇOIS, Stéphanie GALZY, Timothée HOUSSIN, Philippe BALLARD, Julien RANCOULE, Jérôme BUISSON, Christophe NAEGELEN, Annick COUSIN, Nicolas DRAGON, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Serge MULLER, Thomas MÉNAGÉ, Yoann GILLET, Sophie BLANC, Victor CATTEAU, Romain BAUBRY, Emmanuelle MÉNARD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à répondre à la demande des Français victimes de la dégradation de leurs biens due à des épisodes de sécheresse, qui se sont vu léser par la loi n° 2021‑1837 du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles. L’article 6 de cette loi méconnaît en effet de façon flagrante les intérêts des assurés, en privilégiant ceux des assureurs, alors qu’il vient limiter à un double titre l’indemnisation des sinistres causés par les phénomènes de sécheresse‑réhydratation des sols.

En premier lieu, cette disposition plafonne le montant de l’indemnisation à la valeur du bien au moment du sinistre.

Il en résulte une pénalisation de l’assuré dont le bien présente au moment du sinistre une valeur inférieure au coût des travaux nécessaires à sa remise en état, alors qu’il est contraint, nonobstant les primes versées à l’assureur, parfois pendant des années, d’acquitter sur ses propres deniers la part excédant cette valeur. Les foyers les plus modestes, qui ne peuvent faire face à une telle dépense, se voient ainsi placés dans l’impossibilité d’assurer la réfection complète de leur bien et contraints de vivre dans des conditions précaires qui ne pourront aller qu’en s’aggravant.

Ce dispositif crée en outre une inégalité entre les assurés, en faveur des plus riches et au détriment des plus pauvres. À niveau équivalent de dégâts, les ménages possédant un bien d’une valeur élevée ont en effet plus de chance que ceux disposant d’un bien d’une valeur moindre, de se voir indemnisés à hauteur du coût total des travaux de remise en état. Cette inégalité est particulièrement visible entre les habitants des zones urbaines et les habitants des zones rurales, où le prix de l’immobilier au mètre carré est très souvent moindre qu’en ville. Cela revient à un abandon des propriétaires sinistrés installés dans les campagnes.

En second lieu, l’article 6 restreint l’indemnisation aux dégâts les plus graves.

Le texte ne prévoit en effet la prise en charge par l’assureur des travaux que dans l’hypothèse d’une atteinte à la solidité du bâtiment ou d’un bien rendu impropre à sa destination. Par conséquent, les dommages substantiels, mais de moindre importance, causés par les phénomènes de sécheresse‑réhydratation des sols, échappent à toute indemnisation. À cet égard encore, les assurés sont laissés pour compte.

C’est l’usage d’un pluviomètre qui permet la constatation des phénomènes de sécheresse‑réhydratation des sols. Or il n’existe que 3 000 points de mesure de pluviométrie en France pour déterminer l’intensité anormale de la sécheresse, alors que notre pays est divisé en 9 000 mailles. Ainsi, il existe des départements où Météo‑France ne possède aucun détecteur d’humidité. La présence de tels détecteurs est pourtant nécessaire pour évaluer le taux de sécheresse, déclarer un état de catastrophe naturelle et permettre l’indemnisation des sinistrés. Faute de moyen de mesures appropriées, de nombreux contentieux se soldent par le rejet de la requête formulée devant le juge tribunal administratif. Il est donc urgent que les communes se dotent du matériel météorologique afin d’avoir les éléments nécessaires pour déclarer un état de catastrophe naturelle.

De plus, la prise en charge par l’assureur d’une contreexpertise n’est pas systématique en cas de dommage consécutif à une sécheresse. Une telle prise en charge est pourtant prévue pour les catastrophes comme les incendies et les inondations. À ce jour, seule une minorité de compagnies d’assurance prévoit une clause qui garantit la prise en charge de la contre‑expertise au sein de la couverture Cat Nat sécheresse. Ce manquement crée une inégalité entre les sinistrés, d’une part, lors de la détermination par l’expert technique de l’origine des dommages, puisque le sinistré est un non initié en la matière face à un expert d’assurance professionnel formé, et, d’autre part, au regard des coûts non négligeables à la charge du sinistré, s’il souhaite s’adjoindre un expert pour se faire aider. Ces coûts s’élèvent souvent à 4 % ou 5 % du montant des réparations.

Nous proposons donc de restaurer un équilibre entre les assureurs et les assurés, en ménageant de façon équitable les intérêts de chacun. Il convient dans cette mesure de supprimer les dispositions de l’article 6 de la loi n° 2021‑1837 du 28 décembre 2021 qui pénalisent les Français dont le bien a été endommagé par un phénomène de sécheresse‑réhydratation des sols, en ce qu’il les expose ainsi à une prise en charge seulement partielle des dommages subis, voire à une absence de prise en charge. Il faut également mieux accompagner les sinistrés, aussi bien en équipant les communes de moyens nécessaires aux mesures des phénomènes de sécheresse‑réhydratation des sols, qu’en leur permettant d’accéder à une contre‑expertise qui s’avère parfois essentielle.

L’article 1er modifie l’article L. 125‑1 du code des assurances pour : proscrire, pour les biens à usage d’habitation et les autres biens à usage non professionnel, la fixation d’une franchise spécifique plus élevée applicable à l’indemnisation des dommages imputables aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols ; étendre le champ de l’indemnisation aux frais inhérents à la mise à l’abri des biens meubles des personnes sinistrées due à une évacuation du logement principal rendu impropre à l’habitation.

L’article 2 étend le champ de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles pour que celle‑ci couvre le coût des dommages matériels directs et indirects non assurables subis par les biens lors de la première manifestation du risque, à concurrence de leur valeur fixée au contrat. Il prévoit d’autre part la prise en charge par l’assureur des honoraires de l’expert d’assuré sollicité lors de l’établissement de la première expertise.

L’article 3 a pour objet d’assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 125‑1 du code des assurances est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Pour les biens à usage d’habitation et les autres biens à usage non professionnel, ils ne peuvent prévoir la fixation d’une franchise spécifique plus élevée pour les dommages imputables aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols. »

2° À la fin de l’avant dernière phrase du troisième alinéa, sont ajoutés les mots : « , ainsi que les frais inhérents à la mise à l’abri des biens meubles des personnes sinistrées due à une évacuation du logement principal rendu impropre à l’habitation. » ;

3° À la fin, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les moyens de mesures pluviométriques nécessaires à la constatation d’un épisode de sécheresse‑réhydratation des sols sont mis en place sur l’ensemble du territoire par les collectivités territoriales dans des conditions définies par décret. »

Article 2

L’article L. 125‑2 du code des assurances est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « ; lors de la première expertise, l’assureur informe l’assuré de sa possibilité de se faire assister par un expert d’assuré dont les honoraires sont pris en charge par l’assureur. »

2° La onzième phrase du même alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « La garantie couvre le coût des dommages matériels directs et indirects non assurables subis par les biens lors de la première manifestation du risque, à concurrence de leur valeur fixée au contrat et dans les limites et conditions prévues par le contrat. » ;

Article 3

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.