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N° 975

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger les Français désireux de faire construire une maison individuelle contre les risques de défaillances des constructeurs,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Thibault BAZIN, Éric CIOTTI, Fabrice BRUN, Alexandre VINCENDET, JeanPierre VIGIER, Véronique LOUWAGIE, Éric PAUGET, Dino CINIERI, Raphaël SCHELLENBERGER, Julien DIVE, Antoine VERMORELMARQUES, Patrick HETZEL, JeanPierre TAITE, Pierre CORDIER, Isabelle VALENTIN, Yannick NEUDER, MarieChristine DALLOZ, Alexandra MARTIN, Hubert BRIGAND, Josiane CORNELOUP, Isabelle PÉRIGAULT, Annie GENEVARD, Philippe JUVIN, Ian BOUCARD, JeanLuc BOURGEAUX, Pierre VATIN, Alexandre PORTIER, Emmanuelle ANTHOINE, Marc LE FUR, Francis DUBOIS, Stéphane VIRY, Christelle D’INTORNI, Michel HERBILLON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La récente faillite du groupe de construction immobilière « Maisons Phénix », du fait du placement en liquidation judiciaire du groupe « GEOXIA » le 28 juin dernier par le tribunal de commerce de Nanterre, est venue souligner l’extrême vulnérabilité de nombreux Français face aux risques de défaillances des constructeurs. Lesdits risques sont principalement de deux natures.

Premièrement, il existe un risque d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus. L’exemple susmentionné en est une parfaite illustration. Certes, les dispositions actuelles du code de la construction et de l’habitation prévoient l’existence d’une garantie de livraison pour l’acheteur d’une maison neuve. Concrètement, cela correspond à l’engagement pris par une banque, une société de financement ou un assureur d’assumer financièrement la fin des travaux de la maison, en cas de carence du constructeur, ladite carence pouvant être liée à un retard ou une mauvaise exécution des travaux.

Néanmoins, en l’état actuel de notre droit, cette garantie n’est obligatoire que pour les contrats de construction d’une maison individuelle (CCMI) avec et sans fourniture du plan (en application des articles L. 231‑1 et suivants du code de la construction et de l’habitation). Pourtant, de nombreux Français ne recourent pas à ces contrats, notamment pour des raisons économiques. Ainsi, ils peuvent opter pour un contrat de maîtrise d’œuvre (un maître d’œuvre ou un architecte se charge alors de la coordination des travaux) et/ou pour des contrats d’entreprise (plusieurs entreprises interviennent pour la construction et aucune d’elles ne se charge à elle seule des travaux de gros‑œuvre, de hors d’eau et hors d’air, le maître d’ouvrage signe un "contrat d’entreprise" lot par lot avec chaque corps de métier). Dans ces situations, pourtant nombreuses, les cocontractants (les différents constructeurs) ne sont pas soumis à l’obligation de souscrire à une garantie de livraison auprès d’un établissement de crédit, d’une société de financement ou d’une entreprise d’assurance agréés à cet effet. Aussi, les acheteurs ne bénéficient d’aucune protection quant à leur potentielle défaillance (notamment face à une éventuelle faillite).

L’objet de l’article 1er de cette proposition de loi est donc de créer une obligation, pour toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil (c’est‑à‑dire tous les constructeurs), de souscrire à une garantie de livraison auprès d’un établissement financier. Il s’agirait d’une extension du régime actuel des CCMI à tous les contrats de construction de maison individuelle en matière de garantie de livraison.

Secondement, toute personne qui fait réaliser des travaux de construction, d’extension ou de rénovation du gros œuvre (ossature du bâtiment) par une entreprise doit souscrire une assurance dommages‑ouvrage (DO) en application de l’article L. 242‑1 du code des assurances. Cette dernière sert à préfinancer, sans recherche de responsabilité, d’éventuels travaux de réparation des dommages relevant de la garantie décennale des constructeurs. Elle se tourne ensuite contre les constructeurs et leurs assureurs. Si théoriquement la non‑souscription d’une assurance obligatoire est un délit passible d’une peine d’emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 75 000 € au plus ou de l’une de ces 2 peines seulement, il convient de noter que ces sanctions ne s’appliquent pas à un particulier construisant un logement pour l’occuper lui‑même ou pour un membre de sa famille.

Aussi, dans les faits, de nombreux Français ne respectent pas cette obligation, le plus souvent par méconnaissance. Or, cette non‑souscription peut conduire à des situations compliquées, car elle implique qu’en l’existence de dommages relevant de la garantie décennale des constructeurs, les propriétaires ne disposeront d’aucun préfinancement des travaux de réparation. Ainsi, tant que la responsabilité des constructeurs n’aura pas été reconnue, ils devront financer les réparations sur leurs fonds propres. Cela peut conduire à une aporie, où la viabilité d’une maison nécessite des travaux de réparation urgents que les propriétaires ne peuvent financer en l’absence des liquidités nécessaires. Par ailleurs, à mesure que ces travaux ne sont pas entrepris, la situation du bâtiment peut se dégrader, enclenchant dès lors un véritable cercle vicieux.

Aussi, l’objet de l’article 2 de cette proposition de loi est de conditionner l’octroi d’un prêt, dans le cadre du financement de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage, à la vérification par le prêteur de la souscription par l’emprunteur d’une assurance dommages‑ouvrage.

Un tel dispositif a déjà démontré son caractère opérationnel puisque l’article L. 231‑10 du code de la construction et de l’habitation dispose depuis le 1er décembre 1991 que : « aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L. 2312 qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication de l’attestation de garantie de livraison ».

Alors que la construction d’une maison individuelle est bien souvent le projet d’une vie, il y a urgence à protéger les Français contre certains risques de défaillances des constructeurs. Cette confiance ainsi confortée favoriserait les engagements des particuliers dans des projets de construction alors même que la France a besoin de nouveaux logements. Telle est l’ambition de cette proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 241‑1 du code des assurances, il est inséré un article L. 241‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 24111. – I. – Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit souscrire à une garantie de livraison.

« II. – La garantie de livraison prévue au I couvre le maître de l’ouvrage, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus. Le cas échéant, elle couvre également le maître de l’ouvrage, à compter de l’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution de la fabrication, de la pose et de l’assemblage des éléments préfabriqués.

« En cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge :

« a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d’une franchise n’excédant pas 5 % du prix convenu ;

« b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix ;

« c) Les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixés par décret.

« La garantie est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit, une société de financement ou une entreprise d’assurance agréés à cet effet.

« III. – Dans le cas où le garant constate que le délai de livraison n’est pas respecté ou que les travaux nécessaires à la levée des réserves formulées à la réception ne sont pas réalisés, il met en demeure sans délai le constructeur soit de livrer l’immeuble, soit d’exécuter les travaux. Le garant est tenu à la même obligation lorsqu’il est informé par le maître de l’ouvrage des faits sus-indiqués.

« Quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse, le garant procède à l’exécution de ses obligations dans les conditions prévues au IV du présent article.

« Au cas où, en cours d’exécution des travaux, le constructeur fait l’objet des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire prévues par le code de commerce, le garant peut mettre en demeure l’administrateur de se prononcer sur l’exécution du contrat conformément à l’article L. 621‑28. À défaut de réponse dans le délai d’un mois et sans que ce délai puisse être prorogé pour quelque raison que ce soit, le garant procède à l’exécution de ses obligations. Il y procède également dans le cas où, malgré sa réponse positive, l’administrateur ne poursuit pas l’exécution du contrat dans les quinze jours qui suivent sa réponse.

« IV. – Dans les cas prévus au III et faute pour le constructeur ou l’administrateur de procéder à l’achèvement de la construction, le garant doit désigner sous sa responsabilité la personne qui termine les travaux.

« Toutefois, et à condition que l’immeuble ait atteint le stade du hors d’eau, le garant peut proposer au maître de l’ouvrage de conclure lui‑même des marchés de travaux avec des entreprises qui se chargent de l’achèvement. Si le maître de l’ouvrage l’accepte, le garant verse directement aux entreprises les sommes dont il est redevable au titre du I du présent article.

« En cas de défaillance du constructeur, le garant est en droit d’exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux qu’il effectue ou fait effectuer.

« V. – La garantie cesse lorsque la réception des travaux a été constatée selon des modalités définies par décret.

« VI. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment son articulation avec les chapitres Ier et II du titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation. »

Article 2

L’article L. 242‑1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas du financement de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage, aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que ledit maître de l’ouvrage satisfait aux dispositions du présent article. »