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N° 979

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir la représentativité des départements de grande couronne au sein du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement
de l’agglomération parisienne,

 

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Cécile RILHAC, Fanta BERETE, Émilie CHANDLER, Dominique DA SILVA, Hadrien GHOMI, Guillaume GOUFFIER VALENTE, Marie GUÉVENOUX, Nadia HAI, Naïma MOUTCHOU, Karl OLIVE, Michèle PEYRON, Béatrice PIRON, Robin REDA, Guillaume VUILLETET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) est un établissement public de coopération intercommunale créé en 1970 par les départements de Paris, des Hauts‑de‑Seine, de la Seine‑Saint‑Denis et du Val‑de‑Marne. Il transporte et dépollue chaque jour les eaux usées, les eaux pluviales et les eaux industrielles de l’agglomération parisienne.

Actuellement, le SIAAP est administré par 33 conseillers départementaux désignés par les 4 départements le constituant : Paris, les Hauts‑de‑Seine, la Seine‑Saint‑Denis et le Val‑de‑Marne. Ces élus composent le conseil d’administration, l’instance qui délibère sur les décisions engageant l’avenir du SIAAP et qui fixe ses orientations, dont la mise en œuvre est pilotée par la direction générale.

Ce fonctionnement a été entériné par la loi n° 2006‑1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, qui disposait notamment que « Les départements de Paris, des HautsdeSeine, de la SeineSaintDenis et du ValdeMarne, ainsi que l’institution interdépartementale qu’ils ont créée entre eux assurent l’assainissement collectif des eaux usées, qui comprend leur collecte et leur transport, lorsque les communes, leurs établissements publics de coopération ou leurs syndicats mixtes n’y pourvoient pas, leur épuration et l’élimination des boues produites. Ils peuvent assurer également, dans les mêmes circonstances, la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales. »

Force est de constater qu’aujourd’hui, le territoire d’intervention du SIAAP dépasse très largement celui de ses départements constitutifs. En effet, la loi n° 2006‑1772 du 30 décembre 2006 a légalisé la possibilité, pour le SIAAP, de conclure des conventions au‑delà de son périmètre statutaire, dérogeant ainsi au principe de spécialité territoriale des établissements publics. De fait le SIAAP, par le biais de conventions de raccordement signées avec les syndicats intercommunaux, a étendu ses activités aux départements de l’Essonne, de la Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines. Il traite aujourd’hui les eaux usées de plus de 180 collectivités et groupements de la grande couronne. De fait, le SIAAP assure l’épuration des eaux usées de 2,3 millions d’usagers situés hors de sa zone statutaire, représentant environ 26 % de ses usagers. De surcroît, sur les 6 usines d’épuration dont dispose le SIAAP en région parisienne, 2 se situent en grande couronne, plus particulièrement dans les Yvelines : l’usine Seine Aval (à Achères) et l’usine de Seine Grésillons (à Triel‑sur‑Seine). Les activités des usines du SIAAP ont ainsi un impact sur plusieurs départements de grande couronne. Dans le Val‑de‑Marne, l’usine Seine Amont du SIAAP, située à Valenton, ne se trouve qu’à quelques kilomètres du département de l’Essonne. De la même manière, l’usine Seine Centre de Colombes, dans les Hauts‑de‑Seine, se situe à environ 3 kilomètres du Val‑d’Oise. Cette usine a d’ailleurs été frappée par un incendie le 29 avril 2022. En conséquence et dans l’attente de la remise en service totale de l’usine Seine Centre, une partie des eaux usées traitées à Colombes est renvoyée vers l’usine Seine Aval, dans les Yvelines, en grande couronne.

Malgré un rayon d’action étendu bien au‑delà des départements constitutifs du SIAAP, son conseil d’administration reste limité à la seule présence d’élus de petite couronne. Les collectivités ou groupements de collectivités conventionnés avec le SIAAP ne sont pas représentés au conseil d’administration du syndicat.

Dans un rapport rendu en novembre 2018, la Chambre régionale des Comptes (CRC) Île‑de‑France s’est penchée sur la question de la gouvernance du SIAAP. Partant du constat qu’un quart des usagers du SIAAP n’est pas représenté au sein de son conseil d’administration, la CRC estimait qu’une participation des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des groupements de grande couronne à la gouvernance du SIAAP était souhaitable. La Chambre préconisait de transformer le SIAAP en syndicat mixte, arguant que cette évolution permettrait » d’ouvrir la gouvernance du SIAAP aux EPCI et groupements de grande couronne compétents en matière d’assainissements. Elle implique la transformation du statut du SIAAP d’établissement public de coopération interdépartementale en un syndicat mixte, cette évolution nécessitant une modification législative. Cette évolution permettrait plus de démocratie dans la détermination de la redevance d’épuration pour laquelle les élus représentant 2,3 millions d’usagers ne sont actuellement pas consultés. »

L’intégration des départements de grande couronne au conseil d’administration semble aujourd’hui indispensable au regard des événements récents survenus en grande couronne. Le 3 juillet 2019, l’Usine Seine Aval du SIAAP, principale station d’épuration de la région parisienne, située à Achères dans les Yvelines et qui s’étend sur une partie de Saint‑Germain‑en‑Laye, de Maisons‑Laffitte et de La Frette‑sur‑Seine (Val‑d’Oise), a subi un incendie qui a causé des dégâts matériels importants et engendré une pollution de la Seine. Ce site, qui traite 70 % des eaux usées de l’agglomération parisienne, est classé Seveso « seuil haut ». Le bâtiment de 6 000 m2 qui a brûlé était une composante essentielle de l’usine. Il assurait en effet une mission essentielle : éliminer les « matières en suspension » (MES) dans les eaux usées à l’aide d’un réactif chimique très toxique, le chlorure ferrique. Ces MES doivent impérativement être supprimées avant le rejet des eaux épurées dans la Seine, évitant ainsi une dégradation brutale de la qualité des milieux aquatiques. L’incendie a conduit au déversement d’une grande quantité d’eaux usées et non traitées dans la Seine, ce qui a causé une désoxygénation forte de la Seine jusqu’à 30 kilomètres à l’aval de la station durant plusieurs jours, engendrant une mortalité piscicole extrêmement élevée : au total, ce sont plus de 10 tonnes de poissons qui ont été retrouvés morts, dans la Seine ou sur les rives. Un important nuage de fumée noire, extrêmement dense, a été visible à plusieurs kilomètres à la ronde. Parmi les populations locales, ce nuage noir et l’odeur âcre qui l’a accompagné ont créé un sentiment d’insécurité, de panique, voire de psychose, alimenté par l’absence totale d’informations. Si l’incendie s’est déclaré dans les Yvelines, le département du Val‑d’Oise a également été directement concerné par les retombées, particulièrement les communes de La Frette‑sur‑Seine, Herblay‑sur‑Seine, Cormeilles‑en‑Parisis et Montigny‑lès‑Cormeilles. Or, les services de l’État comme les élus locaux du Val‑d’Oise n’ont pas eu accès aux informations qui auraient pu permettre de protéger et de rassurer les populations. Conformément aux dispositions prévues à l’article L. 125‑2‑1 du Code de l’environnement à propos des installations présentant un risque technologique, une commission de suivi de site a été mise en place pour suivre les activités de l’usine Seine Aval. Cette commission s’est régulièrement tenue depuis 2019. Cependant, la commission ne favorise pas, à ce jour, un échange constant et direct entre la direction du SIAAP et les élus locaux.

De surcroît, dans la nuit du 9 au 10 octobre 2022, un nouvel incident est survenu à l’usine Seine Aval du SIAAP. Le dysfonctionnement d’une vanne a entraîné le dégagement de près de 4 tonnes de biogaz dans l’atmosphère. Cependant, aucune information n’a été communiquée aux représentants de l’État et aux élus locaux, qui ont dû attendre le 21 octobre pour être informés de cet incident.

Concernant la possibilité d’élargir le conseil d’administration du SIAAP aux départements de grande couronne, le département de Paris fait notamment valoir que « le mécanisme de contractualisation avec des collectivités, disposant d’une légitimité démocratique, est de nature à assurer une forme de représentation et de prise en compte des usagers [de grande couronne]. » À l’heure actuelle, la seule instance de communication associant les élus des collectivités ou groupements de collectivités de grande couronne est la conférence d’information de l’assainissement de la zone agglomérée parisienne. Cependant cette instance, à objet informatif, n’est pas prévue par les dispositions légales encadrant le SIAAP et ne revêt aucun caractère obligatoire.

À la lumière de l’ensemble de ces éléments, il semble primordial d’aller plus loin que la seule tenue de cette conférence en ouvrant la possibilité d’intégrer le conseil d’administration du SIAAP aux départements de grande couronne, particulièrement aux élus locaux, aux EPCI compétents en matière d’eau et d’assainissement et aux syndicats intercommunaux ayant signé des conventions avec le SIAAP. Cette demande d’ouverture revient avec de plus en plus d’insistance parmi les élus et habitants des départements de grande couronne. En cas de nouvel incident notamment, il est primordial de s’assurer que les services de l’État et les élus des territoires concernés bénéficieront d’un niveau de renseignements suffisant pour prendre les éventuelles mesures qui s’imposeraient pour informer et protéger les populations. Cet impératif a d’ailleurs une base légale parfaitement explicite : « Les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles. » (article L. 125‑2 du Code de l’environnement).

Plus largement, il est souhaitable que la pluralité des territoires d’intervention du SIAAP se reflète dans la composition de son conseil d’administration. Ainsi, cela permettrait à tous les usagers des communes d’action du SIAAP de disposer de représentants faisant remonter leurs sollicitations d’ordre budgétaire, sanitaire, environnemental ou sécuritaire.

Enfin et comme l’expliquait la Chambre Régionale des Comptes Île‑de‑France, intégrer les départements de grande couronne au Conseil d’administration du SIAAP permettrait aux élus de ces territoires de participer à la fixation du montant de la redevance d’épuration qu’ils versent au SIAAP. Actuellement, le Conseil d’administration détermine le montant de cette redevance pour les départements de l’Essonne, de Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines sans consulter les élus de ces quatre départements.

L’article 1er vise à faire évoluer le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne en syndicat mixte.

L’article 2 entérine la présence de représentants de l’Essonne, de Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines au sein du conseil d’administration du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne. Il propose également que le préfet de la région Île‑de‑France, les préfets des départements franciliens et les présidents des conseils départementaux franciliens soient nommés membres de droit du conseil d’administration.

L’article 3 sanctuarise la tenue, au moins deux fois par an, de la conférence sur l’assainissement de la zone agglomérée parisienne. Il acte la présence, notamment, des maires des communes sur laquelle une usine d’épuration du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne est implantée, des maires des communes situées à moins de 15 km d’une usine d’épuration du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne et des parlementaires des huit départements franciliens à cette conférence.

L’article 4 demande un rapport au Gouvernement sur le bilan de la transformation du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne d’établissement public de coopération interdépartementale à syndicat mixte dans les douze mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le chapitre unique du titre V du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À l’article L. 3451‑1, les mots : « l’institution interdépartementale qu’ils ont créée » sont remplacés par les mots : « le syndicat mixte qu’ils ont créé » ;

2° À l’article L. 3451‑2, les mots : « l’institution interdépartementale » sont remplacés par les mots : « le syndicat mixte » ;

3° À l’article L. 3451‑3, les mots : « à l’institution interdépartementale qu’ils ont créée » sont remplacés par les mots : « au syndicat mixte qu’ils ont créé ».

Article 2

Après l’article L. 3451‑2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 3451‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 34512‑1. – I. – Les départements de Paris, des Hauts‑de‑Seine, de la Seine‑Saint‑Denis et du Val‑de‑Marne, ainsi que le syndicat mixte qu’ils ont créé entre eux assurent, au sein de leur conseil d’administration, la représentativité de l’Essonne, de la Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines.

« II. – Au sein de ce conseil d’administration, les départements de l’Essonne, de Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines sont représentés par des délégués désignés par chacune de leur commission départementale de la coopération intercommunale définie à l’article L. 5211‑42.

« Les commissions départementales de la coopération intercommunale de l’Essonne, de la Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines disposent chacune d’au moins deux sièges au conseil d’administration du syndicat mixte mentionné à l’article L. 3451‑1. Elles ne peuvent disposer de plus de quatre sièges.

« III. – Le préfet de la région Île‑de‑France, les préfets des Hauts‑de‑Seine, de la Seine‑Saint‑Denis, du Val‑de‑Marne, de l’Essonne, de la Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines sont membres de droit de ce conseil d’administration.

« IV. – Les présidents des conseils départementaux de Paris, des Hauts‑de‑Seine, de la Seine‑Saint‑Denis, du Val‑de‑Marne, de l’Essonne, de la Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines sont également membres de droit de ce conseil d’administration. 

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »

Article 3

Les départements de Paris, des Hauts‑de‑Seine, de la Seine‑Saint‑Denis et du Val‑de‑Marne, ainsi que le syndicat mixte qu’ils ont créé et au sein duquel siègent des délégués des départements de l’Essonne, de Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines organisent, au moins deux fois par an, une conférence d’information de l’assainissement de la zone agglomérée parisienne.

Cette conférence vise notamment à présenter les orientations budgétaires annuelles du syndicat, dont l’évolution de la redevance, les rapports annuels sur le coût et la qualité du service ainsi qu’à faire le bilan d’activité global des usines d’épuration et du réseau.

Les maires des communes sur lesquelles une usine d’épuration du syndicat mixte mentionné à l’article L. 3451‑1 du code général des collectivités territoriales est implantée, les maires des communes situées à moins de 15 kilomètres d’une usine d’épuration de ce syndicat ainsi que les parlementaires des huit départements franciliens sont conviés à cette conférence. 

La composition totale de cette conférence est fixée par le conseil d’administration du syndicat mixte mentionné au même article L. 3451‑1. 

Article 4

Dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur le bilan de la transformation du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne d’établissement public de coopération interdépartementale à syndicat mixte.

Ce rapport évalue notamment la représentativité des départements de l’Essonne, de Seine‑et‑Marne, du Val‑d’Oise et des Yvelines au sein du syndicat mixte créé par les départements de Paris, des Hauts‑de‑Seine, de la Seine‑Saint‑Denis et du Val‑de‑Marne.