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N° 1047

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à relever le prix de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique afin de garantir les capacités d’investissements d’Électricité de France et ainsi préserver notre souveraineté énergétique,

 (Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jérôme NURY, Justine GRUET, Véronique LOUWAGIE, Thibault BAZIN, Alexandre PORTIER, Yannick NEUDER, Christelle D’INTORNI, Hubert BRIGAND, Philippe GOSSELIN, Annie GENEVARD, Nicolas RAY, Michel HERBILLON, Philippe JUVIN, Francis DUBOIS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’urgence écologique et énergétique impose à la France de sauver son modèle décarboné de production électrique. Un mix électrique qui permet aux français d’être souverains dans ce domaine et hors des aléas climatiques. Basé sur la filière nucléaire et sur nos barrages hydroélectriques, ce mix électrique a longtemps été remis en cause par dogmatisme ou calcul électoral.

Des discours antinucléaires dont la portée se heurte au principe de réalité. La guerre en Ukraine met en lumière la dépendance étrangère des pays ayant fait le choix de fermer leurs installations nucléaires pilotables au profit d’énergies intermittentes. Des politiques énergétiques dont l’ambition du 100 % renouvelable cache en réalité, la relance des politiques gazières et du charbon.

En Allemagne, le gouvernement a tout simplement autorisé 27 centrales à charbon à reprendre leur production jusqu’en mars 2024. L’Autriche qui vise les 100 % d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2030 devrait rouvrir une centrale à charbon pour faire face au défi énergétique. Aux Pays‑Bas, les centrales à charbon qui fonctionnaient à 35 % passe désormais à plein régime. La France quant à elle, a fait le choix de rouvrir le site de Saint‑Avold en Moselle.

Après avoir acté la fermeture de la centrale de Fessenheim, le revirement pro nucléaire du Gouvernement reste timide et confus. Ce ne sont pas les discussions relatives à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ou encore celles relatives à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires qui apporteront une réponse appropriée.

La souveraineté énergétique française est claire. Elle repose sur un nucléaire fort et un opérateur historique en bonne santé financière. L’État doit pour cela tout faire pour protéger Électricité de France, fleuron industriel français dont la protection représente un intérêt stratégique.

C’est tout l’objet de cette proposition de loi qui vise à préciser une disposition liée à l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, proposée par les députés Les Républicains lors de l’examen de la loi n° 2022‑1158 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août 2022.

L’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) permet aux fournisseurs alternatifs d’énergie d’avoir accès, à moindre frais, à une partie de la production d’électricité nucléaire d’EDF. Le montant du prix des volumes d’Arenh est déterminé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Fixé à 42 euros le mégawattheure en 2011, il avait été porté à 46,20 euros le mégawattheure depuis le 1er avril et jusqu’au 31 décembre 2022 pour compenser la hausse des coûts de production de l’énergie. Une hausse temporaire qui ne permet pas à EDF d’envisager le financement de nouveaux réacteurs nucléaires et fait peser encore un peu plus, le risque de faillite sur l’entreprise.

Ce prix de vente n’a pas pour objet de refléter le coût réel de production. Il n’empêche ; conserver un prix fixé en 2011 sans tenir compte des coûts à venir pour EDF est une erreur.

La situation financière d’EDF est un frein aux procédures de financement de l’accélération de la construction de nouvelles installations nucléaires. Selon la Ministre de la Transition Énergétique, le coût actualisé de production nucléaire français serait « entre 57 euros et 58 euros le mégawattheure ». Une déclaration effectuée lors de la présentation du rapport de Terra Nova le 3 février 2023 comme le relate le journal Contexte. Ce chiffrage effectué de manière « très propre », compterait la « connexion de Flamanville ».

L’enjeu est de taille pour EDF. 

Monsieur Luc RÉMONT, PDG d’EDF l’a d’ailleurs évoqué lors de son audition dans le cadre de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France du 28 février 2023 où il indique que « nous sommes à un stade où, pour réussir et pour nous amener probablement vers plusieurs décennies à nouveau de performance et de compétitivité dans la fourniture d’électricité décarbonée, nous devons accepter qu’EDF doit pouvoir facturer son électricité audessus de 42 euros le mégawattheure pour une partie significative de ses activités. »

Relever à 49,5 euros par mégawattheure, le prix minimum de vente de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) était une manière claire de garantir et d’accélérer sereinement la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants. Un montant qui faisait par ailleurs écho à celui évoqué par la Cour des Comptes il y a quelques années. Sans moyens garantis, EDF aura des difficultés à envisager de nouvelles constructions sans aggraver sa dette, déjà abyssale.

Pour autant, l’ajout lors de son examen au Sénat d’un II qui expose que « Le I s’applique à l’ensemble des volumes d’électricité attribués, au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique prévu à l’article L. 3361 du code de l’énergie, à compter du premier jour du mois suivant un délai d’un mois après la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le I du présent article comme étant conforme au droit de l’Union européenne. » est venu opposer une condition de notification par la commission européenne. Une subtilité lourde de conséquences.

C’est ce qu’indique en substance la décision du Conseil d’État n° 462840 en date du 3 février 2023, qui précise dans son considérant 27 :

"Dès lors, en imposant à EDF de céder une part de l’électricité produite par le parc nucléaire français et en offrant ainsi aux fournisseurs alternatifs la possibilité de réduire leurs coûts d’approvisionnement en électricité, favorisant de ce fait le développement de la concurrence sur le marché de l’électricité, l’ARENH doit être regardé comme un mécanisme opérant un rééquilibrage des charges entre opérateurs sur le marché de l’électricité français aux fins de favoriser la concurrence, et ne saurait par suite caractériser l’existence d’une aide au sens du paragraphe 1 de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Par suite, le moyen tiré de ce que les actes attaqués seraient dépourvus de base légale faute pour l’article L. 3362 du code de l’énergie d’avoir fait l’objet d’une notification à la Commission européenne au titre du régime des aides d’État, doit être écarté."

Or dans la mesure où l’obligation de notification n’est plus nécessaire, le Gouvernement n’a donc jamais relevé le prix à 49,5 euros par mégawattheure fragilisant ainsi les capacités financières d’EDF. La présente proposition de loi permet alors de supprimer la faculté au Gouvernement de contourner la loi votée par la représentation nationale.

 


proposition de loi

Article unique

Le II de l’article 40 de la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est abrogé.