N° 1156
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 avril 2023.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),
présentée par Messieurs
David TAUPIAC, Jean‑Louis BRICOUT, Laurent PANIFOUS et Benjamin SAINT‑HUILE, Bertrand PANCHER, Jean-Félix ACQUAVIVA, Nathalie BASSIRE, Michel CASTELLANI, Paul-André COLOMBANI, Béatrice DESCAMPS, Stéphane LENORMAND, Paul MOLAC, Christophe NAEGELEN, Estelle YOUSSOUFFA,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les substances per- et polyfluoroalkylées, également connues sous l’acronyme de PFAS, sont une famille de produits chimiques largement utilisées depuis les années 1950. En raison de leurs propriétés tensioactives et leur grande résistance à la chaleur, elles servent aux traitements antiadhésifs, antitaches ou imperméabilisants. Elles se trouvent dans une large gamme de produits du quotidien, tels que les émulseurs anti‑incendies, les vêtements de sport, les poêles en Teflon, ou encore les emballages alimentaires.
Ces molécules se caractérisent également par une grande stabilité chimique. De fait, elles ne se dégradent pas dans l’environnement et s’accumulent. On en retrouve aujourd’hui à des milliers de kilomètres de la zone où elles ont été émises. Ces « polluants éternels » contaminent de façon invisible, insidieuse, et certainement irrémédiable notre environnement.
L’ampleur de la pollution résultant des PFAS est difficile à quantifier, en raison de la multitude des substances existantes et des concentrations faibles auxquelles on les rencontre. Plusieurs études scientifiques ont néanmoins révélé leur présence à l’échelle planétaire dans tous les compartiments environnementaux.
A cause de leur persistance et de leur capacité à s’accumuler dans les tissus des organismes vivants, tous les maillons de la chaîne alimentaire sont impactés. Elles ont par exemple été détectées chez les mammifères marins de l’Arctique, tels que les ours blancs.
En Europe, les travaux du « Forever Pollution Project », un collectif de 17 médias, a recensé 17 000 sites contaminés (au‑delà de 10 nanogrammes par litre), dont 2 100 à des niveaux dangereux pour la santé (supérieurs à 100 nanogrammes par litre).
La principale source de contamination pour l’homme est la consommation d’eau, puis l’alimentation ainsi que l’inhalation d’air et de poussières. En France, des PFAS sont présentes dans le sang de la totalité de la population, adultes et enfants, comme l’a montré le programme de biosurveillance Esteban en 2020.
Comme le relève le rapport 014323‑01, de décembre 2022, de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable : « Il existe encore une controverse sur le degré de toxicité dans le corps humain et il est encore trop tôt pour comprendre complètement les effets de l’exposition aux PFAS ». Les scientifiques alertent néanmoins sur plusieurs risques avérés : problèmes cardio‑vasculaires, augmentation du taux de cholestérol, perturbation de la fertilité et de la spermatogenèse, diminution de la réponse immunitaire aux vaccins (liée en particulier à une exposition au PFOA). Ces mêmes études ont également révélé des risques pour le développement des fœtus.
En dépit de ces données alarmantes et des multiples alertes des scientifiques, l’utilisation de substances per- et polyfluoroalkylées n’est que faiblement réglementée.
Seul les deux PFAS originaux, PFOS et PFOA, ont été bannis par la Convention de Stockholm.
En conséquence, au niveau de l’Union européenne, le règlement POP (polluants organiques persistants) a interdit le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) depuis 2009, le PFOA (acide perfluorooctanoïque) depuis juillet 2020 et le PFHxS (acide perfluorohexanesulfonique) depuis juin 2022.
Un projet d’interdiction plus large des PFAS est engagé au niveau européen, dans le cadre de la révision du règlement REACH. Deux scénarios sont étudiés : l’interdiction sans dérogation de l’ensemble des PFAS avec une période transitoire de 18 mois, ou l’interdiction avec des dérogations allant jusqu’à 12 ans dans certains secteurs pour permettre aux entreprises de travailler à la mise en place de substituts. Quel que soit le choix opéré, cette directive ne pourra pas être adoptée avant 2025, et rien ne garantit à ce stade qu’elle parvienne à un résultat satisfaisant.
De son côté, la France n’a pas adopté de restrictions d’usage plus contraignante que celles engagées au niveau européen. Elle cumule par ailleurs les failles dans le contrôle des PFAS, comme le souligne l’inspection générale de l’environnement et du développement durable qui pointe d’importantes lacunes dans la surveillance de ces substances toxiques.
Son rapport de décembre 2022 rappelle que la France ne réglemente aucun PFAS dans le contrôle des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine. Il estime par ailleurs que la réglementation française des émissions industrielles encadre encore trop peu les rejets en PFAS et déplore un suivi en banques de données quasi‑inexistant.
Un plan d’action PFAS 2023‑2027 a été présenté le 17 janvier 2023 par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Il vise à poursuivre la surveillance des milieux, à accélérer la production des connaissances scientifiques et à faciliter l’accès à l’information pour les citoyens. Il reste cependant peu contraignant puisqu’il se limite à accroître la surveillance et à identifier les sites industriels les plus émetteurs. Comme l’a souligné le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France, Christophe Béchu : « il s’agit dans un premier temps de mieux connaître ces substances dans l’environnement, les quantifier et les mesurer ». Pour l’instant, il n’y a pas d’action de réduction à la source, même chez les premiers émetteurs.
Au vu de l’ampleur de la contamination et de ses dangers sanitaires, cette proposition de loi pose les premiers jalons d’une réduction de la mise sur le marché des PFAS.
Les PFAS sont largement utilisés dans les emballages en papier/carton comme constituants de barrières étanches vis‑à‑vis des aliments, notamment liquides. Des études ont démontré que ces substances pouvaient migrer de l’emballage vers les aliments, ajoutant à l’exposition globale aux PFAS de la population générale. Cela a conduit le Danemark à interdire cet usage, dès juillet 2020. L’article 1er poursuit le même objectif d’interdiction de ces substances dans les emballages alimentaires, dès l’entrée en vigueur de la loi.
Par ailleurs, afin de limiter les rejets et donc l’exposition des personnes, l’article 2 ouvre la possibilité de fixer des normes concernant les rejets industriels. À cette fin, il prévoit que les eaux résiduaires et les effluents gazeux issus des installations ICPE respectent des valeurs limites de PFAS fixées par décret.
proposition de loi
Le III de l’article L. 541‑15‑10 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’importation et la fabrication à des fins de mise à disposition sur le territoire national ainsi que la cession auprès de personnes physiques et morales établies sur le territoire national d’emballages alimentaires contenant des substances polyfluoroalkyles et perfluoroalkyles est interdite. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent alinéa. »
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement est complété par un article L. 512‑6‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 512‑6‑2. – À compter du 1er janvier 2024, les eaux résiduaires et les effluents gazeux issus des installations mentionnées à l’article L. 511‑1 respectent des valeurs limites de rejet de substances polyfluoroalkyles et perfluoroalkyles en milieu naturel fixées par arrêté. »