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N° 1324

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

portant réforme du financement de l’audiovisuel public,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Quentin BATAILLON et JeanJacques GAULTIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Par l’importance des moyens qui lui sont consacrés, la grande spécificité de ses missions tout autant que par son histoire, l’audiovisuel constitue un pan particulier du service public en France. D’après M. Frédéric Dabi, directeur de l’IFOP ([1]) interrogé par les auteurs de la présente proposition de loi sur les résultats d’une étude réalisée en novembre 2022 et portant sur « Le regard des Français sur les services publics » ([2]) , les Français sont 69 % à estimer que le service public de l’audiovisuel fonctionne bien, et mieux que les transports publics (55 %). Ce sondage est d’autant plus remarquable que cette opinion majoritairement favorable s’inscrit dans le contexte d’un sentiment général mitigé envers les médias.

Le secteur public n’échappe pas aux répercussions des transformations des usages numériques, du dérèglement informationnel, du flot de contenus qui circule sur les réseaux et les plateformes. La concurrence frontale de ces plateformes bouscule autant les médias historiques privés que nos médias publics.

Face à ces constats, le président et le rapporteur de la mission sur l’avenir de l’audiovisuel public dont les conclusions ont été présentées le 7 juin 2023 sont attachés à ce que la France dispose d’un audiovisuel public digne des grandes démocraties libérales : tiers de confiance des Français, poumon économique d’un secteur en croissance, vecteur de diffusion culturelle internationale.

Le président et le rapporteur portent une vision stratégique, offensive mais structurante pour nos acteurs publics afin de consolider les succès acquis et de porter des projets dans le monde numérique, clé de la visibilité des contenus et de leur accessibilité au plus grand nombre. Cette vision ne saurait prospérer sans donner à ces acteurs les moyens d’accomplir leurs missions. Il reviendra au Parlement de veiller, chaque année en loi de finances, à ce que les crédits affectés à l’audiovisuel public leur permettent d’assurer leur indépendance vis‑à‑vis du pouvoir politique, des forces économiques en présence et notamment des annonceurs et des plateformes numériques, mais aussi de toute autre influence tierce potentiellement ennemie de la démocratie.

La mission sur l’avenir de l’audiovisuel public a débuté ses travaux avec la volonté de ne pas se restreindre à la question des modalités de son financement. Très vite pourtant, lors des premières auditions, il est apparu que les débats sur les missions et la gouvernance de l’audiovisuel public étaient directement liés à celui de son financement, qui constitue l’un des piliers de son indépendance. Par ailleurs, alors que le projet de loi de finances rectificative pour 2022 initial prévoyait la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et un financement par le budget général de l’État, les groupes de la majorité et le groupe Les Républicains par les voix, notamment, de MM. Quentin Bataillon et Jean‑Jacques Gaultier, auteurs de la présente proposition de loi, proposèrent une solution transitoire consistant à affecter au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette solution fut alors acceptée par le Sénat avec l’ajout de la limite temporelle du 31 décembre 2024. C’est cette modalité de financement que le président et le rapporteur souhaitent aujourd’hui pérenniser, compte tenu des exigences constitutionnelles et organiques exposées dans leur rapport de mission.

En effet, la loi organique n° 2021‑1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a prévu qu’à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 les impositions de toutes natures ne pourront être ou rester affectées à un tiers autre que les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales que si cet organisme est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Même si la teneur du lien avec les missions de service public confiées n’est pas précisément caractérisée, il semble difficile de considérer qu’un tel lien existerait entre la TVA et les missions de service public confiées aux sociétés d’audiovisuel public.

Sans modification de la LOLF, les entités de l’audiovisuel public devront être, au 1er janvier 2025, financées par le budget général de l’État. Cette forme de normalisation budgétaire est incompatible avec la prévisibilité et l’indépendance nécessaires à l’accomplissement des missions de ce service public si particulier.

Ainsi l’article 1er de la proposition de loi organique modifie l’article 2 de la LOLF afin que des impositions de toutes natures puissent être directement affectées aux organismes de l’audiovisuel public. Ces organismes sont définis dans la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et couvrent aujourd’hui France télévisions, Radio France, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (France Médias Monde), l’établissement public Institut national audiovisuel (INA), TV5‑Monde et la chaîne culturelle européenne portée en France par ARTE‑France.

L’article 2 crée une modalité de financement spécifique pour ARTE‑France (qui ne serait dès lors plus couverte par l’article 2 de la LOLF) : un prélèvement sur recettes (PSR) de l’État. Le PSR est un outil budgétaire, prévu à l’article 6 de la LOLF, qui permet de rétrocéder un montant déterminé des recettes de l’État au profit des collectivités territoriales ou de l’Union européenne. Le principal avantage des PSR est d’assurer un budget prévisible, évaluatif, non soumis à variations infra‑annuelles.

 La chaîne culturelle européenne ARTE a été créée par un traité international, conclu le 2 octobre 1990 entre la France et les États fédérés de la République fédérale d’Allemagne puis ratifié. Comme tous les traités, il s’impose aux lois organiques et ordinaires nationales, en application de l’article 55 de la Constitution. Ce Traité prévoit et organise l’indépendance éditoriale et financière de chacune des composantes de la chaîne (groupement européen d’intérêt économique –GEIE–, pôle allemand, pôle français). Il résulte ainsi d’une norme internationale que le pôle d’ARTE‑France est tenu de fournir les programmes et les moyens financiers nécessaires au fonctionnement de la chaîne franco‑allemande et dans une proportion strictement équivalente à celle de la partie allemande, sur la base du budget arrêté par l’assemblée générale du GEIE.

La création d’un PSR contribuera au respect des engagements internationaux de la France en assurant l’indépendance financière de la chaîne et la parité de l’apport de l’État français au financement du GEIE. À noter qu’ARTE‑France bénéficie d’une contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’État et est soumis au contrôle des rapporteurs spéciaux du budget et de la Cour des comptes.

La distinction du financement des principales entités de l’audiovisuel public et d’ARTEFrance aura du sens compte tenu de la durée  préconisée par la mission d’information – de validité des documents stratégiques qui lient ces entités à l’État et déterminent la trajectoire de leur financement : quatre ans pour ARTE‑France, cinq ans pour les autres entités.

L’article 3 est un article de gage.

proposition de loi ORGANIQUE

Article 1er

Au premier alinéa du II de l’article 2 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi organique n° 2021‑1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, les mots : « et aux organismes de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « , aux organismes de sécurité sociale et à ceux de l’audiovisuel public ». »

Article 2

Au quatrième alinéa de l’article 6 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, après le mot : « profit », sont insérés les mots « de la chaîne culturelle européenne, ».

Article 3

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1]) Institut français d’opinion publique.

([2]) « Le regard des Français sur le fonctionnement des services publics », IFOP pour le JDD.fr , 7 novembre 2022.