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N° 1344

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le XXX 2023.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à abroger l’article 40 de la Constitution,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Mickaël BOULOUX, Christian BAPTISTE, Philippe BRUN, Christine PIRES BEAUNE,

députés.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Introduit dans la Constitution de 1958 et donc dès l’avènement de la Ve République, l’article 40 dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

L’article 40 de la Constitution trouve son origine dans la résolution Berthelot, votée le 16 mars 1900 : « aucune proposition tendant soit à des augmentations de traitement, d’indemnité ou de pension, soit à des créations de services, d’emplois ou de pensions ou à leur extension en dehors des limites prévues par les lois en vigueur, ne peut être faite sous forme d’amendement ou d’article additionnel au budget. ».

L’article 40 est donc issu d’une réflexion née sous la IIIe République afin de prévenir tout conflit d’intérêt de la part des députés, qui pouvaient prévoir des dépenses favorables à celles et ceux qui les élisaient. Cependant, la suspicion de conflits d’intérêt potentiels pesant sur les Parlementaires du fait qu’ils sont investis à la suite d’une élection et qu’ils voudraient avantager une partie de leur corps électoral est quelque peu abusive. En effet, comme les députés, le Président de la République est élu au suffrage universel direct et les dérives ne sauraient s’expliquer exclusivement par le simple fait d’être investi d’un mandat obtenu à la suite d’une élection. Les sources de conflits d’intérêt sont en effet multiples : elles peuvent intervenir dans le cadre de relations avec des grandes entreprises, des groupements d’intérêt, des Nations étrangères ou encore avec le monde de la finance.

En somme, permettre au seul Gouvernement de créer des charges supplémentaires ne saurait se justifier au seul motif qu’il protégerait des conflits d’intérêt.

D’autre part, l’article 40, inchangé depuis 1958, vise à maîtriser l’évolution des finances publiques. Or, on observe que l’équilibre budgétaire n’existe plus depuis 1974 et la dette publique atteint aujourd’hui 111 % du produit intérieur brut (PIB). Ainsi, plus de soixante ans après son entrée en vigueur, force est de constater que cet article n’a pas permis d’atteindre l’objectif recherché. Au‑delà de la finalité contestable de cet article, son inefficacité n’est plus à démontrer.

L’approche protectrice de l’article 40, justifiée par le souci d’empêcher toute dérive budgétaire, est discutable à l’aune de l’effet multiplicateur de la dépense publique, puisque celleci s’appuie sur la demande des ménages. Or, la demande des ménages est le moteur même de l’économie. C’est de cette demande que découle l’investissement, la consommation et donc la création de richesses, un cercle vertueux qui stimule l’économie en engendrant des revenus supplémentaires ainsi qu’en créant de la demande pour les entreprises et des emplois, favorisant ainsi le pouvoir d’achat. Par ailleurs, la dette publique permet de soutenir l’économie en temps de crise. Enfin, en période de crise économique, l’augmentation de la dette publique permet de maintenir l’économie à flot en soutenant, là aussi, la demande des ménages. En somme, la dette publique comporte des avantages. A contrario, les baisses de dépenses publiques contribuent à une baisse de l’activité.

Dans une démocratie, la Constitution ne devrait pas entraver la possibilité pour les groupes parlementaires de défendre leurs convictions, qu’ils soient partisans d’une politique interventionniste de l’État en matière budgétaire, de la maîtrise de la dette ou au contraire d’une politique de la demande. Or, l’article 40 de la Constitution bride la possibilité de défendre toutes les orientations budgétaires et constitue une entrave au débat démocratique.

Enfin, la crise démocratique que nous traversons depuis plusieurs années maintenant exige de reconsidérer les attributs du parlementarisme rationalisé. En restreignant l’initiative parlementaire, l’article 40 de la Constitution en est l’un des symboles. Cette limitation du pouvoir de légiférer des Parlementaires induit une profonde inégalité entre le Gouvernement et le Parlement. Les initiatives gouvernementales ne sont effectivement pas concernées par le principe de l’irrecevabilité financière. Rééquilibrer les pouvoirs entre le Parlement et le Gouvernement, au sein de la procédure législative, suppose de conférer au Parlement une pleine responsabilité en matière budgétaire. L’abrogation de l’article 40 de la Constitution responsabiliserait les Parlementaires qui doivent pouvoir débattre en toute liberté. Plus globalement, une telle abrogation participerait à la nécessaire revalorisation du rôle et des prérogatives du Parlement dans un objectif d’équilibre des pouvoirs, en ôtant à l’exécutif un moyen d’entraver la liberté parlementaire.

Toutes ces raisons justifient une révision constitutionnelle, à commencer, dans le cas présent, par l’abrogation de l’article 40 de la Constitution. Tel est l’objet de l’article unique de la présente proposition de loi constitutionnelle.


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

L’article 40 de la Constitution est abrogé.