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N° 1366

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre les péages des autoroutes gratuits
dans un rayon de 50 kilomètres autour des métropoles
de Paris, Lyon et Marseille,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Philippe BALLARD, Christophe BARTHÈS, Romain BAUBRY, José BEAURAIN, Christophe BENTZ, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Emmanuel BLAIRY, Frédéric BOCCALETTI, Pascale BORDES, Jérôme BUISSON, Frédéric CABROLIER, Victor CATTEAU, Roger CHUDEAU, Annick COUSIN, Grégoire de FOURNAS, Hervé de LÉPINAU, Sandrine DOGORSUCH, Frédéric FALCON, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Frank GILETTI, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Michel GUINIOT, Laurent JACOBELLI, Alexis JOLLY, Gisèle LELOUIS, Katiana LEVAVASSEUR, Aurélien LOPEZLIGUORI, - Matthieu MARCHIO, Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Pierre MEURIN, Serge MULLER, Lisette POLLET, Laurence ROBERTDEHAULT, Antoine VILLEDIEU,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Mis à part en Bretagne où pour des raisons historiques toutes les routes sont gratuites, aujourd’hui, très peu d’autoroutes le sont encore. Les principales autoroutes gratuites sont d’une part, l’A20 (de Vierzon à Gignac), l’A75 (entre Clermont‑Ferrand et Béziers), l’A34 (de Reims à la Belgique), ou l’A84 (de Rennes à Caen). Ces autoroutes sont dites « non‑concédées », c’est à dire que l’État ne les a pas vendues à une société d’exploitation privée ; et d’autre part, quelques tronçons aux abords des grandes villes.

L’exaspération des usagers des territoires périurbains franciliens et des grandes métropoles est donc de plus en plus palpable, notamment, dans le cadre de leurs trajets domicile/travail au regard des effets déplorables du péage pour ces populations et l’environnement.

En effet, selon les statistiques officielles, le taux de profitabilité des sociétés d’autoroute a augmenté en moyenne de 35 % en dix ans. À titre d’exemple, les résultats financiers semestriels de Cofiroute‑Vinci montrent qu’entre 2021 et 2022 son chiffre d’affaires a progressé de 16 %, son résultat net de 42 % et les dividendes à ses actionnaires de 38 %.

Au‑delà des difficultés provoquées dans la vie quotidienne de millions de banlieusards et de la complaisance de l’État à l’égard des sociétés concessionnaires d’autoroutes leur permettant de verser d’importantes dividendes à leurs actionnaires, l’explosion des prix de l’énergie vient directement impacter un pouvoir d’achat des Français déjà largement en berne.

D’autant plus qu’à l’érosion du pouvoir d’achat des ménages est venue s’ajouter une hausse abusive de 4,75 % des péages au 1er février 2023 et que nombre de voies autoroutières autour de Paris et des grandes métropoles françaises sont payantes pour une majorité de banlieusards devant se rendre au travail quotidiennement.

Effectivement, si le cœur de nombreuses métropoles a perdu une part de leur population compte tenu de l’explosion des prix du logement en centre‑ville, à l’inverse, leurs périphéries se sont peuplées, leurs populations ont triplé, voire quadruplé.

A titre d’exemple, rien qu’en Île‑de‑France, en trente ans, on est passé de 10,6 millions d’habitants à 12,4 millions d’habitants (dont seulement 2,1 millions vivant dans Paris intra‑muros). Simultanément, les investissements en matière d’infrastructures de transports sont essentiellement restés concentrés dans le centre des métropoles ; tandis que l’usage de la voiture a explosé en périphérie et que les temps et distances domicile/travail se sont sensiblement allongés.

L’audition devant la commission d’enquête sénatoriale sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières de Mme Elisabeth Borne, alors ministre en charge des transports, précise d’ailleurs : « Du fait de l’extension des agglomérations et des changements de mode de vie, beaucoup de Français utilisent désormais l’autoroute pour leurs déplacements quotidiens, ce qui pose la question de l’acceptabilité du péage pour ce type de trajet ».

Par ailleurs, au cours de ces trente dernières années, la construction des infrastructures routières et autoroutières périurbaines a été réduite drastiquement, comme d’ailleurs leur entretien. En ce sens, l’état actuel des routes (en partie abîmées) et de leurs abords (envahis d’immondices et rarement tondus) nuit à la sécurité des automobilistes tout en donnant une image de la France particulièrement déplorable à l’étranger.

Tout est fait pour favoriser les embouteillages, les nuisances et la pollution au lieu de tenter de les résorber. Le nombre de kilomètres d’embouteillages durant les heures de pointe et la pollution en Île‑de‑France sont d’ailleurs en très forte hausse depuis 2010. En dehors du périphérique et de l’A86, l’A6, l’A12, la N118, l’A4 et la N104 sont les axes les plus encombrés. Aux heures de pointe, des centaines de kilomètres de bouchons apparaissent provoquant beaucoup de pollution inutile. De même, à Marseille, la portion de l’A7 entre les échangeurs de Plombières et des Arnavaux est sujette à des embouteillages quotidiens. D’ailleurs, le trafic autour de Marseille a bondi de 10 % entre 2020 et 2022, la rocade L2 (A507) passant même de de 90 000 à près de 140 000 véhicules jour. En effet, cette voie de contournement gratuite permet d’éviter d’emprunter le tunnel Prado‑Carénage lui payant alors qu’il est en pleine zone urbaine à forte densité. L’A50 (du Prado à la Valentine et parfois au‑delà) à la sortie comme à l’entrée de la deuxième ville de France et l’A7 dans un sens comme dans l’autre (avec une mention particulière pour la sortie de la ville) connaissent une densité accrue. Ce qui fait que dans ces zones, les heures de pointe n’existent pratiquement plus. Entre 6 heures et 20 heures, la circulation reste forte et constante pratiquement tout le temps. C’est, en somme, le coup de la saturation permanente ! Enfin, à Lyon, l’A7 est le goulot dans lequel tentent de passer plusieurs milliers de véhicules dans la journée. Un véritable piège dans les deux sens de circulation. Selon le dernier Trafic index de la société de GPS TomTom, Lyon est d’ailleurs la 3e ville où les routes sont les plus congestionnées de France (53e au monde) avec 201 heures perdues par an et un temps de trajet moyen de 20 minutes et 40 secondes pour faire 10 kilomètres. Ainsi la population active de l’agglomération perd chaque année environ deux tiers d’un mois entier de travail, près de 16 jours ouvrables dans l’année. Cette perte de temps considérable a un coût : au taux horaire moyen, elle représente une perte de 1 800 euros par personne et par an. Pour l’économie de l’agglomération, c’est un gouffre qui représente, chaque année une perte de 630 millions pour la population active locale.

Pourtant, des solutions existent pour fluidifier le trafic et faire baisser la pollution. Ainsi, par exemple, le prolongement de la francilienne à l’ouest de Paris, la réouverture des voies sur berge, le doublement de certains axes existants ou la gratuité de toutes les autoroutes dans un rayon de 50 kilomètres autour des grandes métropoles pourraient largement y contribuer. Il est certain que l’on paye, aujourd’hui, 30 ans de sous‑investissements routiers, notamment en Île‑de‑France, pour des raisons idéologiques. La construction de nouvelles routes et l’aménagement intelligent du réseau existant pour fluidifier le trafic sont donc désormais indispensables, si on ne veut pas étouffer la capitale et sa région dans la mesure où, contrairement à une idée reçue, l’utilisation des transports en commun ne saurait être la solution à tous les maux, surtout pour la grande banlieue, au regard de leur dysfonctionnement chronique (accidents, pannes, grèves, délinquances, saleté,…). Il devient donc urgent d’abandonner ce dogmatisme ambiant qui privilégie systématiquement les « liaisons douces inadaptées aux besoins réels de nos concitoyens » ! Aujourd’hui, il convient de prendre à bras le corps le problème des embouteillages permanents autour des métropoles en construisant massivement de grandes et larges routes, ce qui aura pour conséquence de diminuer d’autant la pollution et l’énervement de nombre de nos concitoyens tout en favorisant leur santé et leur bien‑être.

En ce sens, une des premières mesures à prendre devrait concerner l’autoroute A10 dans la mesure où Mme Elisabeth Borne, ministre en charge des transports, précisait lors de son audition devant la commission d’enquête sénatoriale sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières que « Aujourd’hui des centaines de milliers de citoyens empruntent des trajets à péages pour se rendre au travail. Il faut prendre en compte ce paramètre » et de conclure « On pourrait imaginer des modèles dans lequel le trafic local ne payerait pas. Tous les pays européens sont confrontés à ce problème. La commission européenne a fait des ouvertures en ce sens ». D’autant plus que la commission a proposé « d’examiner la possibilité de revenir sur des péages périurbains pénalisant pour les trajets du quotidien, en particulier le diffuseur de Dourdan (A10) pour les usagers locaux » et de préciser « sans qu’il puisse être considéré que l’équilibre économique et financier de la concession de Cofiroute est mis en en cause, et donc sans compensation », faisant taire au passage l’argument du gouvernement selon lequel, il conviendrait de procéder au rachat du péage de Saint‑Arnoult pour l’intégralité des trajets réalisés sur cette section sur une durée calculée jusqu’à la fin du contrat de concession de Cofiroute. 

En tout état de cause, les formules d’abonnement préférentielles à destination des usagers réguliers empruntant le diffuseur de Dourdan mises en place par Cofiroute sont totalement insuffisantes et inadaptées. De même, bien que le développement des lignes de bus rencontre un vrai succès auprès des usagers, il ne peut répondre à l’ensemble des besoins de déplacement pour les habitants de ces territoires périurbains, voire ruraux, du Sud‑Essonne et des Yvelines. Tout d’abord, parce que cette fréquentation massive entraîne des problèmes de stationnement à proximité des gares autoroutières qui peuvent se révéler dangereux pour les usagers. C’est notamment le cas de la sur‑fréquentation à la gare autoroutière de Massy. Ensuite, parce que beaucoup d’usagers ne souhaitent plus utiliser le RER C suite aux nombreuses difficultés rencontrées. En outre, cette portion d’autoroute payante pénalise les entreprises locales et favorise les reports de circulation sur l’autre axe structurant cette partie du département, la route nationale 20. Cela creuse donc le fossé des inégalités entre les habitants de la partie urbaine et ceux de la partie plus rurale de la région Île‑de‑France. Enfin, le plateau de Saclay connaissant un développement important, tant au niveau de la construction de logements qu’en termes d’entreprises de haute technologie, qui nécessitent de la sous‑traitance disponible dans la partie sud du département de l’Essonne, il convient de favoriser une égalité de traitement et une « perméabilité » entre les territoires.

En effet, contrairement aux autres autoroutes franciliennes qui ne sont payantes qu’à 50 kilomètres de Paris, l’A10 l’est à 23 km. Or, située en grande couronne du sud‑francilien, cette portion revêt pourtant un caractère urbain et périurbain, structurante pour les trajets domicile/travail, dans un secteur géographique où les transports en commun font défaut. Seule grande autoroute radiale payante en Île‑de‑France, les milliers d’habitants de ce territoire subissent donc une véritable discrimination tant cette autoroute est la voie principale pour se déplacer.

Enfin, il faut souligner que le coût pour un salarié s’acquittant quotidiennement de ce péage est de plus de 1 400 euros par an. Pour éviter de payer ce péage, nombreux sont les automobilistes qui font le choix de se reporter sur les routes secondaires, engendrant de nombreuses nuisances. Au total, le péage coûte donc 10 millions d’euros par an aux usagers franciliens, autant aux collectivités locales, et 150 000 euros au STIF (Syndicat des transports d’Île‑de‑France) pour faire circuler des bus sur cette autoroute.

Il s’agit là d’une aberration tant au plan économique qu’au plan de l’aménagement du territoire ou encore quant à la fluidité du trafic routier dans un contexte d’érosion continue du pouvoir d’achat de ménages paupérisés et rejetés en périphérie des centres‑villes des métropoles.

L’article 1er de la présente proposition de loi a donc pour objet de rappeler à tous le principe de la gratuité des voies du domaine public conformément à la liberté d’aller et venir des citoyens et au principe de libre circulation des individus ;

L’article 2 vise à instaurer la gratuité des tronçons autoroutiers concédés dans un rayon de 50 kilomètres autour des métropoles de Paris, Lyon et Marseille quel que soit le type de véhicule ;

Enfin, l’article 3 entend compenser à due concurrence les éventuelles pertes de recettes par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 111‑1 du code de la voirie routière est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’utilisation des voies du domaine public est en principe gratuite conformément à la liberté d’aller et venir des citoyens et au principe de libre circulation des individus. »

Article 2

Après l’article L. 122‑4 du code de la voirie routière, il est inséré un article L. 122‑4‑1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 122‑4‑1 A. – Les péages des tronçons autoroutiers concédés dans un rayon de cinquante kilomètres autour des métropoles de Paris, Lyon et Marseille sont toujours gratuits quel que soit le véhicule. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.