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N° 1368

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la transparence de l’information relative
à la commercialisation des voitures électriques
et à la distribution d’énergie,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Dino CINIERI, Thibault BAZIN, JeanYves BONY, Ian BOUCARD, Jean-Luc BOURGEAUX, Hubert BRIGAND, Fabrice BRUN, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Christelle D’INTORNI, Julien DIVE, Francis DUBOIS, Annie GENEVARD, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Philippe JUVIN, Mansour KAMARDINE, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Éric PAUGET, Isabelle PÉRIGAULT, Nicolas RAY, Nathalie SERRE, Jean-Pierre TAITE, Isabelle VALENTIN, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au cours des trois dernières années, les constructeurs automobiles ont déployé une large offre de voitures 100 % électriques (VE ou BEV pour Battery Electric Vehicle, à distinguer des véhicules électrifiés, qui incluent tous les hybrides, légers ou pas, rechargeables ou pas). Fin 2022, on comptait environ 80 modèles n’existant qu’en version électrique ou proposant une variante électrique, au côté d’autres motorisations alors qu’il n’y avait moins de 30 modèles en 2019.

Cette multiplication s’est évidemment traduite par une forte progression des ventes : + 374 % en trois ans, soit 42.769 immatriculations de voitures électriques en 2019 et 202.935 en 2022 (source : NGC Data – Autoactu). Cette croissance s’explique également par les incitations fiscales, les subventions nationales ou locales et la pression du réseau de distribution, évidemment encouragé – voire récompensé via des primes – par les constructeurs. La part de marché des 100 % électriques n’a cependant atteint que 14,8 % entre janvier et avril 2023.

Il est logique que la bascule technologique ne se fasse pas du jour au lendemain car les véhicules électriques n’offrent pas les mêmes prestations que les thermiques (autonomie réduite, problèmes de recharge avec notamment un parc de points de recharge insuffisant, valeur de revente peu lisible…) et que leur prix est très nettement supérieur.

Toutefois, d’autres failles, très concrètes, pouvant mener les acheteurs à reporter leur achat, voire à y renoncer, ont été répertoriées par la Ligue de Défense des Conducteurs. Celles‑ci concernent des déficits d’information, un certain flou dans la communication des constructeurs, ainsi qu’un manque de transparence dans les tarifs de l’énergie délivrée. L’attention des pouvoirs publics doit surtout se porter sur l’information des particuliers, qui représentent 65,3 % des acheteurs de voitures électriques neuves au premier trimestre 2023, alors qu’ils ne constituent que 46,6 % des acheteurs de voitures neuves toutes énergies confondues entre janvier et avril 2023.

Dans ces conditions, il est essentiel de garantir une parfaite transparence lors de la transaction, qu’elle consiste à acquérir une voiture électrique ou à simplement « faire le plein de watts » dans les stationsservice ou tout autre réseau permettant de recharger son véhicule.

Du côté des constructeurs :

1. Obligation légale pour les constructeurs/vendeurs d’informer les acheteurs sur le temps de recharge à 100 %

Dans l’immense majorité des cas aujourd’hui, les acheteurs repartent avec une seule information concernant le temps de charge de leur nouvelle voiture électrique : le nombre de minutes nécessaires pour recharger à 80 % par une température extérieure de 20 degrés (alors que ces données fluctuent selon la température). Or, en général, il faut jusqu’à deux fois plus de temps pour recharger à 100 %, autrement dit il faut souvent autant de temps pour passer de 0 (ou 10) à 80 % que de 80 à 100 %. Par exemple, pour recharger une Renault Megane e‑Tech de 10 à 80 %, il faut 37 minutes ([1]). Puis, de 80 à 100 %, 38 autres minutes…

Cette donnée est particulièrement importante lorsqu’on circule sur autoroute, puisqu’on roule plus vite et on va plus loin, donc se priver de 20 % de recharge pour gagner ce long temps de charge de 80 à 100 % dégrade d’autant l’autonomie entre deux recharges, ce qui débouche sur davantage d’arrêts pour « faire le plein »…

Dès lors, en complément de la donnée « temps de recharge à 80 % à 20 degrés », une vraie politique de transparence consisterait à donner également le temps de recharge à 100 %, par 20 degrés aussi, pour faciliter les choses. Cette donnée permettra de savoir si le véhicule est adapté à notre usage (autoroute fréquente ou autoroute pour les vacances notamment).

2. Obligation d’indiquer la capacité batterie utilisable plutôt que la capacité totale

Tous les constructeurs ne communiquent pas la « capacité batterie » en kWh, qui serait l’équivalent de l’information « contenance du réservoir » pour les véhicules thermiques. Par ailleurs, ceux qui précisent cette information le font souvent en donnant la capacité « brute », sachant que la capacité « utilisable » est en fait sensiblement inférieure. Peugeot ouvre la voie, annonçant avec transparence par exemple pour son e‑208 2023 une batterie dont la « capacité brute [est] de 51 kWh pour 48,1 kWh utilisables ». L’information est d’importance, car sur autoroute on ne recharge généralement que de 10 à 80 % de cette capacité utile pour ne pas perdre trop de temps, soit 70 % de la capacité réellement utilisable dans cet usage.

Aussi, convient‑il de rendre obligatoire l’information « capacité batterie utilisable » en kWh, permettant de déduire l’autonomie réelle utilisable.

3. Obligation de communiquer clairement sur la garantie vieillissement de la batterie

Acheter une voiture électrique, c’est bénéficier de deux garanties : l’une sur le véhicule (courant sur 2 à 7 ans selon les marques, avec ou sans kilométrage limité), l’autre sur la batterie. Pour cette dernière, la garantie la plus courante est la suivante : au terme de 8 ans d’utilisation ou 160 000 km, la capacité « résiduelle » garantie est de 80 % de la capacité initiale. Mais les termes précis de cette garantie ne sont pas obligatoirement publiés, alors qu’ils sont déterminants, surtout lorsqu’on achète sa voiture électrique d’occasion.

Dès lors, il est souhaitable de demander aux constructeurs, par engagement contractuel, de communiquer la durée garantie de la batterie (et/ou le nombre maximum de kilomètres à parcourir pour bénéficier de cette même garantie, idéalement rapportée à la capacité de batterie utilisable…).

Du côté du réseau de distribution d’énergie

4. Obligation d’affichage du prix « normal » du kWh dans les points de vente

Selon la négociation du constructeur du modèle avec les différents réseaux, le prix du kWh peut varier énormément. Aussi est‑il quasiment impossible pour l’automobiliste de savoir combien il va payer lorsqu’il se présente à une borne de recharge, à l’exception notable du tout récent réseau e‑Vadea. Certains proposent certes de se connecter à un site via un QR code sur la borne et en fouillant dans la page web ainsi obtenue, il est possible de trouver quelques tarifs… Mais très concrètement, connaître le prix du kWh en amont du « plein » n’arrive quasiment jamais. Par ailleurs, en plus du prix du kWh, il faut souvent attendre sa facture une fois par mois pour savoir combien a coûté le « plein ». Sur les bornes, alors que la recharge est terminée, il est impossible de prendre connaissance de cette information directement.

Par conséquent, il est logique d’imposer qu’au moment de recharger le véhicule, apparaisse le prix TTC en euros du kWh sur l’écran de la borne de recharge et qu’à la fin, le montant total du coût du plein effectué apparaisse en euros sur la borne. Exactement comme lorsqu’un automobiliste fait le plein d’essence ou de gazole.

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 111‑1 du code de la consommation, il est inséré un article L. 111‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 11111. – Les constructeurs de voitures électriques et les vendeurs de voitures électriques d’occasion communiquent aux acheteurs le temps de recharge à 100 % de la batterie, la capacité de la batterie utilisable en Kilowattheure et la durée de vie garantie de la batterie, calculée sur la capacité de batterie utilisable. »

Article 2

Les points de vente d’électricité doivent afficher sur les bornes de recharge le prix de vente du Kilowattheure et le coût total en euros de chaque livraison effectuée.


([1])  Source : Automobile-propre.com, Supertest Renault Megane e-Tech : les temps de recharge et de voyage (automobile-propre.com)