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N° 1376

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre férié le 18 mars en hommage à la Commune de Paris,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Antoine LÉAUMENT, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, JeanFrançois COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Sébastien JUMEL, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, , Murielle LEPVRAUD, Benjamin LUCAS, Carlos Martens BILONGO, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN,  William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, JeanPhilippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, Sébastien PEYTAVIE, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Sébastien ROME, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACHTERRENOIR, Aurélien TACHÉ, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 18 mars 1871 commençait la Commune de Paris. Cet évènement révolutionnaire considérable marque l’Histoire de la France et du monde. Pendant 72 jours, jusqu’à la répression abominable de la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871, le peuple de Paris fait briller la lumière de l’idéal républicain : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Pourtant, cet évènement est largement effacé de nos célébrations nationales. Notre proposition de loi vise à y remédier en faisant du 18 mars un jour férié pour les travailleuses et les travailleurs.

La Commune de Paris commence par un acte de résistance patriotique. La République avait été proclamée le 4 septembre 1870 dans la foulée de la défaite de Napoléon III à Sedan, mais le gouvernement provisoire se résout à signer une paix humiliante avec l’Empire Allemand. Aux lourdes réparations financières, à l’occupation du territoire, à la perte de l’Alsace‑Moselle s’ajoutent pour les Parisiens et Parisiennes qui ont subi un siège terrible à l’hiver 1870‑71, l’affront d’un défilé des troupes allemandes sur les Champs‑Élysées. L’Assemblée élue en février est dominée par les monarchistes, ce qui ne manque pas d’inquiéter les républicains et républicaines de cœur et de conviction. Provocation symbolique, l’Assemblée s’installe à Versailles, la ville des rois. Et prend immédiatement des mesures anti‑sociales, comme la fin du moratoire des loyers. Les tensions croissent entre le peuple de Paris et l’Assemblée de Versailles. Or, le peuple de Paris est armé, notamment de canons, acquis par souscription populaire. Thiers, chef de l’exécutif, est résolu à les récupérer. Mais l’armée envoyée pour le faire doit faire face à une foule de femmes puis d’hommes. Les soldats hésitent à tirer, puis se retournent contre leurs officiers qui les y enjoignent. Le 18 mars, sur la butte Montmartre, la Commune vient de naître. Elle naît d’un sentiment patriotique blessé, d’un sentiment républicain inquiet et d’une situation sociale difficile.

Dans tout le pays, l’espoir suscité par le peuple parisien mène à la création de nouvelles Communes : à Marseille et Lyon le 23 mars, à Narbonne et Saint‑Étienne le 24 mars, à Toulouse le 25 mars, au Creusot le 26 mars. Elles seront vite réprimées. Mais celle de Paris tient bon et, après des élections, la Commune de Paris est officiellement proclamée à l’Hôtel de Ville le 28 mars 1871. Fait notable pour nos contemporains : les élus de la Commune sont révocables par les citoyens qui les ont élus… ce que nous proposons aujourd’hui encore avec le référendum révocatoire dans le cadre d’une 6e République.

Immédiatement, la Commune de Paris prend des mesures d’urgence sociale : nouveau moratoire des loyers, autorisation de récupérer les objets déposés au Mont de piété, réquisition de logements vacants pour abriter les victimes des bombardements prussiens. Le 2 avril, c’est la République laïque qui triomphe : bien avant la loi de 1905, la Commune décrète la séparation de l’Église et de l’État et la suppression du budget des cultes. Elle propose l’école gratuite et laïque ouverte « aux deux sexes », défend l’enseignement professionnel. Elle prend aussi des mesures novatrices pour les travailleurs, comme l’interdiction du travail de nuit chez les boulangers, la limitation de la journée de travail à 10 heures dans certains ateliers, ou encore la facilitation de création des coopératives ouvrières - elle réquisitionne pour ce faire les ateliers abandonnés. Elle prend les premières mesures de l’Histoire pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, pense les premières crèches populaires. Elle propose le 19 avril 1871 dans sa « Déclaration au peuple français » un mode d’organisation de la République française basé sur la libre administration et la libre association des communes. Elle interdit les arrestations arbitraires et défend une justice gratuite, rendue par des juges élus. Le tout dans une effervescence et une politisation qui mobilise hommes et femmes, se marque dans la multiplication des titres de presses, des clubs, des réunions, des débats, des fêtes aussi.

Toutes ces mesures ont été prises et appliquées en 72 jours. 72 jours, c’est le temps qui sépare le 18 mars, que nous proposons de rendre férié, du 28 mai 1871. Le 28 mai 1871, c’est la fin de la semaine sanglante. Une répression terrible à l’issue de laquelle, entre le 21 et le 28 mai, l’armée versaillaise de Thiers envahit la capitale et transforme Paris en une gigantesque boucherie humaine. Les témoins de l’époque parlent de monceaux de cadavres qu’il faut enjamber pour se déplacer, ils décrivent la Seine rougie par le sang, ils parlent des charniers humains qui couvrent la ville, au Châtelet, dans les Jardins du Luxembourg, à la butte Montmartre, aux buttes Chaumont… partout ! Les Versaillais violent et tuent. Des exécutions sommaires ont lieu un peu partout dans la ville. Tout le monde est victime de la répression : hommes, femmes, enfants. On estime à 20 000 en une semaine le nombre de morts de cette violence barbare. Une répression qui continue encore après le 28 mai avec de nouvelles exécutions sommaires, des arrestations, des déportations - le cas de Louise Michel, déportée en Nouvelle‑Calédonie étant sans doute le plus emblématique.

Pourtant, l’Histoire leur donnera raison. Dans les vingt ans qui suivent la Commune, son programme fut appliqué : service militaire obligatoire, école laïque gratuite obligatoire, séparation de l’Église et de l’État, limitation du temps de travail… Sans que la République ne reconnaisse dans la Commune la matrice de ces réformes au cœur de notre modèle républicain.

Pour célébrer l’œuvre sociale et démocratique de la Commune de Paris, pour se souvenir qu’elle a porté très haut la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité », mais aussi pour rendre hommage aux victimes de la répression des Versaillais, nous souhaitons que le 18 mars devienne un nouveau jour férié pour les travailleurs. Il sera l’occasion de se rappeler, suivant les mots de Victor Hugo à propos de la Commune, que si « le cadavre est à terre », « l’idée est debout ». Elle l’était hier, elle l’est aujourd’hui, elle le sera encore demain. Jusqu’au temps des cerises.

Vive la Commune !

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après le 1° de l’article L. 3133‑1 du code du travail, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis. – Le 18 mars ».

Article 2

Le chapitre III du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par une section IV ainsi rédigée :

« Section IV

« Journée du 18 mars en l’honneur de la Commune de Paris et en hommage aux morts de la répression pendant la Semaine Sanglante »

« Art. L. 3133‑13. – Le 18 mars est un jour férié et chômé en l’honneur de la Commune de Paris et en hommage aux morts de la répression pendant la Semaine Sanglante.

« Art. L. 3133‑14. – Le chômage du 18 mars ne peut être une cause de réduction de salaire.

« Les salariés rémunérés à l’heure, à la journée ou au rendement ont droit à une indemnité égale au salaire perdu du fait de ce chômage. Cette indemnité est à la charge de l’employeur.

« Art. L. 3133‑15. – Dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 18 mars ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. Cette indemnité est à la charge de l’employeur. »