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N° 1382

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un délit et un crime d’homicide routier et à mieux accompagner les familles de victimes,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀL’HUISSIER, Bertrand PANCHER, Christophe NAEGELEN, Olivier SERVA, Nathalie BASSIRE, Guy BRICOUT, Mathilde DESJONQUÈRES, Olivier FALORNI, Stéphane LENORMAND, Philippe VIGIER, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Hervé SAULIGNAC, Hubert BRIGAND, Christelle PETEXLEVET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le terme d’homicide involontaire dans le cas d’accident de la route est dénoncé depuis de nombreuses années par les familles et associations de victimes qui ne comprennent pas et ne supportent pas d’entendre ce terme à longueur d’audience lorsque le responsable de l’accident était notamment sous l’emprise de substances ou d’alcool.

Cette proposition de loi vise d’abord à répondre à cette demande en créant le délit d’homicide routier, demande qui avait déjà été formulée dans la proposition de loi n° 4386 du 18 janvier 2017 par Pierre Morel‑À‑L’Huissier, redéposée le 4 mai 2021 puis le 22 novembre 2022.

Un travail similaire avait également été mené par Valérie Lacroute autour des questions de sécurité routière et d’accompagnement des victimes sous la XVe législature puis par Éric Pauget en avril 2023.

Le texte ici présenté se propose de faire la synthèse de l’ensemble de ces travaux. Plusieurs études juridiques ont été menées avec les services de l’Assemblée nationale pour aboutir à un dispositif solide juridiquement.

En 2022, dans notre pays, 3 541 personnes sont décédées dans un accident de la route et environ 16 000 ont été blessées gravement. Parmi ces accidents, certains sont dus à des comportements irresponsables qui viennent briser des vies, mais aussi des familles, des parents et des enfants.

Avec un taux de 49 décès pour un million d’habitants, la France ne compte pas parmi les bons élèves au niveau européen et dispose d’importantes marges de progression.

En dépit de campagnes de prévention importantes, la question de la mortalité routière n’est toujours pas résolue et de multiples fais divers continuent d’alimenter nos médias.

Les chiffres parlent d’eux‑mêmes. Ces trois dernières années, sont à déplorer 81 456 victimes directes de blessures dues à un accident de la route et 244 368 victimes indirectes. Sur la même période, 10 394 personnes ont été tuées auxquelles s’ajoutent 31 182 victimes indirectes. La hausse de la mortalité routière concerne également les cyclistes et les piétons, qu’il convient de mieux protéger.

Certains départements, notamment ruraux, sont marqués par un taux de tués par million d’habitants très important. Par exemple, on dénombre plus de 100 tués par million d’habitants en Lozère sur la période 2013‑2015.

En 2016, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) a analysé la répartition des accidents mortels de la circulation selon le mode de locomotion utilisé et la catégorie d’usager concernée :

Voiture : 1 760 personnes tuées dont :

– 60 enfants (0 à 15 ans) ;

– 382 jeunes (18 à 24 ans) ;

– 834 adultes (25‑64 ans).

Piéton : 559 personnes tuées dont :

– 28 enfants ;

– 46 jeunes ;

– 183 adultes.

Moto : 613 personnes tuées dont :

– 475 adultes ;

– 98 jeunes.

Chacune de ces personnes est l’enfant, le père, la mère, le frère, la sœur, l’ami de quelqu’un, et voit sa vie s’achever prématurément alors que certaines mesures simples pourraient être envisagées pour renforcer leur protection.

Au rythme actuel, c’est donc pratiquement l’équivalent d’une ville moyenne (environ 40 000 personnes) qui disparaît tous les 10 ans. Au cours de sa vie, chaque Français sera tôt ou tard confronté à un drame de la route qui le touchera lui ou l’un de ses proches.

Chaque année, l’ONISR rappelle également les facteurs des accidents de la circulation les plus graves :

– un accident mortel sur trois est causé par une vitesse excessive ou inadaptée : c’est le premier facteur d’accident ;

– un accident mortel sur quatre est causé par une alcoolémie positive du conducteur ;

– les stupéfiants multiplient par deux le risque d’être responsable d’un accident mortel et par quinze lorsque la drogue est mélangée avec de l’alcool.

En France, de nombreuses associations luttent également contre ce fléau : Association Collectif justice pour les victimes de la route, Association Charlotte‑Mathieu‑Adam, AFVAC (Association de familles de victimes des accidents de la circulation), AIV AR (Aide aux victimes des accidents de la route), ANUAR (Association nationale des usagers et accidentés de la route), Alcool, vitesse et contre‑sens, Association citoyenneté routière, EIVA (Écoute et informations aux victimes d’accidents), La route en toute conscience‑Le challenge pour Owen, LCVR (Ligue contre la violence routière), Marilou‑pour les routes de la vie et le relais Terry, MNT 73 Sébastien Tranchet, SOS victimes de la route, Sur la route de Fanny, Tonyman, La route tue, Un chemin pour demain, Victimes et avenir et Victimes et Citoyens.

Bien que la loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation ait constitué une avancée majeure pour l’indemnisation des victimes, notamment grâce au principe de réparation intégrale des préjudices et au succès de la procédure amiable, un vide juridique subsiste concernant d’autres aspects des accidents de la circulation.

Si l’arsenal législatif existe déjà et prévoit des peines d’emprisonnement très lourdes, pouvant aller de 5 à 10 ans d’emprisonnement selon le nombre de circonstances aggravantes, touchant notamment à la consommation d’alcool ou de produits stupéfiants, il apparaît en pratique que les chauffards qui purgent une peine effective de prison sont très rares.

C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi se donne un double objectif : diminuer le nombre de décès et de blessés sur les routes, tout en améliorant la protection les victimes directes et indirectes des accidents de la circulation, et de réduire les dispositifs d’aménagement de peines pour les auteurs d’un délit d’homicide involontaire par conducteur, étant rappelé que ceux‑ci sont déjà concernés par une infraction spécifique distincte de l’homicide involontaire « classique ».

L’article 1er prévoit, pour tout jeune ayant atteint l’âge de quatorze ans, une demi‑journée de prévention au sein de l’établissement scolaire dans un centre de rééducation ou, afin d’échanger avec des victimes d’accident de la circulation ou des associations de victimes. Quatorze ans est l’âge légal pour passer le brevet de sécurité routière (BSR) et permet une réelle prise de conscience des dangers de la route.

De plus, c’est l’âge précédant la possibilité de débuter la conduite accompagnée depuis la réforme du 30 mars 2016. Certes, la prévention commence dès le plus jeune âge, notamment avec les ASSR de niveau 1 et 2. Mais, malgré tout, les formations restent seulement théoriques et les mesures actuelles de prévention insuffisantes. Ainsi, il convient d’organiser des rencontres directes avec des accidentés de la route pour captiver et interpeller plus fortement les jeunes grâce au récit de ces douloureuses expériences. Comme dans tout domaine éducatif, l’apprentissage dès le plus jeune âge permet d’acquérir de meilleurs automatismes.

L’article 2 reprend la proposition de loi de Fabien Di Filippo et vise à encourager l’achat d’équipements de sécurité routière par l’application d’un taux réduit de TVA.

À l’heure actuelle, les équipements obligatoires ou fortement recommandés pour les automobilistes, les cyclistes, les conducteurs d’une motocyclette, d’un tricycle à moteur, d’un quadricycle à moteur ou d’un cyclomoteur sont soumis aux taux de TVA classique de 20 %.

Certains de ces équipements représentent un coût important pour les usagers de la route. C’est le cas par exemple des casques homologués pour les conducteurs de deux‑roues qui sont obligatoires selon les termes de l’article R. 431‑1 du code de la route ou encore les gants de protection pour ces mêmes conducteurs, obligatoires selon l’article R. 431‑1‑2 du code de la route.

Alors que des produits, tels que le caviar ou certains spectacles bénéficient du taux réduit à 5,5 % prévu à l’article 278‑0 bis du code général des impôts, il semblerait tout à fait logique que des équipements qui ont pour objectif de sauver des vies et qui sont imposés par la loi aux usagers bénéficient de ce taux réduit.

La réduction de la TVA à 5,5 % sur les équipements obligatoires et sur les équipements recommandés pourrait permettre aux cyclistes, cyclomotoristes et automobilistes de s’assurer une plus grande protection. À titre démonstratif, 50 % des lésions sur les motards sont des blessures aux bras et 24 % d’entre eux n’utilisent pas de blouson adapté.

Il est donc essentiel d’inciter les usagers qui n’auraient pas encore acquis les équipements recommandés à le faire.

Il est tout aussi indispensable que ce taux de TVA réduit s’applique aussi aux sièges auto qui sont rendus obligatoires pour les enfants de moins de 10 ans par l’article R. 412‑2 du code de la route et dont les plus sécurisés représentent un coût très important. Les parents les plus modestes ne devraient pas avoir à faire d’économies sur la sécurité de leurs enfants. Cette réduction de TVA permettrait d’aider les parents à acheter les sièges les plus sûrs et les plus adaptés pour la sécurité des enfants, et de diminuer ainsi la mortalité infantile et les accidents graves sur les routes, mais aussi de rejoindre nos voisins européens précurseurs (Norvège, Suède ; Chypre, Irlande, Pologne, Portugal, Tchéquie, Royaume‑Uni) et de nous conformer à la directive relative à l’harmonisation des taux de TVA dans l’Union européenne.

Pour rappel, la France se trouve parmi les pays d’Europe dont la mortalité infantile sur les routes est la plus élevée à cause, notamment, d’un mauvais usage des sièges auto. En effet, chaque jour, quatre enfants de moins de dix ans sont victimes, en France, d’un accident en tant que passager. Les nourrissons (jusqu’à deux ans) sont encore les plus vulnérables. En cas de choc, les lésions sont deux fois plus graves que chez les enfants plus âgés.

Afin de pallier ces difficultés, la prévention routière préconise la baisse de la TVA sur le prix des sièges, afin que tous les parents puissent acheter un siège‑auto aux normes, adaptés à leur enfant et qui remplisse les conditions de sécurité obligatoires.

L’article 3 demande un rapport au Parlement par le Gouvernement pour faire évoluer la classification des médicaments susceptibles d’altérer les capacités de conduite et de définir lesquels représentent un danger suffisant pour classifier l’accident de délit au même titre que la conduite sous l’emprise de stupéfiants.

Il existe à ce jour les médicaments classés en niveau 3 par l’arrêté du ministre des Affaires sociales en date du 13mars 2017 et qui sont identifiables sur l’emballage du médicament par un pictogramme de couleur rouge indiquant clairement « Attention, danger : ne pas conduire ».

Aucune sanction n’est actuellement prévue en cas de violation de cette interdiction.

Pourtant, la prise d’un médicament susceptible d’altérer la conduite est retrouvée chez 10 % des accidentés de la route (source : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : « Bon usage des produits de santé : médicaments et conduite automobile », 22 septembre 2005).

En raison de la gravité des conséquences d’une conduite sous l’emprise de médicaments de niveau 3, il apparaît nécessaire de délictualiser ce comportement.

La publicité autour de cet ajout permettra de réduire les comportements à l’origine de décès sur nos routes et d’éviter des drames.

L’article tel que rédigé prévoit cependant réfléchir à des exceptions et à encourager le développement d’alternatives pour ne pas pénaliser de nombreux Français qui ont besoin de leur véhicule et d’un traitement quotidien classé comme 3 comme ce peut être le cas pour certains diabétiques ou les antiépileptiques, considérant que l’absence de prise de ce médicament s’avère plus dangereuse que la conduite sous son emprise.

Une réflexion pourra aussi être menée pour les personnes devant faire usage de médicaments de niveau 3, mais qui subissent un examen médical pour le renouvellement temporaire de leur permis de conduire (tels les traumatisés crâniens).

Cet amendement n’a en effet pas pour objet de priver aveuglément de leur solution de transport les personnes dépendantes de médicaments de niveau 3, mais répond à la logique de la protection générale de la vie humaine sur nos routes.

À noter que les deux ans d’emprisonnement et les 4 500 euros d’amende prévus par l’article L. 235‑1 du code des transports constituent la peine maximum applicable aux auteurs du délit et que le juge a obligation d’individualiser la peine aux circonstances. Un primo délinquant ne se verrait donc appliquer qu’une peine de prison avec sursis et une peine d’amende minime.

L’objet de cet article est donc avant tout de faire de la prévention sur la sécurité routière.

Les articles 4 et 5 renforcent la responsabilité pénale des délinquants routiers qui causent un homicide.

Premièrement, ils proposent la création d’une infraction autonome : l’homicide routier.

L’article L. 221‑6‑1 du code pénal punit de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende l’homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur « lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou règlementaire de prudence ou de sécurité prévue par l’article2216 », c’est‑à‑dire en cas de faute simple.

Se faisant, il rattache la qualification de l’homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule à moteur auteur d’une faute simple au cas général de l’homicide involontaire défini par l’article L. 221‑6 du code pénal.

Cette modification a pour objet de qualifier d’ « homicide routier » l’homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule à moteur auteur d’une faute simple et de rendre autonome cette qualification par rapport au cas général d’homicide involontaire.

Si cette qualification d’ « homicide routier » autonome ne modifie pas les éléments constitutifs de l’infraction ni les peines applicables à ce délit, elle revêt une portée symbolique très significative pour les familles des victimes décédées du fait de la faute d’un conducteur qui n’aurait pas respecté les règles élémentaires de sécurité prescrites par le code de la route.

En effet, la terminologie d’homicide « involontaire » alors qu’il ne s’agit pas d’un simple accident, mais d’un drame provoqué par une faute du conducteur (non‑respect du code de la route), quand bien même la mort n’était pas le but recherché, est insupportable aux familles du défunt.

Qualifier d’ «  homicide routier » ce délit permettrait ainsi aux familles des victimes de ne plus entendre le mot « involontaire » répété sans cesse pendant toute l’audience du procès.

L’adoption de cet alinéa permettrait ainsi d’apaiser la douleur des familles des victimes. Elle permettrait également de rejoindre les législations européennes en la matière.

Deuxièmement, ces articles introduisent l’usage du téléphone portable, la consommation de médicaments classés comme dangereux pour la conduite, la non‑assistance à personne en danger alors que l’on est responsable de l’accident, dans les circonstances aggravantes de l’homicide routier.

L’article L. 221‑6‑1 du code pénal punit de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende l’homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur en cas de faute simple.

Il porte à 7 ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende les peines encourues lorsque l’auteur de l’homicide « a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », c’est‑à‑dire une faute qualifiée.

Il peut s’agir d’une violation de toute obligation particulière de sécurité, de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement dès lors que cette violation est « manifestement délibérée ».

Cet élément moral étant difficile à démontrer, le législateur a dressé la liste des circonstances aggravantes équivalentes à une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. On retrouve dans cette liste la conduite en état d’ivresse, l’usage de stupéfiants, la conduite sans permis de conduire, l’excès de vitesse, le délit de fuite.

Tout d’abord, l’usage du téléphone portable tenu en main et le port d’écouteurs ou casques audio pourtant interdits par l’article R. 412‑6‑1 du code de la route ne font actuellement pas partie de cette liste.

À l’heure où l’usage généralisé du téléphone portable est la cause d’un accident sur dix, l’ajout de cette circonstance aggravante aurait à la fois une portée symbolique et pratique (source : site de la sécurité routière).

Non seulement il alerterait l’ensemble des automobilistes sur la gravité des conséquences de cette infraction, mais il permettrait surtout aux familles des victimes de se passer de la démonstration laborieuse de la « violation délibérée » d’une obligation de sécurité pour établir la circonstance aggravante.

Ensuite, la prise d’un médicament classé comme dangereux pour la conduite par la réglementation ne figure pas non plus dans cette liste.

Il s’agit des médicaments classés en niveau 3 par l’arrêté du ministre des Affaires sociales en date du 13 mars 2017 et qui sont identifiables sur l’emballage du médicament par un pictogramme de couleur rouge indiquant clairement « Attention, danger : ne pas conduire ».

Conduire sous l’emprise d’un tel médicament en dépit d’un avertissement aussi clair sur la dangerosité de ce comportement doit s’analyser en une violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par le règlement.

Une telle mise en danger délibérée d’autrui est assurément une faute caractérisée qui justifie l’ajout de ce comportement dans la liste des circonstances aggravantes de l’homicide routier.

Les mêmes exceptions que celles visées par l’article 3 de la présente proposition de loi délictualisant la prise de ces médicaments au volant pourront également être prises.

Troisièmement, ces articles ajoutent un alinéa à l’article 221‑6‑1 du code pénal afin d’insérer une peine minimale de prison ferme en cas d’homicide routier avec deux ou plusieurs circonstances aggravantes ou en cas de récidive.

Une précision est insérée afin de respecter le principe constitutionnel d’individualisation des peines.

Quatrièmement, ces articles introduit la criminalisation de l’homicide routier dans le cas d’une conduite en état d’ivresse ou sous stupéfiants.

L’article 6 prévoit les possibilités de contrôle de l’usage de médicaments de classe 3 par les automobilistes.

Les articles 3 et 4 prévoient respectivement la correctionnalisation de la conduite sous l’emprise de médicaments classés comme dangereux pour la conduite par la règlementation en vigueur et l’ajout d’une telle conduite en circonstance aggravante de l’homicide involontaire commis par un conducteur d’un véhicule à moteur.

Ces ajouts resteraient lettre morte si la législation ne prévoyait pas la possibilité pour les officiers et agents de police et gendarmerie de faire procéder à des dépistages et prises de sang permettent de détecter l’usage de ces médicaments de niveau 3 qui interdisent toute conduite.

L’article 7 vise à élargir la possibilité d’être placé en détention provisoire prolongée même en matière correctionnelle.

L’article 8 permet aux parties civiles de prendre la parole lors de l’audience devant la cour d’appel. Actuellement, seuls le prévenu et les éventuels témoins prennent la parole si la cour a ordonné leur audition.

Si la partie civile a interjeté appel, elle dispose déjà de la parole lors de l’audience. En revanche, si elle n’a pas fait appel, elle peut néanmoins, dans le droit actuel, s’exprimer à nouveau sur les faits lors du procès en tant que témoin cité par le ministère public.

L’article présenté permet à la partie civile de s’exprimer lors de ce procès, même lorsqu’elle n’a pas interjeté appel et n’est pas citée comme témoin.

Afin de respecter le principe d’égalité entre les parties civiles représentées par un avocat et celles n’étant pas assistées par un conseil, rappelé par le Conseil constitutionnel dans une question prioritaire de constitutionnalité du 9 septembre 2011 (n° 2011‑160), l’article étend le bénéfice aux parties civiles non conseillées.

L’article 9 prévoit une assistance des victimes des accidents de la circulation et de leurs familles par des associations d’aide aux victimes spécialisées.

Les articles 10 et 11 ont pour objet de supprimer le dispositif d’aménagement des peines pour les auteurs d’un délit d’homicide involontaire par conducteur, étant rappelé que ceux‑ci sont déjà concernés par une infraction spécifique distincte de l’homicide involontaire « classique ».

Cette mesure permettra d’assurer l’effectivité d’une décision rendue par le juge pénal, d’avoir un effet réellement dissuasif pour les potentiels chauffards et également de permettre aux parties civiles d’être assurées de l’exécution de la peine prononcée.

Plusieurs principes fondamentaux du droit de la peine, et plus largement de la sanction pénale, guident le processus décisionnel du juge répressif.

Ainsi, l’article 132‑1 du code pénal dispose que la peine prononcée par la juridiction doit être individualisée. D’autres dispositions du code pénal exposent également le principe de subsidiarité de la peine d’emprisonnement, laquelle ne peut être prononcée qu’en dernier recours, et ce sous réserve du respect de trois conditions cumulatives : la gravité de l’infraction, la personnalité de son auteur, et l’absence de toute autre sanction adéquate.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et au renforcement de l’efficacité des sanctions pénales, mettant fin aux mécanismes de peines automatiques, le juge pénal ne peut être contraint à ce jour de prononcer une sanction minimale, tant sur sa nature, que sur son quantum. La loi a cependant prévu, pour certaines infractions, plusieurs peines obligatoires. Celles‑ci restent cependant infligées à titre complémentaire, et ne peuvent être admises à titre principal, le juge pouvant par ailleurs y déroger par motivation spéciale contraire.

Il ressort de ces constatations que la peine et ses modalités d’exécution doivent répondre à la nécessité de sanctionner l’auteur d’une infraction pénale au regard de la gravité des faits reprochés, mais également être adaptés à la situation du condamné. Pour ce faire, il importe au juge pénal d’identifier les risques de récidive ainsi que les facteurs qui favorisent la sortie de la délinquance.

L’aménagement des peines constitue l’une des réponses au principe constitutionnel d’individualisation de la peine, qui se rattache indirectement au principe de proportionnalité de la peine prononcée (constituant lui‑même un principe fondamental du droit de la peine, issu de la rédaction de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (1)).

Les différents mécanismes d’aménagement mis en œuvre dans le cadre de la réponse pénale reflètent ainsi l’exigence posée par la loi de favoriser, outre la sanction et l’amendement de la personne condamnée, sa réinsertion ainsi que la diminution du risque de récidive.

La seule exclusion automatique au régime d’aménagement de la peine pourrait être considérée comme un frein aux principes précités, en particulier si le juge est privé de la possibilité d’individualiser la peine en recherchant l’équilibre nécessaire entre la gravité de l’infraction commise et la lourdeur de la peine encourue.

Aussi, il est proposé au sein de ces articles d’atténuer le caractère automatique de l’exclusion de l’aménagement de peine pour ce type d’infraction, en ne permettant au juge de n’y déroger que par une décision spéciale et motivée, qui pourrait être prise lorsque les circonstances de l’infraction, la personnalité de l’auteur ou ses garanties d’insertion ou de réinsertion le justifient.


proposition de loi

Article 1er

La section 6 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est complétée par un article L. 312‑13‑3 ainsi rédigé » :

« Art. L. 312133. – Afin de sensibiliser les élèves et les apprentis aux dangers de la route, il est organisé pour tout jeune ayant atteint l’âge de quatorze ans une demi‑journée de rencontre avec des victimes d’accidents de la route ou des associations d’aide aux victimes au sein de l’établissement scolaire ou dans un centre de santé prodiguant des soins de suite et de réadaptation. »

Article 2

Le A de l’article 278‑0 bis du code général des impôts est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les matériels de sécurité routière suivants :

« a) Les équipements de sécurité obligatoires et les équipements de sécurité recommandés pour les voitures, les deux ou trois roues à moteur ou quadricycle à moteur et sur les vélos ;

« b) Les sièges‑auto obligatoires pour assurer la sécurité des nourrissons et jeunes enfants. »

Article 3

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la classification des médicaments classés comme dangereux, prévoyant les évolutions possibles de cette classification pour mieux prévoir quels médicaments sont susceptibles de créer un délit d’accident routier en cas de prise par le conducteur et lesquels feraient figure d’exception.

Article 4

L’article 221‑6‑1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 22161.  I. – Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121‑3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide routier puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque : 

« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci‑après ; 

« 2° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ; 

« 3° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ; 

« 4° Le conducteur, sachant qu’’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir. 

« 5° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main et du port à l’oreille de tout dispositif susceptible d’émettre du son par le conducteur d’un véhicule en circulation, à l’exception des appareils électroniques correcteurs de surdité ;

« 6° Il résulte d’une analyse sanguine que le conducteur avait fait usage de médicaments classés comme dangereux pour la conduite par la règlementation en vigueur ;

« 7° Le conducteur n’a pas porté secours ou prêté assistance à une personne en danger alors qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident. 

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque l’homicide involontaire a été commis avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° à 7° du présent article.

« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 150 000 euros d’amende lorsque :

« 8° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste ou était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ; 

« 9° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ; 

« II. – Pour les délits commis en état d’au moins deux circonstances mentionnées aux 1° à 7° du présent article, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Deux ans si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement ;

« 2° Cinq ans si le délit est commis en état de récidive légale.

« Pour les crimes commis en état d’au moins une des deux circonstances mentionnées aux 8° et 9° du présent article, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure à sept ans.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« La juridiction ne peut prononcer une peine autre que l’emprisonnement avec mandat de dépôt lorsqu’est commis un délit avec au moins deux circonstances aggravantes, sauf si elle en décide autrement par une décision spécialement motivée.

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »

Article 5

Les deuxième à neuvième alinéas de l’article L. 232‑1 du code de la route sont remplacés par vingt alinéas ainsi rédigés :

« Art. 22161.  I. – Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121‑3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide routier puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque : 

« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci‑après ; 

« 2° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ; 

« 3° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ; 

« 4° Le conducteur, sachant qu’’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir. 

« 5° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main et du port à l’oreille de tout dispositif susceptible d’émettre du son par le conducteur d’un véhicule en circulation, à l’exception des appareils électroniques correcteurs de surdité ;

« 6° Il résulte d’une analyse sanguine que le conducteur avait fait usage de médicaments classés comme dangereux pour la conduite par la règlementation en vigueur ;

« 7° Le conducteur n’a pas porté secours ou prêté assistance à une personne en danger alors qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident. 

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque l’homicide involontaire a été commis avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° à 7° du présent article.

« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 150 000 euros d’amende lorsque :

« 8° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste ou était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ; 

« 9° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ; 

« II. – Pour les délits commis en état d’au moins deux circonstances mentionnées aux 1° à 7° du présent article, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Deux ans si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement ;

« 2° Cinq ans si le délit est commis en état de récidive légale.

« Pour les crimes commis en état d’au moins une des deux circonstances mentionnées aux 8° et 9° du présent article, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure à sept ans.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« La juridiction ne peut prononcer une peine autre que l’emprisonnement avec mandat de dépôt lorsqu’est commis un délit avec au moins deux circonstances aggravantes, sauf si elle en décide autrement par une décision spécialement motivée.

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »

Article 6

Le code de la route est ainsi modifié :

1° Au titre du chapitre 5 du titre 3 du livre 2, après le mot : « de » sont insérés les mots : « médicaments classés comme dangereux pour la conduite. »

2° L’article L. 235‑2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « usage », sont insérés les mots : « de médicaments classés comme dangereux pour la conduite par la règlementation en vigueur sauf exceptions précisées par décret en Conseil d’État ou » ;

b) Au deuxième alinéa, après le mot : « usage » sont insérés les mots : « de médicaments classés comme dangereux pour la conduite par la règlementation en vigueur sauf exceptions précisées par décret en Conseil d’État ou » ;

c) À la première phrase du cinquième alinéa, après le mot : « usage », sont insérés les mots : « de médicaments classés comme dangereux pour la conduite par la règlementation en vigueur sauf exceptions précisées par décret en Conseil d’État ou » ;

d) À l’avant‑dernier alinéa, après le mot : « usage », sont insérés les mots : « de médicaments classés comme dangereux pour la conduite par la règlementation en vigueur sauf exceptions précisées par décret en Conseil d’État ou ».

Article 7

La dernière phrase du 7° de l’article 144 du code de procédure pénale est supprimée.

Article 8

L’article 513 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sur demande expressément formulée, la cour entend les parties civiles ou leur conseil dans ses observations. »

Article 9

Le chapitre Ier de la loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation est complété par une section IV ainsi rédigée :

« Section IV 

« De l’assistance des associations d’aide aux victimes d’accidents de la route

« Art. 271.  Les victimes d’un accident de la circulation et leurs familles peuvent se faire assister par une association spécialisée pour les démarches administratives et médicales. »

Article 10

Après l’article 723‑15 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723‑15‑1 A ainsi rédigé :

« Art. 723151 A.  Les dispositions de l’article 723‑15 ne sont pas applicables aux personnes devant exécuter une peine d’emprisonnement prononcée en application des articles 221‑6‑1 ou 222‑20‑1 du code pénal, sauf décision contraire spécialement motivée, le juge tenant compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci. »

Article 11

Les articles 132‑25 et 132‑27 du code pénal sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes devant exécuter une peine d’emprisonnement prononcée en application des articles 221‑6‑1 ou 222‑20‑1, sauf décision contraire spécialement motivée, le juge tenant compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci. »

Article 12

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.