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N° 1384

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire les pochettes de nicotine,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Vincent SEITLINGER, Philippe JUVIN, Yannick NEUDER, Christelle D’INTORNI, Annie GENEVARD, Michel HERBILLON, Jean-Pierre TAITE, Nicolas RAY, Emmanuelle ANTHOINE, Véronique LOUWAGIE, Julien DIVE, Thibault BAZIN,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, de nombreux dérivés du tabac sont commercialisés. Initialement mis sur le marché pour permettre aux fumeurs de se sevrer ou pour limiter les méfaits d’une consommation classique, ils ne sont plus proposés comme des palliatifs mais comme des produits à part entière. Touchant un public souvent jeune, ils génèrent un nouveau type de comportement addictif. En parallèle, la lutte contre le tabac est devenue une priorité de santé publique à l’échelle mondiale, les campagnes de sensibilisation et la hausse constante du prix ayant provoqué une diminution de moitié de la consommation et donc, de fait, une baisse importante du chiffre d’affaires des fabricants. En conséquence, le marché du tabac se redéfinit : son public change, les tendances de consommation évoluent induisant de fait une réadaptation des stratégies de marketing.

Dans ce contexte, de nouveaux produits innovants sans fumée sont activement promus, sinon pour récupérer les clients perdus, du moins pour séduire les jeunes générations. Parmi ces produits, les pochettes de nicotine, parfois appelées « nicotine pouches », commercialisées depuis quelques mois, font l’objet d’un très fort intérêt. Il s’agit de petits sachets contenant de la poudre de nicotine, placés entre la joue et la gencive, permettant son absorption par la muqueuse buccale. Cette mode s’observe au niveau mondial et fait l’objet d’une croissance fulgurante, comme le démontre l’étude « État des lieux international de la réglementation sur les sachets de nicotine » produite par Génération sans Tabac. Celle‑ci fait état de ventes mondiales passées de 292 millions d’unités en 2018 à 6,8 milliards en 2021, soit une croissance de plus de 2000 %.

Hélas, ces sachets de nicotine ne sont pas sans danger pour la santé. Ils sont pourtant vendus comme « une solution idéale pour s’éloigner de la cigarette ». En réalité l’industrie du tabac exploite un biais cognitif qui consiste à croire que si un produit n’est pas nocif, il est forcément sain, ce qui n’est pas exact. En effet, bien que ces produits en question ne contiennent pas de tabac, ils n’en contiennent pas moins, comme leur nom l’indique, de la nicotine ; sans compter les substances cancérigènes d’autre part. Concernant la nicotine, il faut savoir que ces sachets en délivrent une dose parfois très importante, jusqu’à 20 milligrammes selon les marques contre 1 à 3 mg pour une cigarette classique, avec les risques que cela comporte. Plus encore, selon l’American Cancer Society, ces pochettes contiennent assez de nicotine pour avoir des incidences sur l’altération du rythme cardiaque. De plus, les études prouvent que cette substance est fortement addictive, ce qui est particulièrement problématique pour les jeunes dont le cerveau est encore en formation. Concernant les substances cancérigènes avérées, sont présent dans ces sachets : de la cellulose, des régulateurs d’acidité, des additifs, des arômes, certaines pochettes allant jusqu’à détenir de la nitrosamine, composé chimique hautement cancérigène. Toutes ces caractéristiques tendent à démontrer que ces produits sont addictifs et toxiques et qu’ils présentent un risque sanitaire élevé surtout chez les jeunes.

Alors que ces sachets de nicotine devraient faire l’objet d’une campagne de sensibilisation accrue du fait de toute ces caractéristiques, c’est tout l’inverse qui se produit puisqu’ils font l’objet d’une stratégie de marketing agressive, et ce, surtout en vue de séduire les jeunes générations. C’est ainsi que l’on retrouve des publicités offensives sur les réseaux sociaux dont l’audience se fait majoritairement parmi les 16‑24 ans. Sur Tik Tok, de nombreuses vidéos d’influenceurs font la publicité de ces sachets de nicotine, les plus populaires étant « likées » des centaines de milliers de fois. Sur YouTube, les supports prennent la forme de visioconférences animées par les marques elles‑mêmes, les intervenants reprenant le vocable et l’attitude des jeunes auxquels ils s’adressent. Sur l’une de ces vidéos, on peut voir un intervenant expliquer que grâce à la consommation de sachets de nicotine, la Suède obtient le taux de cancer le plus bas. Ce dernier omet toutefois de préciser que c’est le pays qui a le taux de tabagisme le plus faible d’Europe. Selon une étude de l’Association Suisse pour la Prévention du Tabagisme (ASPT), les industries du tabac tronquent et manipulent volontairement les informations en jouant sur l’ambiguïté des chiffres.

En sus de véhiculer des informations parfois trompeuses, souvent mensongères, et ce, au détriment de la santé des jeunes, les fabricants de sachets de nicotine profitent d’un flou juridique pour violer les pratiques commerciales. En effet, il existe bien, depuis mai 2016, une directive européenne sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes. Celle‑ci oblige les fabricants des produits du vapotage à déclarer les informations relatives à la composition, à la toxicité auprès de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES). Toutefois, les sachets de nicotine ne sont pour leur part, soumis à aucune obligation d’information. Ces derniers n’étant ni des produits à fumer, ni des produits de vapotage, ils ne rentrent en effet, dans aucune des catégories prévues par le code de la santé publique. Il en résulte qu’aucun texte législatif ou réglementaire n’encadre à ce jour leur constitution, leur consommation, leur publicité ou leur commercialisation.

Face à ce triple constat prouvant la toxicité des sachets de nicotine, l’agressivité commerciale des revendeurs et l’inexistence de cadre légal, il convient de s’opposer à leur commercialisation. C’est pourquoi la présente proposition de loi modifie le code de la santé publique afin d’instaurer une interdiction des sachets de nicotine, et ce, pour protéger la santé de tous les citoyens en général et des plus jeunes en particulier.

Pour ce faire, l’article unique de la présente proposition de loi crée un article additionnel qui complète la section 1 du chapitre III du titre 1er du livre V de la troisième partie du code de la santé publique. Les modalités d’application de la présente proposition de loi sont définies par décret du ministère en charge des Affaires sociales.

 

 


proposition de loi

Article unique

La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre V de la troisième partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 3513‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 351361.  Sont interdits la fabrication, la vente la distribution ou l’offre des sachets de nicotine, au sens de tous les produits à usage oral sans tabac constitués en totalité ou partiellement de nicotine, qu’elle soit synthétique ou naturelle, sous forme de poudre, de particules, de pâte ou de combinaison de ces formes. 

« II. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret du ministre chargé des affaires sociales. »