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N° 1426

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à attirer durablement les jeunes médecins dans les déserts médicaux en les autorisant à s’installer en secteur II,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLouis THIÉRIOT, Philippe JUVIN, Nicolas FORISSIER, Véronique LOUWAGIE, Stéphane VIRY, Mansour KAMARDINE, Nathalie SERRE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La désertification médicale gagne de plus en plus de territoires, ruraux bien sûr mais aussi urbains. Ce sont désormais plus de 87 % du pays qui peuvent être qualifiés de « déserts médicaux », ces zones où il devient impossible de trouver un médecin traitant, des zones où les délais d’attente pour obtenir un rendez‑vous chez un spécialiste sont par endroits devenus si insupportables que les chances de guérison des malades en sont impactées.

La conséquence est qu’aujourd’hui en France, il existe une médecine à deux vitesses : celle de tout le monde et celle de ceux qui peuvent s’appuyer sur un réseau de relations pour remonter la file d’attente. 

Les causes de la désertification médicale en médecine de ville sont connues : tout d’abord un manque structurel de médecins dû à la pyramide des âges et à la suppression trop tardive du numerus clausus qui ne produira ses effets que dans plusieurs années de sorte que nombre de médecins libéraux ne trouvent pas de repreneurs lorsqu’ils partent à la retraite.

À cela s’ajoute une rémunération trop basse, qui pousse les jeunes médecins à préférer un poste salarié, en hôpital ou centre médical, ou à s’installer en province où les loyers sont moins chers. Le coût généré par la location ou l’acquisition d’un cabinet médical est en effet difficilement supportable dans les zones à forte pression immobilière. Cela est particulièrement vrai en Île‑de‑France qui, d’après le dernier zonage publié par l’agences régionales de santé (ARS) en 2022, constitue le premier désert médical de France métropolitaine pour l’accès au médecin généraliste. Fortement touchée par le phénomène de désertification médicale, la Seine‑et‑Marne compte ainsi en moyenne seulement 6 médecins généralistes pour 10 000 habitants.

Le phénomène de sous‑dotation en « médecine de ville » de certaines zones s’amplifie par sa propre cause : la surcharge d’heures de travail et la pression d’une patientèle qui peine à trouver des rendez‑vous sont en effet des facteurs supplémentaires considérables de démotivation pour les jeunes médecins qui préfèrent travailler à l’hôpital ou s’installer dans des zones moins tendues. La situation de la démographie médicale francilienne continue donc de se dégrader. Entre mai 2022 et mai 2023, l’Île‑de‑France a encore perdu 354 médecins libéraux dont 244 médecins généralistes.

Au regard de cette dramatique évolution, il y a urgence à prendre des mesures concrètes qui produisent un effet aussi rapide que pérenne, des mesures qui bénéficient aussi bien aux patients qu’aux médecins. 

Aux médecins aussi en effet car on ne fera pas revenir les médecins libéraux dans les déserts médicaux en multipliant les contraintes ; bien au contraire, c’est une baisse des vocations pour les études de médecine et la médecine libérale que de telles mesures punitives sont en train de provoquer et dont on payera le tribut plus cher encore dans quelques années.

Il faut au contraire encourager l’installation des jeunes médecins dans les déserts médicaux : tel est l’objectif de la présente proposition de loi qui souhaite offrir aux médecins qui s’installeront pour la première fois en libéral la possibilité d’intégrer le secteur II dès lors qu’ils s’installeront et maintiendront leur activité dans une zone de désert médical.

Dans une économie de pénurie, c’est par une politique de l’offre qu’il est possible de relancer l’attractivité de l’installation en libéral.

Le principal moyen susceptible de compenser l’ensemble des inconvénients à exercer dans ces déserts médicaux et ainsi d’inciter les jeunes médecins à s’y installer de façon pérenne est de leur procurer un avantage durable qui dépasse le seul moment de leur installation et qui leur permette de se projeter dans une carrière professionnelle épanouissante.

La possibilité d’exercer en secteur II dans les déserts médicaux constitue un tel avantage puisqu’en offrant au médecin la possibilité de moduler son tarif (« avec tact et mesure »), il lui permet d’adapter sa rémunération aux coûts financiers qu’impliquent le prix des loyers et le besoin d’un secrétariat médical nécessaire pour diminuer le temps consacré aux tâches administratives, augmenter le temps consacré à la patientèle et trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Incidemment, une telle mesure permettrait de résoudre une autre difficulté : actuellement l’installation en secteur II aussi bien en médecine générale que dans les autres spécialités nécessite de détenir des titres hospitaliers précisés à l’article 38.1.1 de la Convention nationale des médecins libéraux en particulier les titres d’« ancien chef de clinique des université assistant des hôpitaux », d’« ancien chef de clinique des universités de médecine générale » ou d’« ancien assistant des hôpitaux ».

Or, d’après le rapport conjoint Inspection générale des affaires sociales (IGAS) N° 2017‑129R / IGAENR N° 2018‑058, cette mesure entraîne des effets pervers sur les profils des médecins qui réalisent un post‑internat. Le rapport juge indispensable « un recentrage du postinternat sur des fonctions véritablement hospitalouniversitaires ». Il constate que « de fait, plusieurs profils de médecins s’orientent vers le postinternat : ceux qui souhaitent s’engager dans une carrière hospitalouniversitaire (ou à défaut en hôpital public), ceux qui veulent compléter leur formation mais aussi tous ceux qui se destinent au secteur libéral et veulent seulement bénéficier des titres requis pour accéder au secteur II à honoraires libres » et déplore que ces derniers candidats « contribuent à gonfler artificiellement la demande du postinternat, une partie des places étant occupée par des praticiens dont le secteur II constitue l’unique motivation ».

En ouvrant une seconde voie que celle du post‑internat pour accéder au secteur II, l’offre d’installation en secteur II dans les déserts médicaux permet de libérer les places en post‑internat aux médecins qui ont la vocation de poursuivre une carrière hospitalo‑universitaire et se faisant, de développer la recherche française en médecine.

En conclusion, la possibilité offerte aux jeunes qui sortent de l’internat de s’installer en secteur II dans les zones sous‑dotées en médecine de ville est une mesure concrète qui permet de stopper à brève échéance l’hémorragie de généralistes et de spécialistes dans les déserts médicaux.

C’est également une mesure d’avenir : en permettant aux médecins de se rémunérer à hauteur de leur engagement tant en années d’études qu’en heures hebdomadaires consacrées au soin des patients, cette mesure valorise l’exercice de la médecine libérale et lutte contre le recul croissant de son attractivité auprès des étudiants en médecine.

C’est en tous les cas une mesure vitale : les délais d’attente pour obtenir des rendez‑vous médicaux constituent en effet une perte de chance de guérison pour de nombreux malades.

 

 


proposition de loi

Article unique

Sont autorisés à pratiquer des honoraires différents les médecins qui s’installent pour la première fois en libéral dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins telles que définies au 1° de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique.

Le maintien de cette autorisation est conditionné à la poursuite de l’activité dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins.