Description : LOGO

N° 1429

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juin 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à ouvrir le don du sang aux personnes ayant un antécédent
de transfusion sanguine,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

M. Gérard LESEUL, Stéphane DELAUTRETTE, Mickaël BOULOUX, Arthur DELAPORTE, Bertrand PETIT, Alain DAVID, Dominique POTIER, Hervé SAULIGNAC, Chantal JOURDAN, Anna PIC, Christine PIRES BEAUNE, Claudia ROUAUX, Inaki ECHANIZ, Fatiha KELOUA HACHI, Joël AVIRAGNET, Boris VALLAUD, Jérôme GUEDJ, Philippe NAILLET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, un million de patients reçoivent une transfusion de sang, dans le cadre d’une intervention chirurgicale. Chaque année, un million de personnes sont sauvées grâce au don de sang effectué, de manière bénévole et solidaire, par leurs concitoyens. Grâce aux dons, les personnes qui en ont besoin, sont soignées directement via la transfusion sanguine ou indirectement par l’utilisation des médicaments dérivés du sang issus du don de plasma.

Chaque année, l’Établissement français du sang (EFS) constate le manque de donneurs et les difficultés à réunir les 10 000 dons quotidiens nécessaires. Régulièrement, l’EFS lance des appels d’urgence aux donneurs universels de groupe O négatif (aux mois de mai, juillet et août, en effet, il est plus difficile de mobiliser les donneurs, alors que dans le même temps, les besoins ne baissent pas).

Le don de sang permet de prendre en charge les accidents, les catastrophes et les attentats, mais surtout, il faut rappeler que 60 % des transfusions de sang sont programmées à l’hôpital. Elles sont destinées aux personnes atteintes de cancers, de maladies du sang (drépanocytose, leucopénie), durant les opérations de greffes d’organes ; ou des hémorragies de la délivrance. Ces produits sanguins sont non substituables à 99 %, c’est dire s’ils sont essentiels.

Le don anonyme, gratuit et volontaire, est un produit extrêmement précieux. L’objectif de l’Établissement français du sang (EFS) est qu’il n’y ait pas de don gâché. Le taux de péremption est seulement de 0,05 %, ce qui est l’une des démonstrations de l’efficacité du système.

L’autosuffisance quantitative et également qualitative est recherchée, car il faut administrer le produit le plus adapté aux patients. Le don du sang doit refléter la diversité des populations vivant dans notre pays. Il y a des sous‑groupes sanguins qui sont plus rares, à l’image du R0r, qui est très présent chez les Français des Antilles ou d’Afrique subsaharienne, une population qui est davantage touchée par la drépanocytose. On peut transfuser une fois avec un O négatif, mais pour des personnes qui ont des besoins réguliers, il faut trouver le groupe sanguin absolument identique, sans quoi on risque de se trouver dans une impasse transfusionnelle. D’où la nécessité d’élargir régulièrement la population des donneurs.

Rappelons qu’il n’y a pas un, mais des dons du sang. Le don dit total est le plus courant, et c’est à partir de ces dons que sont prélevés les différents composants :

– les globules rouges, qui facilitent notamment le transport de l’oxygène et sont particulièrement utilisés dans le traitement des cas de cancer, de chirurgie, d’accouchement difficile ;

– les plaquettes, qui sont vitales pour les patients leucémiques et cancéreux ;

– le plasma, enfin, sert à traiter les problèmes de coagulation, d’hémorragie et de grave déficience immunitaire.

Les plaquettes et le plasma peuvent faire l’objet de dons spécifiques. Tous ces composants n’ont pas la même durée de conservation : si le plasma, congelé, peut être utilisé jusqu’à un an après le don, il n’en est pas de même pour les globules rouges. Ces délais de conservation, parfois très courts, rendent nécessaire un vivier important de donneurs et tout particulièrement, de donneurs réguliers.

Donner son sang est un acte solidaire, citoyen et désintéressé parce que bénévole. Les témoignages collectés auprès de donneurs réguliers mettent tous en avant cet aspect : le sentiment d’être utile, la fierté, la conscience d’avoir apporté une aide vitale par un geste simple et peu coûteux en temps et en énergie. Les personnes interrogées insistent fréquemment sur le fait qu’elles ont été sensibilisées à l’importance du don du sang, soit par leurs parents qui leur ont transmis l’habitude de donner leur sang, soit par la transfusion qui a sauvé l’un de leurs proches et leur ont fait réaliser l’importance de ce geste.

Malgré des avancées majeures ces dernières années et en particulier l’ouverture du don du sang aux hommes homosexuels depuis le 16 mars 2022, les critères d’accès au don restent encore trop restrictifs. C’est tout particulièrement le cas de tous ceux qui ont un jour reçu une transfusion sanguine et sont exclus du don sur ce critère.

Cette interdiction a été mise en place en 1997, dans le contexte de la refondation de la filière du sang en France. Aussi louable soit‑il, le principe de précaution doit cependant rester rationnel ; or, on constate en France des crispations sur le sujet, dues au traumatisme de 1991, qui ont des conséquences durables. Reprenons l’exemple des hommes homosexuels ou bisexuels : exclus par principe du don du sang, alors même que dans les pays voisins cette interdiction était tombée, ou avait été allégée depuis des années. En France, il a fallu attendre 2022 pour qu’ils obtiennent le droit de donner leur sang.

Le don du sang est un devoir civique et citoyen, il est l’expression d’une solidarité bénévole et désintéressée. En restreindre l’accès à une partie de la population sur la seule base de son orientation sexuelle, était une discrimination et, de manière implicite, une manière de l’exclure symboliquement de la communauté civique en jetant sur elles un soupçon de principe, alors même que les poches de sang font désormais l’objet d’un dépistage systématique.

La question se pose de la même manière pour les transfusés. L’exclusion du don du sang pour les personnes qui ont pu bénéficier d’une transfusion sanguine est parfois injustement légitimée au motif que les anciens transfusés seraient très enclins à donner leur sang. Or, cet argument se fonde sur le risque d’infection du donneur au moment de la transfusion. Vouloir encadrer la pratique du don du sang est une nécessité, mais il faut aussi prendre en compte les avancées dans le domaine de la sécurisation du don. Les tests de dépistage, qui aujourd’hui sont systématiquement réalisés sur les poches de sang issues de dons, sont bien plus perfectionnés qu’il y a trente ans. Aujourd’hui, sont dépistés les agents responsables des virus du SIDA, des hépatites B et C, de la syphilis et des pathologies associées à l’HTLV (chez les nouveaux donneurs en France métropolitaine et l’ensemble des donneurs dans les départements français d’Amérique) ; mais aussi ceux responsables des parasites vecteurs du paludisme et de la maladie de Chagas, selon le risque, évalué en fonction des réponses à l’entretien pré‑don. Enfin, des tests existent pour dépister l’hépatite A, la toxoplasmose, la dengue, la leptospirose, le chikungunya, la fièvre à virus West‑Nile, le zika. Ils ne sont pas réalisés systématiquement, mais peuvent être effectués si le besoin s’en fait sentir. Ces évolutions font que le risque évoqué hier ne peut plus justifier une exclusion définitive du don du sang des personnes qui ont bénéficié d’une transfusion sanguine.

C’est pourquoi, cette proposition vise à ouvrir le don du sang aux personnes ayant un antécédent de transfusion sanguine, tout en respectant un délai de carence et en organisant la mise en place d’un comité de suivi et d’évaluation des conséquences de cette évolution.


proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 1211‑6‑1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Un antécédent de transfusion sanguine ne constitue pas une contre‑indication médicale définitive. »

Article 2

Le deuxième alinéa L’article L. 1211‑6‑1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le délai de précaution entre une transfusion sanguine et la réouverture de l’accès au don du sang est fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de la haute autorité de santé et ne peut excéder trois ans, en l’absence de symptôme et si les tests nécessaires sont négatifs au premier don. »

Article 3

Une surveillance visant à suivre et évaluer les conséquences de cette évolution, sera mise en œuvre par les opérateurs, l’établissement français du sang et le centre de transfusion sanguine des armées, les agences sanitaires, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et santé publique France, et le centre national de référence des risques infectieux transfusionnels.