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N° 1564

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à expérimenter un fonds d’aide à la mise en place de cultures coupefeu,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Sandra REGOL, Marie POCHON, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Benjamin LUCAS, Julien BAYOU, Sabrina SEBAIHI, MarieCharlotte GARIN, Lisa BELLUCO, Sandrine ROUSSEAU, Sébastien PEYTAVIE, Nicolas THIERRY, Eva SAS, JeanClaude RAUX, Aurélien TACHÉ,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Quatrième pays d’Europe le plus boisé avec 16,9 millions d’hectares de forêts, la France est aujourd’hui confrontée à un risque de feux d’espaces naturels d’une ampleur inégalée dans son histoire en raison du réchauffement climatique. Depuis l’ère préindustrielle, notre pays s’est réchauffé de 1,86 degré en moyenne, entraînant une extension géographique du risque d’incendie ainsi qu’une extension temporelle de la période des feux. Un risque par ailleurs accentué par la déprise agricole et le doublement de la masse combustible en trente ans.

Les conséquences dramatiques du changement climatique, sur lesquelles les scientifiques alertent depuis de nombreuses années, ne relèvent plus de l’anticipation : elles sont désormais concrètes et tangibles pour l’ensemble de nos concitoyens. En 2022, 72 000 hectares d’espaces naturels ont brûlé sur le territoire, une superficie sept fois supérieure à la moyenne des quinze dernières années, et la France a fait face à des feux extrêmes, notamment en Gironde avec les feux de Landiras et de la Teste‑de‑Buch, dont les images ont marqué les esprits et qui ont entraîné une surmobilisation des sapeurs‑pompiers et des moyens aériens de la sécurité civile.

Cette année, outre la sécheresse inédite qui a conduit à priver d’eau quatre villages, les Pyrénées‑Orientales ont subi des incendies répétés dès le mois d’avril : 931 hectares partis en fumée entre Cerbère et Banyuls‑sur‑Mer, 30 hectares près d’Argelès‑sur‑Mer (160 pompiers mobilisés, 18 largages réalisés par des Canadairs et un Dash), incendies près de Saint‑Cyprien et de Saint‑André… Une situation qui fait craindre un été 2023 plus difficile encore que le précédent, mais peut‑être moins difficile que les suivants si nous ne prenons pas les mesures qui s’imposent.

Face à ce risque incendie inédit auquel notre pays doit s’habituer, l’une des solutions à mettre en place pour protéger les personnes et les biens, prioritaires dans l’action de la sécurité civile, pourrait provenir des cultures, et notamment des vignes. En effet, ces dernières ont prouvé leur efficacité comme coupe‑feu lorsqu’elles sont bien entretenues lors de l’incendie de Cerbère des 16 et 17 avril 2023 : outre l’action courageuse des sapeurs‑pompiers, le village de Cerbère a été partiellement protégé par une vigne entretenue bordant les habitations, qui a permis de bloquer la progression du feu et de sauver les bâtiments des flammes.

Par conséquent, et suivant en cela une recommandation émanant du rapport sénatorial de 2022 intitulé Prévention et lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, cette proposition de loi propose de s’inspirer des méthodes qui fonctionnent sur le terrain, défendues par les vignerons et les sapeurs‑pompiers, et d’expérimenter un fonds d’aide à la mise en place de cultures coupe‑feu autour des communes qui le souhaitent dans les départements soumis au risque incendie. Ce développement de cultures coupe‑feu, qui doit être effectué en respectant un équilibre entre terres cultivées et espaces naturels, intégrer de manière systématique l’enjeu de préservation de la biodiversité et privilégier les espèces locales, permettra d’agir à la fois pour la préservation des écosystèmes et pour le développement de l’économie locale, deux axes majeurs des politiques publiques écologistes.

L’article 1 vise à instituer un fonds d’aide à la mise en place et à l’exploitation de cultures coupe‑feu attribué par une commission incluant l’État, la région, le département, l’Office national des forêts et le service d’incendie et de secours du territoire après avis favorable du maire de la commune sur le territoire de laquelle se trouve le projet.

L’article 2 vise à compenser le coût supplémentaire pour l’État.


proposition de loi

Article 1er

I. – À titre expérimental, dans les départements sur le territoire desquels se trouvent des bois et forêts classés à risque incendie en application des articles L. 132‑1 et L. 133‑1 du code forestier et jusqu’au 31 décembre 2028, il est institué un fonds d’aide à la mise en place et à l’exploitation de cultures permettant de ralentir ou d’arrêter la progression du feu, dites cultures coupe‑feu.

Ce fonds est réparti entre les départements concernés en tenant compte de leur population, notamment lors des migrations estivales, du nombre de bois et forêts exposés au risque incendie sur leur territoire ainsi que du nombre de départs de feu recensés l’année précédente sur leur territoire.

II. – Dans chaque département, il est institué une commission chargée de l’attribution du fonds présidée par le représentant de l’État et comprenant un représentant du conseil régional, un représentant du conseil départemental, un représentant de l’Office national des forêts, ainsi qu’un représentant du service d’incendie et de secours du territoire. Elle arrête chaque année la liste des projets d’installation de cultures coupe‑feu bénéficiant du fonds et détermine le montant alloué à chaque projet, qui prend la forme d’une aide non remboursable et ne peut excéder un total de 100 000 euros par projet, ainsi que la durée pour laquelle est versé ce montant, qui ne peut excéder trois ans. Seuls sont éligibles au fonds les projets de cultures biologiques au sens du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil.

Chaque projet d’installation doit recueillir l’avis favorable du maire de la commune sur le territoire de laquelle il se trouve ou, lorsque ce projet se trouve sur le territoire de plusieurs communes, l’avis favorable des maires des différentes communes.

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du II.

III. – La mise en place d’un projet de cultures coupe‑feu bénéficiant du fonds en application de la présente loi fait l’objet d’un accompagnement par l’Office national des forêts, dont les agents s’assurent notamment de l’efficacité du dispositif contre les incendies, du respect de la biodiversité et d’une gestion adaptée de la ressource en eau.

Lorsqu’ils constatent des insuffisances ou manquements, les agents peuvent enjoindre au bénéficiaire du fonds de prendre des mesures supplémentaires ou mettre eux‑mêmes en œuvre ces mesures après autorisation du représentant de l’État dans le département.

IV. – Dans les six mois suivant la date de fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’efficacité du dispositif de la présente loi dans la lutte contre les incendies.

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.