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N° 1566

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre obligatoire la consommation de gaz renouvelable
lors du renouvellement d’une chaudière au gaz,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Véronique LOUWAGIE, Émilie BONNIVARD, Josiane CORNELOUP, Alexandra MARTIN, Pierre VATIN, MarieChristine DALLOZ, Hubert BRIGAND, Éric PAUGET, Mansour KAMARDINE, Nicolas RAY, Patrick HETZEL, Dino CINIERI, Yannick NEUDER, Christelle PETEXLEVET,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à rendre obligatoire la souscription d’un contrat de fourniture de gaz vert, c’est‑à‑dire de gaz non fossile, lors de l’installation d’un système de chauffage ou de production d’eau chaude alimenté exclusivement en gaz, dans les logements anciens. La règlementation environnementale des constructions neuves, qui vise à diminuer les émissions de carbone du bâtiment, n’est en rien modifiée par la présente proposition de loi. Seuls les bâtiments anciens, actuellement chauffés au gaz ou au fioul sont concernés par cette proposition de décarbonation.

Énergie la plus utilisée dans le chauffage en France, le gaz constitue actuellement l’énergie de chauffage principale de 41 % des logements, devant l’électricité (30 %, hors pompes à chaleur) et le fioul (11 %). En 2021, ce sont en effet 11,5 millions de foyers chauffés au gaz de réseau, 3,1 millions au fioul et 500.000 foyers chauffés grâce au gaz hors réseau. Dans le débat actuel autour d’une possible interdiction de la chaudière à gaz qui impacterait 12 millions de foyers, il semble nécessaire d’adopter une position loin de tout dogmatisme et d’éviter de faire peser une nouvelle contrainte sur nos concitoyens. L’enquête du magazine « Que Choisir », publiée le 6 juin dernier alerte sur les conséquences pour le pouvoir d’achat, qualifiée de « catastrophe » tout en pointant l’ » absence de réduction des émissions » d’une telle interdiction. L’hiver, la consommation globale d’énergie est en moyenne 4 fois plus importante qu’en été. Le gaz joue un rôle central lors des pointes de consommation hivernales en assurant la moitié des besoins de chauffage tant au gaz qu’en électricité à travers la production d’électricité à partir de gaz. Un scénario d’électrification massive et de sortie précipitée du chauffage au gaz négligerait la sensibilité de nos usages aux températures. Or, le contexte européen comme national démontrent, qu’à court terme, l’augmentation de la demande d’électricité est confrontée à une réduction des capacités de production électrique, notamment pilotables, du fait de la fermeture des centrales thermiques fonctionnant avec des énergies fossiles et au défi de moyen terme de son renouvellement presque intégral.

Il est alors nécessaire s’appuyer sur la complémentarité des énergies sans remettre en cause les ambitions climatiques. Ce sont l’équilibre du système énergétique et la transition énergétique qui sont en jeu.

Aujourd’hui, 300 à 400 000 chaudières alimentées en gaz naturel sont installées chaque année, principalement en remplacement d’anciennes chaudières à gaz ou au fioul. Les changements de chaudières interviennent essentiellement lors de panne, dans des moments où il est compliqué d’anticiper la réalisation d’une rénovation globale du bâti ou de changer son système de chauffage dans sa globalité. Pour autant, la décarbonation de nos modes de chauffage demeure un impératif environnemental. La proposition de loi permet une décarbonation des modes de chauffage gaz sans mesure brutale qui aurait des conséquences néfastes sur le pouvoir d’achat des ménages, les finances publiques et l’équilibre du système électrique.

La France dispose d’un gisement disponible pour le développement des gaz verts très significatif. L’étude « Un mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 » réalisée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en 2018 (et actualisée en 2021) a évalué la disponibilité des intrants c’est‑à‑dire de la matière première présente à la maille de chaque canton permettant la production de gaz vert. Elle évalue le gisement mobilisable jusqu’à 360 TWh. Pour rappel, la consommation de gaz en France pour l’usage du chauffage est de 169 TWh et devrait baisser au fur et à mesure des rénovations thermiques des logements.

Cette étude a ainsi confirmé une production de gaz verts répondant à l’intégralité à la consommation française à horizon 2050, tout en garantissant une mobilisation raisonnée des intrants. Dans les territoires, les acteurs démontrent leur appétence pour consommer et produire de l’énergie locale et verte et mettent en œuvre concrètement les logiques de l’économie circulaire.

La production et les usages des gaz verts c’est‑à‑dire renouvelables et bas carbone constituent le moyen de valoriser localement des déchets de façon performante économiquement et écologiquement. La production de biométhane, principal gaz vert issu des déchets d’origine organique, est au cœur de la stratégie de reconquête de l’autonomie énergétique française face aux aléas géopolitiques. En mars 2022, la Commission européenne a réitéré la nécessité d’accélérer le développement des gaz renouvelables en l’identifiant comme un facteur de la souveraineté énergétique.

En complément des certificats de production de biogaz, cette proposition de loi permettra de développer la production de gaz renouvelable, bas carbone et hydrogène en stimulant la demande. Ainsi, à chaque installation de chaudière fonctionnant au gaz, les clients seront obligés de souscrire à une offre de fourniture de gaz vert et les fournisseurs devront s’assurer de disposer des volumes suffisants de gaz renouvelables pour répondre à la demande.

La question du rythme et de la croissance de la production de gaz verts en France ne se posera donc pas. Face à l’augmentation de la demande en gaz renouvelable, il y aura alors soit une hausse de la production de ces gaz pour couvrir les besoins de manière plus rapide, soit un transfert des clients vers d’autres sources d’énergies, sans mesure d’interdiction.

Une étude du Réseau de transport d’électricité‑ADEME (RTE‑ADEME) montre en effet qu’il est plus efficace de rénover sans électrifier, plutôt qu’électrifier sans rénover en profondeur : dans un scenario de rénovation tendancielle, l’électrification massive du chauffage engendrerait ainsi 4 à 7 Mt de CO2 supplémentaires en 2035 soit 10 % des émissions totales gaz à effet de serre (GES) du secteur bâtiment (7 millions de tonnes de GES en 2021 dont 48 millions pour le résidentiel), par rapport à un scénario de rénovation renforcée. L’électrification sans rénovation constitue un risque majeur pour l’atteinte des objectifs climatiques comme pour la résilience du système énergétique. Les usages directs du gaz pour couvrir les besoins de chauffage restent les plus efficaces, d’autant plus que la production d’électricité est assurée par des moyens fortement carbonés lors des pointes de froid. Avec un rendement d’environ 95 %, l’usage direct des gaz verts est le plus efficace, là où un usage indirect par des équipements de chauffage électrique aura un rendement global d’environ 50 % (lié aux pertes importantes sur la chaîne de transformation et d’approvisionnement électrique).

Loin d’une écologie punitive, cette proposition de loi vise à verdir les usages domestiques du gaz en France alors que le mix gazier français est en capacité d’être 100 % renouvelable, stockable et produit en France d’ici 2050.

L’article 1er vise à rendre obligatoire la souscription d’une offre de fourniture de gaz comprenant au moins 60 % de gaz renouvelable, bas carbone ou hydrogène lors de l’installation d’un appareil alimenté exclusivement au gaz. Ainsi, l’installation d’une pompe à chaleur Hybride, appareil permettant une flexibilité entre les systèmes énergétiques et permettant une plus grande résilience du système électrique sont exclus de cette obligation. Les opérations de réparation des chaudières actuellement installées sont également exclues de cette obligation.

L’article 2 prévoit la procédure permettant de s’assurer du respect de la consommation minimale et de la traçabilité des volumes de gaz renouvelables, bas carbone ou hydrogène correspondant aux équipements installés. Les installateurs de chaudières informent les gestionnaires de réseaux afin d’identifier les points de livraison dont le contrat de fourniture de gaz doit obligatoirement comprendre au moins à 60 % de gaz renouvelable, bas carbone ou hydrogène. Les gestionnaires de réseaux tiennent alors à disposition des fournisseurs une liste consolidée les obligeant à ne proposer à ces clients que des offres comprenant une part minimale de 60 % de gaz verts. Pour permettre à l’administration de s’assurer de la bonne utilisation du gaz vert, les fournisseurs informent de manière annuelle l’administration du nombre de points de livraisons concernés par l’obligation et les volumes de gaz renouvelables associés.

L’article 3 tire les conséquences de l’obligation de souscription d’un contrat de fourniture de gaz renouvelables, bas carbone ou hydrogène dans les règlements de copropriété ainsi que dans l’information du consommateur, que ce soit au moment du diagnostic établi avant la vente d’un bien immobilier ou dans les informations à communiquer lors de la mise en location d’un bien.

L’article 4 conditionne le maintien de l’autorisation administrative de fourniture de gaz au respect de l’existence d’une offre commerciale de fourniture comprenant au moins 60 % de gaz renouvelable, bas carbone ou hydrogène.

L’article 5 a pour objet la demande d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de modifier la fiscalité appliquée aux contrats de gaz verts comme par exemple la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) ou la TVA sur les contrats de fourniture de gaz.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

I. – Le chapitre V du titre VII du livre Ier du code de la construction et de l’habitation est complété par un article L. 175‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1753. – Toute installation d’un appareil de chauffage ou de production d’eau chaude alimenté exclusivement au gaz est conditionnée à la souscription d’une offre d’énergie comprenant au moins 60 % de gaz renouvelable, bas carbone ou hydrogène.

« L’obligation de souscription prévue au premier alinéa s’impose à tout occupant du bâtiment ou d’une partie de bâtiment alimenté en chauffage ou en eau chaude par l’appareil installé.

« Le propriétaire a l’obligation d’en informer les futurs occupants de ces bâtiments. Cette obligation est inscrite dans les règlements de copropriété dans le cas du remplacement de l’installation de chauffage en commun, dans les contrats de location et annexée aux contrats de vente. »

II. – Les dispositions prévues au I du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

Article 2

I. – Après l’article L. 443‑8‑1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 443‑8‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 44382.  Les fournisseurs de gaz communiquent chaque année au ministre en charge de l’énergie le nombre de points de livraison et les volumes associés concernés par l’obligation de souscription à une offre de fourniture de gaz renouvelable, bas carbone et d’hydrogène.

« En cas d’incohérence entre les volumes de gaz consommés par les points de livraisons concernés par une obligation de souscription à une offre comprenant au moins 60 % de gaz renouvelable, bas carbone ou d’hydrogène et les volumes de gaz renouvelable, bas carbone et d’hydrogène associés par un fournisseur, l’autorisation de fourniture prévue à l’article L. 443‑8 peut être retirée par l’autorité administrative après mise en demeure adressée au fournisseur d’expliciter l’origine de l’écart ».

II. – Lors de l’installation d’un appareil de chauffage ou de production d’eau chaude, l’installateur informe le propriétaire du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée de l’obligation de souscription prévue à l’article L. 175‑3 du code de la construction et de l’habitation.

Il informe le gestionnaire de réseau de distribution de gaz de l’installation d’un nouvel appareil de chauffage et de production d’eau chaude et identifie le point de livraison de gaz correspondant. Ledit gestionnaire de réseau de distribution de gaz en accuse réception.

III. – Les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz tiennent à disposition des fournisseurs la liste des points de livraison soumis à l’obligation de souscription prévue à l’article L. 175‑3 du code de la construction et de l’habitation. Ils communiquent cette liste de manière annuelle aux autorités organisatrices des réseaux publics de distribution de gaz et aux autorités publiques chargées d’une mission de contrôle d’une ou des obligations du présent article. En cas de nouvelle contractualisation d’un fournisseur avec un consommateur pour l’un de ces points de livraison, l’information de la contrainte de minimum de gaz renouvelable à respecter est automatiquement signifiée par le gestionnaire de réseau. Le fournisseur est alors tenu de respecter cette contrainte.

IV. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par voie règlementaire.

Article 3

I. – Le I de l’article L. 271‑4 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les locaux faisant l’objet de la vente sont soumis aux obligations définies à l’article L. 175‑3 du présent code suite à l’installation d’un appareil de chauffage ou de production d’eau chaude alimenté exclusivement en gaz, cette obligation est mentionnée dans l’acte de vente et annexée au dossier de diagnostic technique. »

II. – L’article 8 de la loi n° 65‑557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Le règlement de copropriété des immeubles faisant l’objet d’un remplacement de systèmes techniques conformément à l’article L. 175‑3 du code de la construction et de l’habitation prévoit l’obligation pour les propriétaires ou leurs occupants de souscrire une offre d’énergie comprenant au moins 60 % de gaz renouvelable, bas carbone et d’hydrogène. »

III. – Après l’article 3‑3 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, il est inséré un article 3‑4 ainsi rédigé :

« Art. 34. – Dans les immeubles faisant l’objet d’un remplacement de systèmes techniques conformément à l’article L. 175‑3 du code de la construction et de l’habitation, le contrat de location prévoit l’obligation pour les locataires de souscrire une offre d’énergie comprenant au moins 60 % de gaz renouvelable, bas carbone et d’hydrogène. »

Article 4

L’article L. 443‑2 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorisation de fourniture est conditionnée à l’existence d’une offre de fourniture de gaz comprenant une part minimale de 60 % de gaz renouvelables, bas carbone ou d’hydrogène au sein du portefeuille des offres commerciales du bénéficiaire de l’autorisation ».

Article 5

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de modifier la fiscalité appliquée aux contrats comprenant une part de gaz renouvelable, bas carbone ou d’hydrogène afin de limiter le surcoût économique pour les ménages.