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N° 1598

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à assurer la continuité pédagogique et le remplacement effectif des enseignants et personnels de vie scolaire,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Léo WALTER, Ségolène AMIOT, Rodrigo ARENAS, Idir BOUMERTIT, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Paul VANNIER, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Farida AMRANI, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ,

Député.e.s.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit à l’éducation est protégé par l’article 26 de la Déclaration universelle des droits humains de 1948. Son premier alinéa stipule ainsi que « toute personne a droit à l’éducation ».

Pourtant ce droit est fragilisé dans notre pays par les années consécutives de casse des services publics. Ces dernières années, l’école est particulièrement touchée par ce phénomène.

Une crise du remplacement entretenue

L’Éducation nationale vit depuis des années à flux tendu en matière de personnel enseignant. Pour répondre à l’exigence de baisse de la masse salariale globale dans la Fonction Publique portée par les gouvernements successifs depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, la réserve de professeurs remplaçants a été délibérément asséchée : cela se « voit » moins que des suppressions de postes « devant élèves ». Les postes de remplaçant sont ainsi devenus la variable d’ajustement d’une dotation globale de plus en plus exsangue.

Selon la Cour des comptes, les absences de courte durée (inférieures à 15 jours) sont les plus fréquentes, et représentent à elles seules près de 2,5 millions d’heures, dont seules un peu plus de 500 000 sont remplacées. Ces absences sont pourtant souvent directement liées à l’organisation du ministère, les cours non assurés pour raisons de service représentant les deux tiers du total ! Les temps de formation et de concertation sont un droit des enseignants, et une nécessité pour l’école : l’institution doit donc instaurer une organisation permettant de les mettre en place sans nuire à la continuité pédagogique.

Un absentéisme imaginaire

Même si les données statistiques fournies par le ministère sont notoirement insuffisantes pour évaluer finement le nombre total d’absences et le taux exact d’absences non remplacées, force est de constater que contrairement aux idées reçues, les enseignants ne sont pas plus absents – et sont même plutôt moins absents – que les autres membres de la Fonction Publique ou que les travailleurs du secteur privé.

Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2021 intitulé « La gestion des absences des enseignants » note ainsi que « la proportion d’enseignants absents pour cause de maladie ordinaire sur une journée donnée est inférieure à celle des salariés du privé et des autres ministères. » En 2019, toujours selon la Cour des comptes, « 2,6 % des enseignants ont été absents au moins un jour pour raison de santé au cours d’une semaine, contre 3,2 % parmi les autres agents de la fonction publique d’État. Ces chiffres sont inférieurs à ceux de la fonction publique territoriale (5,1 %) ou hospitalière (4,6 %), et même du secteur privé (3,9 %). »

Ainsi, hors obligations de service, les enseignants ont été absents en moyenne 2h30 sur une année scolaire, soit moins d’une demi‑journée de travail ! De quoi déconstruire les poncifs mensongers véhiculés sur le sujet.

En réalité, le problème n’est pas le taux d’absence des enseignants, mais bien le manque de moyens prévus pour assurer les remplacements, qu’il est nécessaire – et urgent – d’augmenter.

Ces non‑remplacements à répétition ont fait l’objet de plaintes contre l’État de la part de plusieurs collectifs de parents d’élèves. Ainsi, en Île‑de‑France, le collectif de parents « #OnVeutDesProfs » a recensé l’an dernier plus de 6 500 heures de cours manquantes, et ce en ne recensant que les heures non remplacées dans le secondaire.

De plus, l’effectif des enseignants est source d’inégalités entre les académies. Dans le secondaire, 88 % des établissements de l’académie de Limoges disposaient de tous leurs enseignants en 2022 quand ce chiffre s’élevait seulement à 23 % pour l’académie de Créteil, ou encore à 14,6 % dans celle de Grenoble. Ces disparités constituent une rupture d’égalité manifeste, à laquelle nous souhaitons remédier par cette proposition de loi.

Une nécessité de recrutement

Il y a urgence à prévoir une dotation en postes spécifiquement dédiée aux remplacements, dont les effectifs doivent être prévus en sus du nombre de postes budgétés pour assurer l’encadrement des classes.

Les brigades de remplacement sont sous‑dotées, que ce soit dans le premier ou dans le second degré, et le ministère ne prévoit que des palliatifs insuffisants et provisoires (recrutement de contractuels, prise en charge par des AED) à ce recrutement.

Le nouveau « Pacte enseignant » imaginé par le Gouvernement pour lutter contre cette crise n’est qu’un cache‑misère qui ne résoudra pas le problème de fond du manque de personnel enseignant.

À l’heure actuelle, la crise du recrutement par concours se double de démissions plus nombreuses de la part de jeunes professeurs. Le recrutement temporaire d’enseignants contractuels ayant ses limites, l’unique solution imaginée par les pouvoirs publics consiste donc à reporter sur des enseignants « volontaires » (mais surtout poussés par des salaires bien trop bas à tomber dans le piège du « travailler plus pour gagner plus ») la charge des cours et de l’encadrement pour lesquels les personnels font défaut.

Les solutions envisagées s’avèrent déjà inefficaces, et démontrent s’il en était besoin, la méconnaissance totale du ministre des réalités du métier. « Quand le professeur d’anglais sera absent, c’est le professeur d’histoiregéographie qui pourra le remplacer pour faire un cours dans sa matière. C’est un fonctionnement assez souple » a par exemple expliqué Pap Ndiaye dans Le Parisien le 2 avril 2023. Une hérésie.

Des propositions coconstruites

Les auditions que nous avons menées auprès de l’ensemble des syndicats représentatifs de l’Éducation nationale, mais aussi nos échanges avec des représentants du personnel et des agents administratifs en charge de la dotation horaire globale (DHG) ou de la carte scolaire convergent vers une proportion de 10 % de postes supplémentaires nécessaires pour assurer un taux de remplacement efficace. C’est pourquoi nous proposons que la proportion dont les modalités seront fixées ultérieurement par décret soit équivalente à 10 % du nombre de postes prévus chaque année pour l’encadrement des cours.

L’article premier prévoit une obligation de création d’un nombre minimal d’emplois dédié au remplacement des personnels enseignants et de vie scolaire dans la loi de finances qui ne peut être inférieur à 10 % du nombre d’emplois dans chacune de ces catégories de personnels.

L’article 2 prévoit l’organisation des différentes brigades de remplaçants dans le premier degré.

L’article 3 gage la proposition.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 911‑3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 911‑3‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 91131. – Un nombre d’emplois affecté aux remplacements d’absences de personnels enseignants et de vie scolaire dans les établissements publics d’enseignement du premier et du second degré est déterminé chaque année par la loi de finances. Il est fixé en fonction des effectifs de personnels selon des modalités déterminées par décret et il ne peut être inférieur à 10 % du nombre d’emplois affectés aux personnels enseignants et de vie scolaire. »

Article 2

Après l’article L. 911‑3‑1 du code de l’éducation, tel qu’il résulte de l’article 1er de la présente loi, il est inséré un article L. 911‑3‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 91132. – Les personnels enseignants appartenant aux corps des instituteurs et des professeurs des écoles affectés aux remplacements d’absences de personnels enseignants dans les établissements public d’enseignement du premier degré sont répartis en trois catégories : les titulaires remplaçants de courte durée, les titulaires remplaçants de longue durée, ainsi que les titulaires remplaçants formation continue. Les frais de déplacement nécessaires à l’exercice de chacune de ces fonctions sont pris en charge selon des modalités définies par décret.

« Les titulaires remplaçants de courte durée sont rattachés administrativement à un établissement public d’enseignement du premier degré et interviennent dans un nombre d’établissement limité et dans une zone géographique limitée autour de leur établissement de rattachement. Les titulaires remplaçants de longue durée sont rattachés à une circonscription d’enseignement du premier degré, et peuvent être affectés dans l’ensemble des établissements publics d’enseignement du premier degré de cette circonscription. Les titulaires remplaçants formation continue sont rattachés à un département, et interviennent uniquement dans le cadre des stages et heures de formation des personnels enseignants.

« La répartition des postes de remplaçants entre ces trois brigades de remplacement est prévue chaque année par les directions départementales de l’éducation nationale, en fonction des spécificités de chaque département et du bilan de l’exercice écoulé, effectué en instance avec les représentants du personnel. Elle est soumise au vote du conseil départemental de l’éducation nationale. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.