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N° 1633

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

relative à la lutte contre les nuisances aéroportuaires,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Estelle FOLEST, Guillaume VUILLETET, Cécile RILHAC, Émilie CHANDLER, Dominique DA SILVA,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les nuisances aéroportuaires affectent une proportion considérable de nos concitoyens. En Île‑de‑France, l’organisme Bruitparif estime que 1,9 million d’habitants de la région parisienne subissent une pollution sonore excédant les limites recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la protection de la santé, dont 1,4 million uniquement pour l’aéroport Roissy‑Charles‑de‑Gaulle.

Il est primordial de souligner que cette surexposition sonore engendre non seulement une nuisance, mais représente également un réel enjeu de santé publique. Le coût social du bruit atteint, toujours selon l’Ademe, la somme colossale de 147 milliards d’euros par an, dont 42,6 milliards d’euros pour la seule région Île‑de‑France. Diverses études réalisées dans le cadre du programme de recherche Débats (Université Gustave‑Eiffel) concernant les effets du bruit aérien sur la santé des riverains des aéroports ont démontré qu’une augmentation de 10 dB du niveau sonore est associée à une dégradation de la santé perçue, à une augmentation du risque d’hypertension chez les hommes et à une altération de la sécrétion de cortisol, une hormone liée au stress. Pour chaque augmentation de 10 décibels, on observe une hausse de la mortalité estimée à 18 %, qui peut atteindre jusqu’à 28 % pour l’infarctus du myocarde.

Cette proposition de loi vise à limiter cette exposition en réduisant le nombre de créneaux horaires attribuables et donc le trafic aérien au‑dessus des aéroports les plus fréquentés. De façon plus structurelle, elle tend également à rendre notre politique de lutte contre les nuisances sonores plus efficace en réformant les instruments de financement et les périmètres.

L’article 1er prévoit une limitation du nombre de créneaux horaires attribuables par les coordinateurs des aérodromes du groupe 1 prévu à l’article L. 6360‑1 du code des transports, soit les aérodromes de Nantes‑Atlantique, Paris‑Charles‑de‑Gaulle, Paris‑Le Bourget, et Paris‑Orly. Les populations vivant à proximité de ces aéroports, particulièrement affectées par les nuisances découlant de l’augmentation du trafic aérien, souffrent de l’intensité du trafic. Le plafonnement du nombre de vols, déjà pratiqué à l’aéroport d’Orly, doit être généralisé. Le plafond est fixé par arrêté du ministre des Transports, ce qui assure son adaptation annuelle à l’évolution des nuisances. La baisse continue ces dernières années de l’impact sonore des vols pourrait à terme ainsi justifier un relèvement s’il est prouvé qu’il a un impact positif sur la qualité de vie des riverains.

L’article 2 prévoit un renforcement du pouvoir de sanction de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires. Ce dernier tient notamment compte des recommandations que cette dernière réédite chaque année dans ses rapports depuis 2019. L’autorité constate le manque de clarté de l’article L. 6361‑12 du code de l’environnement qui, en multipliant les catégories de personnes pouvant faire l’objet d’une sanction, déresponsabilise certains acteurs et fait reposer les sanctions presque exclusivement sur les fretteurs et les compagnies aériennes. La définition d’un régime de sanction universel fondé uniquement sur le constat de l’infraction est susceptible de rendre le dispositif plus efficace et dissuasif.

Par ailleurs, le montant relativement faible des amendes conduit les compagnies à arbitrer en faveur de leurs intérêts économiques, au détriment du respect des règles environnementales et de la santé des riverains. Un premier relèvement limité du plafond en 2012 n’a pas permis de remettre en cause cet équilibre d’intérêts. En quintuplant le plafond, l’autorité disposerait d’un instrument réellement dissuasif, notamment en cas de récidive. En contrepartie de ce renforcement, certaines amendes devraient pouvoir être assorties d’un sursis lorsqu’il s’agit d’un premier manquement. L’autorité propose notamment dans ses rapports de ne l’accorder qu’à la stricte condition que la personne sanctionnée présente un plan de mesures correctrices.

L’article 3 envisage des dispositions pour remédier au mauvais calibrage de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, qui doit notamment permettre de financer l’insonorisation des logements des riverains. Si le produit de cette taxe n’est pas plafonné, son affectation à l’objet pour lequel elle a été créée l’est. Le produit de la taxe dépassant ledit plafond est ainsi reversé au budget général de l’État. Or, les besoins en termes d’isolation sont importants et non satisfaits. Cette situation est non seulement peu satisfaisante, mais même absurde au regard de l’objectif de la taxe. Celle‑ci fut créée pour permettre aux riverains d’échapper, du moins partiellement et le plus rapidement possible, à ces nuisances.

L’éligibilité aux aides est réservée aux habitants se situant dans le périmètre du plan de gêne sonore. Ce dernier, conjointement avec le plan de prévention du bruit dans l’environnement et le plan d’exposition au bruit, constituent les principaux instruments de calibrage des politiques publiques en matière de nuisance aéroportuaire. Pourtant, de nombreuses communes limitrophes se plaignent également des nuisances, ce qui doit nous interroger sur les effets de seuils induits par les indicateurs et inciter à une adaptation réglementaire des périmètres ou à la prise en compte de leurs abords. À cette fin, le présent article enjoint le gouvernement à remettre au Parlement un rapport dans les dix‑huit mois.

L’article 4 prévoit une taxe de compensation des nuisances aéroportuaires de 1 % prélevée sur le chiffre d’affaires extra‑aéronautique des aéroports franciliens des groupes 1, 2 et 3, au sens de l’article L. 6360‑1 du code des transports, instaurée chaque année par la loi de finances. Cette taxe vise à alimenter le fonds de compensation des nuisances aéroportuaires des communes riveraines de l’aéroport de Paris–Charles‑de‑Gaulle et de Paris‑Orly. Outre les dotations de l’État, ce fonds repose aujourd’hui uniquement sur une contribution annuelle de la société Aéroports de Paris, sur délibération de son conseil d’administration. La présente disposition vise à transformer cette contribution en taxe introduite chaque année dans la loi de Finances et s’appliquant aux aéroports franciliens, engendrant plus d’équité, de prévisibilité et des fonds supplémentaires pour les communes devant adapter leurs politiques publiques et leurs aides aux nuisances. L’article prévoit un rapport remis tous les deux ans par le gouvernement permettant d’informer les Chambres des politiques mises en place par lui dans le cadre plus large de la lutte contre les nuisances aéroportuaires.


proposition de loi

Article 1er

La sous‑section 2 de la section 4 du chapitre Ier du titre VII du livre V du code de l’environnement est complétée par un article L. 571‑12‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 571–12–1. – Le nombre maximal de créneaux horaires attribuables par les coordonnateurs des aérodromes des groupes 1 au sens de l’article L. 6360‑1 du code des transports est limité par un arrêté du ministre des transports. Cet arrêté est révisé chaque année en tenant compte des nuisances subies par les riverains. »

Article 2

La section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre III de la sixième partie du code des transports est ainsi modifiée :

1° L’article L. 6361‑12 est ainsi modifié :

a) Les cinq premiers alinéas sont supprimés ;

b) Au début du sixième alinéa, sont ajoutés les mots « L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l’encontre de toute personne » ;

2° L’article L. 6361‑13 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– À la première phrase, le montant : « 20 000 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;

– À la seconde phrase, le montant : « 40 000 € » est remplacé par le montant : « 200 000 € » ;

b) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les amendes administratives peuvent être prononcées avec sursis lors de la première infraction. »

Article 3

I. – L’article L. 571‑16 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de dix‑huit mois à compter de la promulgation de la loi n°       relative à la lutte contre les nuisances aéroportuaires, un rapport sur les périmètres du plan de gêne sonore et du plan d’exposition au bruit, portant notamment sur les effets de seuils et leur meilleure prise en compte dans l’attribution du financement des aides aux riverains des aérodromes. »

II. – L’article L. 6360‑2 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « , dans la limite d’un plafond déterminé dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

Article 4

L’article L. 571‑15 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement remet au Parlement un rapport tous les deux ans sur l’impact des nuisances aéroportuaires sur la santé des populations. Ce rapport porte sur la dynamique des connaissances scientifiques et leur prise en compte dans l’évolution des indicateurs et des périmètres des politiques et aides publiques. Il explique les choix du gouvernement en matière de limitation du trafic aérien et de taxation des personnes morales responsables des nuisances. »

Article 5

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.