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N° 1655

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

pour véritablement systématiser les aides et prestations sociales accordées aux personnes en situation de handicap ou atteintes d’affections longue durée dont la situation n’est pas susceptible d’évoluer favorablement,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe JUVIN, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BAZIN-MALGRAS, JeanYves BONY, Ian BOUCARD, Jean-Luc BOURGEAUX, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Patrick HETZEL, Véronique LOUWAGIE, Yannick NEUDER, Christelle PETEXLEVET, Nicolas RAY, Jean-Pierre TAITE, Antoine VERMORELMARQUES, Jean-Pierre VIGIER, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La prise en charge des millions de Français qui souffrent aujourd’hui d’une maladie chronique (Alzheimer, Parkinson…) ou d’un handicap lourd, parfois irréversible, constitue un défi majeur en termes de santé publique, d’accès aux soins et d’égalité des chances.

En 2021 selon la DREES, 6,8 millions (13 %) de personnes de 15 ans ou plus vivant à leur domicile déclarent avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive et 3,4 millions (6 %) déclarent être fortement restreintes dans des activités habituelles, en raison d’un problème de santé. Selon la définition retenue, de la plus stricte qui impose de cumuler ces deux critères, ou la plus large qui prend en compte l’ensemble des limitations et restrictions, on compte entre 2,6 millions et 7,6 millions de personnes handicapées ou dépendantes.

Au‑delà du handicap, avec le vieillissement de la population et le développement des pathologies chroniques, plus de 11 millions de personnes sont atteintes par une affection de longue durée (ALD) – et ce chiffre est en constante augmentation ces dernières années.

Afin de garantir leur inclusion de la société et une bonne prise en charge de leurs besoins spécifiques, des aides et des prestations sociales leurs sont accordées. Celles‑ci se distinguent par leur grande complexité. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, avait notamment l’ambition de simplifier et d’unifier les différents dispositifs destinés aux personnes handicapées.

Mais face à la montagne de formalités administratives à remplir, force est de constater que certains peinent encore à faire valoir leurs droits – d’autant plus dans des délais raisonnables.

À titre d’illustration, les Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) prennent généralement plus de quatre mois pour traiter les dossiers, avec des délais dépassant même six mois dans une dizaine de départements. Et c’est la même rengaine tous les ans. Il en va de même pour les demandes de prise en charge des soins et traitements à 100 % des patients atteints par ALD, qui contraignent les assurés à retourner chez leur médecin traitant remplir fréquemment des formulaires administratifs à destination de la CPAM – au prix d’une consultation et d’une mobilisation du temps médical de professionnels de santé déjà sous tension. Rappelons d’ailleurs que plus de 700 000 personnes en ALD n’ont pas de médecin traitant.

Cette situation est particulièrement aberrante pour les nombreux ayants‑droits dont la santé a une chance infime d’évoluer. Contre toute logique, les personnes concernées se retrouvent ainsi obligées de renouveler systématiquement leurs dossiers si elles souhaitent pouvoir conserver leurs aides. Spécialité française, ces lourdeurs administratives sont une perte de temps généralisée : les bénéficiaires doivent constituer des dossiers similaires en permanence et les administrations retraiter à l’infini des situations qui n’ont pas évolué. Rien qu’à Paris, pour la seule année 2021, l’effectif de bénéficiaires et prévalence standardisées des ALD concerne 410 000 demandes qui ont dû être traitées sur l’année ! Cette situation représente une véritable charge de travail pour l’Assurance maladie. Côté MDPH, en 2021, en moyenne, chaque usager a déposé 2,6 demandes dans l’année, soit un total recensé de 4 380 635 millions de demandes. Souffrant d’un manque chronique de moyens matériels et humains, les MDPH n’ont aujourd’hui pas le luxe de laisser des personnes dont nous connaissons l’irréversibilité de leur handicap, reformuler sans cesse des demandes. Cette reconduction annuelle peut être, par ailleurs, une source de stress et de complexité administrative pour ces personnes et leurs familles, avec le risque d’erreurs, d’oublis et, in fine, de non‑recours aux droits.

Pour contrer ce phénomène, des droits « à vie » ont été ouverts aux personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement pour bénéficier, notamment, de la carte mobilité inclusion (CMI), de l’allocation adulte handicapée (AAH), de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), ou de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Dernièrement, à l’initiative d’une proposition de loi de la majorité sénatoriale, une simplification des démarches d’obtention et de renouvellement de la prestation de compensation du handicap (PCH) a été adoptée. Depuis le 1er janvier 2022, cette prestation est accordée sans limitation de durée lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évolution favorable ou lorsque le taux d’incapacité permanente est supérieur ou égal à 80 % – sous couvert d’une réévaluation tous les dix ans (!). Pour tout handicap inférieur à ces 80 %, le dossier doit être régulièrement renouvelé.

D’autres aides restent soumises au renouvellement de dossiers administratifs à l’instar de la majoration pour la vie autonome ou encore de la pension d’invalidité. De même, la reconnaissance d’ALD étant limitée par la durée du protocole de soins, les renouvellements chez le médecin traitant pour pouvoir prétendre à l’exonération de 100 % sont fréquents – alors même qu’on ne guérit pas encore du diabète ou de la maladie de Parkinson !

C’est pourquoi ces efforts doivent encore être amplifiés et cette proposition de loi vise à permettre à l’ensemble des personnes en situation de handicap et des malades atteints d’une affection de longue durée, dont la situation n’est pas susceptible d’évoluer favorablement, de se voir reconduire automatiquement les prestations et aides dont ils bénéficient chaque année. Cette mesure de bon sens soulagerait non seulement les familles, mais diminuerait le coût administratif pour l’État et la Sécurité sociale.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Pour le handicap ou l’affection de longue durée qui n’est pas susceptible d’évoluer favorablement, et dont la liste est fixée par décret, l’ensemble des droits octroyés sont reconduits automatiquement chaque année.

Article 2

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale résultant de la présente proposition de loi est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.