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N° 1728

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

PROPOSITION DE LOI

tendant à réduire l’étendue de la région Grand Est et
à rétablir la Champagne  Ardenne comme région de plein exercice,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jordan GUITTON, Laurent JACOBELLI, Bénédicte AUZANOT, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Emmanuel BLAIRY, Philippe BALLARD, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Annick COUSIN, Frédéric FALCON, Grégoire DE FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Frank GILETTI, Yoann GILLET, José GONZALEZ, Florence GOULET, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Catherine JAOUEN, Alexis JOLLY, Gisèle LELOUIS, Katiana LEVAVASSEUR, Christine LOIR, Aurélien LOPEZ-LIGUORI, Alexandre LOUBET, Philippe LOTTIAUX, Matthieu MARCHIO, Michèle MARTINEZ, Kévin MAUVIEUX, Nicolas MEIZONNET, Serge MULLER, Kévin PFEFFER, Lisette POLLET, Angélique RANC, Julien RANCOULE, Laurence ROBERT-DEHAULT, Emeric SALMON, Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, Jean-Philippe TANGUY, Bruno BILDE, Caroline COLOMBIER, Nicolas DRAGON, Julie LECHANTEUX, Alexandra MASSON, Pierre MEURIN, Timothée HOUSSIN, Jocelyn DESSIGNY, Edwige DIAZ, Sandrine DOGOR-SUCH,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La fusion qui a donné lieu à la région Grand Est, issue de la loi n° 2015‑29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, est le résultat d’une réforme arbitraire et dépourvue de bon sens, qui suscite toujours mécontentements et incompréhensions.

Cette réforme a créé des entités régionales démesurément étendues ; elle a été réalisée sans véritable étude préalable d’impact et au mépris de l’article L. 4122‑1 du code général des collectivités territoriales qui dispose que « les limites territoriales des régions sont modifiées par la loi après consultation des conseils régionaux et des conseils départementaux intéressés ».

L’augmentation de la taille des régions repose sur une erreur fondamentale qui consiste à croire qu’en agrandissant nos régions, il y aurait davantage d’économies d’échelle. Or, chaque type d’organisation territoriale a une taille optimale, au‑delà de laquelle le manque de proximité de la gestion et les pesanteurs entraînent des surcoûts et des dysfonctionnements.

Le rapport de la Cour des comptes de 2017 est très clair à ce sujet, et dans certaines régions, la fusion n’a permis aucune économie réelle, compte tenu des frais de déplacement et de l’éloignement des centres de décision.

Un rapport du 25 septembre 2019 confirme ce constat et montre que la région Grand Est en est le meilleur exemple, avec 28,3 % d’augmentation des frais salariaux. De son côté, dans le numéro du 25 septembre 2019, le journal l’Opinion concluait que la réforme « décidée sur un coin de table » n’avait pas permis les économies annoncées. Sous le titre « Fusion des régions : les 10 milliards d’euros d’économies promis ont fait pschitt », le périodique visait tout particulièrement la dérive des frais de fonctionnement dans le Grand Est.

I. La région Grand Est : une aberration administrative

Cette réforme initiée par le Gouvernement de Manuel Valls a imposé une fusion arbitraire des anciennes régions. La loi n° 2015‑29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, a réalisé un découpage dénué de cohérence. À tel point que dans le projet de réforme initial, présenté par François Hollande, la région Champagne‑Ardenne devait s’unir à la Picardie et non à l’Alsace et à la Lorraine. L’objectif était seulement de réduire le nombre de régions administratives en France, sans prendre en compte les spécificités des régions historiques ni étudier l’utilité réelle de ce changement.

L’utilité de cette réforme est tout à fait contestable. Si l’un des objectifs annoncés était la baisse des dépenses par la réalisation d’économies d’échelle, il n’a pas été atteint, notamment pour ce qui concerne la région Grand Est. En effet, pour aller de Troyes à Strasbourg, il faut 3h34 en voiture et près de 4h en train alors que, de Troyes à Paris, ces trajets sont respectivement de 1h58 et 1h23. Dans un article paru en 2018, le quotidien L’Alsace révélait que, par rapport au total des trois anciennes régions, les frais de déplacement et de mission de la région Grand Est avaient augmenté de 51 %.

Pour appuyer l’absurdité d’une réforme si peu performante, il convient de souligner qu’avant ce nouveau découpage, l’ancienne région Champagne‑Ardenne fonctionnait très bien d’un point de vue administratif et de gestion.

Par ailleurs, l’ancien découpage de la région Champagne‑Ardenne permettait de mieux prendre en compte ses spécificités démographiques et culturelles qui diffèrent fortement de celles de l’Alsace ou de la Lorraine.

II. Les spécificités de la Champagne Ardenne

Les départements des Ardennes, de l’Aube, de la Marne et de la Haute‑Marne qui composent la région Champagne‑Ardenne ont très peu en commun avec les départements de la Lorraine et de l’Alsace.

La région ChampagneArdenne a des spécificités et ses habitants ont des préoccupations particulières, qui doivent être prises en compte au niveau régional. La région ChampagneArdenne fait partie des espaces que l’INSEE qualifie de peu denses ou très peu denses. Selon l’INSEE, 12,2 % des Champardennais résident dans des communes classées comme « très peu denses ». Beaucoup vivent dans des petites villes, des communes isolées, des campagnes agricoles ou des zones périurbaines mal desservies. Les habitants de la HauteMarne et des Ardennes ne disposent pas de grandes villes attractives et souffrent particulièrement d’un faible degré d’urbanisation et de ses conséquences en matière d’accessibilité aux services.

La majorité des concitoyens souhaite que les compétences régionales soient exercées à une échelle plus proche de leurs préoccupations. Cette proposition vise à rétablir les administrations régionales décentralisées et déconcentrées dans des limites pertinentes, afin d’assurer leur bon fonctionnement et de permettre de mieux répondre aux préoccupations des communautés humaines dont elles ont la charge.

Les derniers sondages menés par l’institut BVA sur l’état des lieux de l’opinion régionale en avril 2019 montrent que les sondés sont très peu attachés à ces nouvelles régions. L’insatisfaction à l’égard du Grand Est atteint 67 % des habitants interrogés de cette région.

Lors de son discours de politique générale, la Première ministre évoquait une « logique de différenciation » des territoires et la nécessité d’adaptation « en fonction des spécificités de chaque territoire ». Dans cette logique et avec la volonté d’une plus grande proximité avec les concitoyens, il semble nécessaire de revenir à une région Champagne‑Ardenne.

III. Un référendum pour rétablir la région ChampagneArdenne

Il est donc proposé d’organiser un référendum afin de consulter la population sur son souhait d’organisation administrative. Il lui sera demandé si elle souhaite que la région Champagne‑Ardenne soit rétablie.

La proposition prévoit en conséquence :

– en son article 1er, les délais dans lesquels le référendum devra se tenir dans les communes composant les anciennes régions de Champagne‑Ardenne ;

– en son article 2, les modifications d’usage du code général des collectivités territoriales afin de rétablir les dénominations des régions, et la modification du code électoral afin de revenir au nombre de conseillers par région tel qu’il existait auparavant ;

– en son article 3, le transfert des biens, droits et obligations aux nouvelles régions ;

 en son article 4, la modification de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 pour y inclure les nouvelles dénominations régionales, et les modalités relatives à la désignation des chefslieux de région ;

– en son article 5, la compensation de la charge financière pour les collectivités territoriales.


proposition de loi

Article 1er

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un référendum est organisé pour demander aux électeurs inscrits dans les départements des Ardennes, de l’Aube, de la Marne, et de la Haute‑Marne, s’ils souhaitent que la région Champagne‑Ardenne soit rétablie.

Article 2

I.  Le II de l’article L. 41111 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« – Alsace – Lorraine ; »

2° Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – Champagne – Ardenne ; »

II.  L’annexe tableau n° 7 du code électoral est ainsi modifiée :

1° La première ligne est ainsi rédigée :

Alsace – Lorraine

120

Meurthe‑et‑Moselle

24

Meuse

8

Moselle

34

Collectivité européenne d’Alsace

58

Vosges

14

 

2° Après la sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

Champagne – Ardenne

49

Ardennes

11

Aube

11

Marne

19

Haute‑Marne

8

 

III. – Si le résultat du référendum mentionné à l’article 1er de la présente loi est positif, les articles 2 à 5 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier de l’année du prochain renouvellement des conseils régionaux. Du 1er janvier à la date du renouvellement, les conseils régionaux de la région Champagne - Ardenne et de la région Alsace - Lorraine seront composés des conseillers régionaux de la région Grand Est élus au titre des sections départementales respectives.

Article 3

Les biens, droits et obligations de la région Grand Est sont transférés aux régions constituées en application de l’article 1er. À défaut d’accord amiable entre les régions sur les modalités de ce transfert, celles‑ci sont déterminées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de ces régions, au plus tard six mois après l’entrée en vigueur de la présente loi. À défaut d’avis émis par une région dans un délai de trois mois à compter de la notification du projet de transfert, son avis est réputé favorable.

Article 4

I. – Au premier alinéa de l’article 31 de la loi n° 2018‑607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, les mots : « Grand Est » sont remplacés par les mots : « Alsace - Lorraine, Champagne ‑ Ardenne ».

II. – Les chefs‑lieux des régions Alsace - Lorraine et Champagne ‑ Ardenne sont fixés par décret en Conseil d’État pris avant le 1er janvier de l’année du prochain renouvellement des conseils régionaux, après avis du conseil régional du Grand Est. Cet avis est réputé favorable s’il n’a pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet de décret par le Gouvernement.

Article 5

La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.