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N° 1803

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un groupement foncier agricole d’investissement,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Éric GIRARDIN,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 1988, la France comptait un million d’exploitations agricoles pour seulement 389 000 en 2020. En dix ans, de 2010 à 2020, la part des chefs d’exploitation et co-exploitants âgés de 50 ans et plus est passée de 52 % à 58 %, quand celle des chefs d’exploitation ayant 60 ans et plus est passée de 20 % à 25,4 %. Or, les installations ne compensent qu’environ deux tiers des cessations d’activité. Même si l’âge moyen de départ à la retraite des non‑salariés agricoles est de 63 ans, 45 % des agriculteurs devraient cesser leur activité d’ici 2026.

Comme l’attestent les chiffres du dernier recensement agricole, un tiers des exploitations ne trouvent pas de repreneur. Parmi celles qui se transmettent, 20 % sont reprises par des repreneurs hors cadre familial ou non issus du milieu agricole. De façon récurrente, le foncier grève fortement le coût d’une reprise et freine les potentiels repreneurs d’exploitation agricole à l’installation.

Les perspectives de taux de remplacement pour les exploitations agricoles montrent que la transmission familiale des exploitations et du foncier sera insuffisante pour assurer le renouvellement des générations. Il est donc crucial de travailler aussi à la reprise des exploitations et du foncier par des candidats dits « hors cadre familial », voire « non issus du milieu agricole » dits « NIMA ».

Ainsi, pour répondre à l’urgence de la préservation de notre souveraineté agricole, de notre indépendance stratégique et à l’impératif du renouvèlement des générations, il apparait indispensable de trouver un modèle transitoire autour du portage du foncier.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à répondre à un enjeu majeur au sein de notre société : la préservation et le développement de notre agriculture. Face aux défis économiques, environnementaux et sociaux auxquels ce secteur est confronté, il est impératif de mettre en place des mesures innovantes et efficaces pour soutenir nos agriculteurs et garantir la pérennité de notre patrimoine agricole.

Dans cette optique, il est proposé la création d’un groupement foncier agricole d’investissement (GFAI), qui permettrait de mobiliser des ressources financières pour l’acquisition et la gestion de terres agricoles. Ce dispositif novateur vise à faciliter l’accès au foncier pour les agriculteurs, tout en ouvrant de nouvelles perspectives d’investissement pour les acteurs économiques intéressés par le secteur agricole.

La mise en place d’un groupement foncier agricole d’investissement offrirait de nombreux avantages. Tout d’abord, il permettrait de favoriser l’installation et le maintien des agriculteurs en facilitant leur accès au foncier, qui constitue un frein majeur à leur installation et à leur développement. En regroupant les ressources financières de plusieurs investisseurs et notamment en mettant en place un système d’appel public à l’épargne, ce dispositif permettrait d’acquérir des terres agricoles de manière collective, garantissant ainsi une gestion durable et cohérente du foncier.

De plus, ce groupement foncier agricole d’investissement offrirait également une opportunité d’investissement responsable et durable pour les acteurs économiques souhaitant soutenir notre agriculture. En permettant à des investisseurs de participer à la préservation et au développement du secteur agricole, cette proposition de loi contribue à renforcer le lien entre l’économie et l’agriculture, tout en favorisant une gestion responsable du patrimoine foncier.

Enfin, la création d’un groupement foncier agricole d’investissement s’inscrit dans une perspective de transition écologique et de préservation de notre environnement. En facilitant l’accès au foncier pour les agriculteurs, ce dispositif favorise le maintien d’une agriculture de proximité, respectueuse des ressources naturelles et des équilibres écologiques.

Si la présence d’investisseurs non familiaux au sein de groupements fonciers agricoles (GFA) familiaux ou de GFA investisseurs est un sujet sensible, ils sont pourtant incontournables pour développer l’installation de nouveaux agriculteurs hors cadre familial. La rentabilité apportée par le fermage est cependant insuffisamment attractive pour élargir le cercle des investisseurs personnes physiques.

Il convient donc de mettre en place des démarches, maitrisées au regard de l’objectif de pérennisation des exploitations agricoles à caractère familial, permettant de saisir les opportunités de mise en vente résultant du choix des exploitants et des propriétaires bailleurs. Elles auraient aussi l’intérêt de résoudre l’impression de certains cohéritiers engagés dans des GFA, d’en être prisonnier, en permettant des ventes sans déstabiliser l’exploitant.

Des initiatives existent. Il peut s’agir de portage temporaire (permettre à un fermier de finir sa carrière suite à la mise en vente par son propriétaire bailleur, décaler dans le temps la charge financière au‑delà des premières années d’installation). Le portage peut être réalisé sur le long terme.

La proposition de GFAI que nous formulons, basée sur le modèle qui a déjà fait ses preuves du groupement forestier d’investissement, permettrait plusieurs avancées par rapport au groupement foncier agricole historique. Sur le plan pratique, cela permettrait :

– d’avoir recours à un appel public à l’épargne ;

– de bénéficier d’une responsabilité des associés limitée à leurs apports ;

– d’ouvrir les groupements à un accueil d’associés extérieurs ;

– de limiter les restrictions en nombre d’investisseurs ;

– de limiter les restrictions en montant d’encours ;

– de créer un modèle avec une fiscalité attractive (droit de mutations à titre gratuit, impôt sur le revenu) inspirée de celle applicables aux GFI.

Ainsi, la présente proposition de loi constitue une réponse concrète et pragmatique aux enjeux auxquels notre agriculture est confrontée. En créant un groupement foncier agricole d’investissement, nous offrons une alternative solide et durable pour soutenir nos agriculteurs, préserver notre patrimoine agricole et favoriser une économie responsable et respectueuse de l’environnement.

Elle devra faire l’objet de discussions en Commission puis en séance publique pour répondre à certaines interrogations notamment concernant les rapports entre les SAFER et les GFAI car pour que le produit soit attractif, il faut assurer une fluidité dans l’achat et la revente des parts sociales.

Par ailleurs, il faut aussi s’assurer que la revente de parts détenues dans un GFAI se fasse sans pouvoir porter atteinte à la réserve d’actifs du GFAI. Enfin, il faudra trouver un modus vivendi concernant les prérogatives dont bénéficient les associés exploitants, notamment au regard de l’article L. 322‑10 du code rural et de la pêche maritime.

À l’issue de son examen, cette proposition de loi constituera une avancée majeure dans la construction d’une agriculture forte, durable et solidaire.


proposition de loi

Article unique

I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la fin du titre du paragraphe 4 de la sous‑section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II, les mots : « et groupements forestiers d’investissement » sont remplacés par les mots : « groupements forestiers d’investissement et groupements fonciers agricoles d’investissement » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 214‑86, après le mot : « forestier », sont insérés les mots : « et les groupements fonciers agricoles d’investissement mentionnés à l’article L. 322‑24 du code rural et de la pêche maritime » ;

3° L’article L. 214‑89 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « et des groupements fonciers agricoles d’investissement » ;

b) Au troisième alinéa, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « et des groupements fonciers agricoles d’investissement ».

II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au 3° du II de l’article L. 141‑1, après le mot : « agricoles », sont insérés les mots : « , des groupements fonciers agricoles d’investissement ».

2° Le chapitre II du titre II du Livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

a) L’intitulé du chapitre est ainsi rédigé : « Les groupements fonciers » ;

b) Au début, est ajoutée une section 1 ainsi rédigée :

« Section 1

« Les groupements fonciers agricoles et les groupements fonciers ruraux

c) Après l’article L. 322‑23, il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Les groupements fonciers agricoles d’investissement

« Art L.32224. – I. – Le groupement foncier agricole d’investissement a pour objet d’exercer les missions prévues à l’article L. 322‑6, ainsi que de lever des capitaux auprès d’investisseurs en vue de les investir dans l’intérêt de ces derniers et conformément à une politique d’investissement que ce groupement ou sa société de gestion définit.

« Le groupement foncier agricole d’investissent est soumis aux règles de fonctionnement prévues aux articles L. 322‑1, L. 322‑6 à L. 322- 10, L. 322‑14 à L. 322‑18 et L. 322‑21.

« II. – Seules peuvent être associées d’un groupement foncier agricole d’investissement les personnes mentionnées aux articles L. 322‑1 à L. 322‑3.

« III. – Lorsque le groupement foncier agricole d’investissement est tenu de donner à bail ses biens sociaux, les apports en numéraire doivent faire l’objet d’investissements à destination agricole au profit du groupement dans le délai de trois ans. Pendant cette période et tant qu’ils ne sont pas utilisés à des investissements correspondant à l’objet social du groupement, ces apports sont versés à un compte bloqué dans un établissement agréé.

« IV. – Les parts sociales du groupement foncier agricole d’investissement peuvent faire l’objet d’une offre au public auprès des personnes mentionnées au II du présent article, dans les conditions prévues aux articles L. 214‑86 à L. 214‑113 du code monétaire et financier, sous réserve des dispositions suivantes :

« 1° Les statuts prévoient au profit des membres du groupement autres que les personnes morales un droit de préférence pour l’acquisition des parts mises en vente. Les statuts peuvent accorder un droit de priorité aux associés participant à l’exploitation des biens du groupement, notamment en vertu d’un bail ;

« 2° À concurrence de 15 % au moins, le capital maximal du groupement, tel que fixé par ses statuts, doit être souscrit par le public dans un délai de deux années après la date d’ouverture de la souscription. À défaut, le groupement est dissout et ses associés sont remboursés du montant de leur souscription ;

« 3° L’ensemble des biens immobiliers du groupement est donné à bail à long terme ;

« 4° L’actif du groupement foncier agricole d’investissement est constitué d’immeubles à usage ou vocation agricole en vue de l’exercice d’une activité agricole définie à l’article L. 311‑1 du présent code et de liquidités ou valeurs assimilées. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions et limites de détention et de gestion de ces actifs.

« V. – Le groupement foncier agricole d’investissement, qui constitue un fonds d’investissement relevant de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, est soumis à l’article L. 214‑24 du code monétaire et financier.

« VI. – Le groupement foncier agricole d’investissement est soumis aux articles L. 231‑8 à L. 231‑21 du code monétaire et financier.

« VII. – Pour application des articles L. 321‑1, L. 411‑1 a L. 412‑1, L. 621‑1, L. 621‑8 à L. 621‑8‑2 et du I de l’article L. 621‑9 du code monétaire et financier, les parts du groupement foncier agricole d’investissement sont assimilées à des instruments financiers.

« VIII. – Pour l’application des articles. L. 621‑5‑3, L. 621‑5‑4 et L. 621‑8‑4 du code monétaire et financier, le groupement foncier agricole d’investissement est assimilé à un organisme de placement collectif.

« IX. – Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers précise les conditions d’exercice de l’activité de gestion du groupement foncier agricole d’investissement. »