N° 1892

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 novembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer une présomption de légitime défense envers les forces de l’ordre dans le cadre de l’exercice de leurs missions,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Emmanuelle MÉNARD,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La question de la présomption de légitime défense pour les policiers, et plus généralement pour les forces de l’ordre, s’introduit régulièrement dans le débat médiatique et politique.

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait affirmé être contre cette extension du domaine de la légitime défense en ces termes : « Je suis opposé à la légitime défense. Donc ça, c’est très clair et c’est intraitable parce que sinon, ça devient le Far West. » 

Outre le fait que cette position laisse entendre que les forces de l’ordre ne seraient pas capables de faire preuve de sang‑froid ou de discernement, ou pourraient utiliser avec une certaine désinvolture leurs armes de service, leur octroyant même, comme entendu dans nos médias, un « permis de tuer », le Président de la République semble ignorer le sentiment d’injustice qu’éprouvent nos forces de l’ordre qui, par exemple, lorsqu’elles ouvrent le feu, sont trop souvent suspectées d’être en faute ; victimes, en quelque sorte, d’une forme de présomption de culpabilité.

En effet, si cette présomption de légitime défense existait, le policier ayant fait feu serait considéré comme ayant agi en légitime défense jusqu’à une preuve spécifique. Une telle disposition inverserait en effet la charge probatoire dans le cadre de la procédure judiciaire, les membres des forces de l’ordre étant ainsi présumés avoir agi en état de légitime défense tant que la partie adverse ne démontre pas le contraire. Cette présomption simple de légitime défense, qui peut donc être renversée, existe déjà dans l’article 122‑6 le code pénal qui prévoit l’existence d’une double présomption pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Dans les faits, cette présomption n’éviterait pas la garde à vue, nécessaire à l’enquête, mais cela éviterait la mise en examen, vécue le plus souvent comme une humiliation par le policier incriminé et comme un véritable désaveu par l’institution policière.

Outre l’image désastreuse qui est renvoyée de nos forces de l’ordre, c’est aussi celle de la Justice qui est affectée, suspectée de partialité. C’est ainsi que l’autorité même de l’État est remise en question par un affaiblissement de celle de nos forces de l’ordre et de notre système judiciaire.

Une telle situation n’est ni tenable ni acceptable.

Il est dès lors urgent de rétablir l’autorité morale de nos forces de l’ordre en leur manifestant clairement le soutien plein et entier de l’État par une reconnaissance de présomption de légitime défense dès lors qu’ils agissent pour assurer la sécurité des Français, mais aussi leur sécurité comme celle de leurs équipiers.

Nous le devons à ceux qui nous protègent nuit et jour au prix, parfois, de leur vie.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à instaurer un principe de présomption de légitime défense au bénéfice des forces de l’ordre dès lorsqu’elles font usage de leurs armes de service dans l’exercice de leurs fonctions.

 


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proposition de loi

Article unique

Après l’article 122‑6 du code pénal, il est inséré un article 122‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 12261. – Est présumé en état de légitime défense tout garde‑champêtre, agent de la police municipale ou nationale, ou militaire de la gendarmerie nationale qui, lors d’une attaque à son encontre ou à l’encontre d’un de ses collègues, fait usage de son arme de service dans l’exercice de ses fonctions, qu’il soit habillé en civil ou revêtu d’un uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité. »