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N° 1950

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à pérenniser le titre-restaurant,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Hadrien CLOUET, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, Mme Francesca PASQUINI, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, Mme Marie POCHON, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Jean-Claude RAUX, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députées et députés.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au 1er janvier 2024, alors que l’inflation alimentaire bat son plein, les cinq millions de bénéficiaires de titres‑restaurant n’auront plus le droit d’acheter des produits non directement consommables – c’est‑à‑dire nécessitant de la cuisson ou de la préparation. C’en sera fini du droit d’acheter des aliments, les cuisiner à domicile et apporter son repas fait maison sur le lieu de travail. Bref, fini de manger sain et pas cher.

En effet, la loi du 16 août 2022 portant des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat avait aménagé une dérogation en ce sens, qui prend fin sous peu, le 31 décembre prochain. Si le groupe La France insoumise plaide pour augmenter les salaires et bloquer les prix imposés par les grands monopoles agroalimentaires, il est urgent de maintenir les rares garde‑fous qui ont été conquis. Celui‑ci en fait partie.

Cette loi de 2022 reposait sur l’idée d’une crise éphémère, et, forte de cette erreur dénoncée à l’époque, étendait l’utilisation des titres‑restaurant à l’ensemble des produits alimentaires pour une durée limitée. Les propositions actuelles de la majorité se contentent d’étendre de quelques mois ce régime d’exception, en repoussant d’un an le couperet. Cependant, la Banque de France prévoit encore une inflation supérieure à 2 % en 2024 et en 2025 – sachant que l’inflation alimentaire est deux fois et demi supérieure à l’inflation générale. De plus en plus de gens sautent des repas au quotidien, la quantité de nourriture achetable avec le salaire ne cesse de diminuer. L’expiration de cette disposition expose ainsi délibérément tous les bénéficiaires aux ravages de l’inflation persistante.

Car en l’état, seuls les grands monopoles privés en sortiront gagnants. Il est illusoire de penser que l’interdiction d’acheter des aliments non consommables via les titres‑restaurant affecterait positivement la fréquentation des restaurants, commerces de détail de fruits et légumes et autres établissements de remise directe. L’importante augmentation des coûts de production ou de fonctionnement pour ces établissements (hausse des prix des matières premières ou de l’énergie) et la constitution de superprofits spéculatifs ont impacté durablement les prix de vente. De sorte, les titres-restaurants ont décroché par rapport au prix d’un déjeuner. Aussi, la fin de cette dérogation profiterait essentiellement à la grande distribution et à l’industrie agro‑alimentaire, qui commercialisent des repas transformés à moindre coût.

La santé de nos compatriotes est en jeu. En effet, la consommation fréquente de plats industriels augmente les risques de maladie cardio‑vasculaire. Accroître de 10 % sa consommation d’aliments ultra‑transformés accroît de 11 % le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), de 12 % le risque de maladies cardiovasculaires et de 13 % le risque de maladies coronariennes. Cette même nourriture ultra‑transformée renforce le risque de symptômes dépressifs récurrents.

L’article 1 pérennise donc le droit d’acheter tout produit alimentaire avec les titres‑restaurant.

L’article 2 désubérise les circuits d’usage des titres‑restaurant. Considérant que ces titres bénéficient de la solidarité nationale, par une exonération de cotisation sociale au bénéfice des employeurs, il est particulièrement cynique que ce dispositif participe à enrichir et promouvoir des plateformes ubérisées. Celles‑ci empochent les cadeaux, mais se soustraient aux cotisations sociales comme aux impôts directs et indirects, tout en refusant de salarier leurs livreurs. Aussi, cet article prévoit‑il l’interdiction d’employer des titres‑restaurant dématérialisés comme moyen de paiement sur lesdites plateformes. 

L’article 3 extrait les titres‑restaurant de la base du « montant net social ». Car depuis l’été dernier, le « montant net social » qui sert de base de calcul pour l’obtention de la prime d’activité ou du revenu de solidarité active (RSA) tient compte des titres‑restaurant. Cela signifie que toute revalorisation des titres‑restaurant peut désormais conduire à diminuer, voire supprimer, une prestation préalablement ouverte au salarié. On paie ainsi le titre sur la fiche de paie, puis sur son compte bancaire, le transformant en pénalité pour les bas salaires.

Au vu des délais de réaction du Gouvernement et de l’urgence d’adopter une mesure en un mois et demi, le groupe La France Insoumise entend ainsi se mettre au service de l’intérêt général avec cette proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 3262‑1 du code du travail est ainsi modifié :

1° La première phrase est ainsi modifiée :

a) Après la deuxième occurrence du mot : « ou », sont insérés les mots : « de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable, » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et de tout commerce de détail alimentaire. » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

Article 2

Le deuxième alinéa de l’article L. 3262‑3 du code du travail est ainsi modifié :

1° Sont ajoutés les mots : « , ou tout commerce de détail alimentaire » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les titres restaurants émis sous forme dématérialisée ne peuvent en aucun cas être utilisés via des entreprises de plateformes de mise en relation par voie électronique telles que définies par l’article 242 bis du code général des impôts. »

Article 3

L’article L. 3262‑1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant net social servant au calcul des prestations sociales et indiqué sur les bulletins de paie mentionnés à l’article L. 3243‑2 du code du travail ne peut comprendre les titres‑restaurant. »

Article 4

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.