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N° 1964

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la démocratie locale et le fonctionnement du conseil municipal,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Frédéric ZGAINSKI, M. Jean-Paul MATTEI, Mme Anne-Laure BABAULT, M. Erwan BALANANT, Mme Géraldine BANNIER, Mme Anne BERGANTZ, M. Philippe BERTA, M. Christophe BLANCHET, M. Philippe BOLO, M. Jean-Louis BOURLANGES, Mme Blandine BROCARD, M. Vincent BRU, M. Mickaël COSSON, M. Laurent CROIZIER, M. Jean-Pierre CUBERTAFON, Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, Mme Mathilde DESJONQUÈRES, M. Laurent ESQUENET-GOXES, M. Olivier FALORNI, Mme Marina FERRARI, Mme Estelle FOLEST, M. Bruno FUCHS, Mme Maud GATEL, M. Luc GEISMAR, Mme Perrine GOULET, M. Frantz GUMBS, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, Mme Sandrine JOSSO, M. Mohamed LAQHILA, Mme Florence LASSERRE, M. Philippe LATOMBE, M. Pascal LECAMP, M. Laurent LECLERCQ, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Aude LUQUET, M. Emmanuel MANDON, M. Éric MARTINEAU, Mme Sophie METTE, M. Bruno MILLIENNE, Mme Louise MOREL, M. Hubert OTT, M. Jimmy PAHUN, M. Frédéric PETIT, Mme Maud PETIT, Mme Josy POUEYTO, M. Richard RAMOS, Mme Sabine THILLAYE, M. Nicolas TURQUOIS, Mme Laurence VICHNIEVSKY, les membres du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) [(1)],

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« À l’heure où nous avons besoin de nous unir, nos maires et plus largement tous nos élus locaux confortent aussi de tout leur dévouement notre cohésion nationale. Il nous faut les aider à agir mieux, parfois, lorsque c’est nécessaire, à adapter les normes, à leur donner plus de liberté, mais laquelle doit aller avec plus de responsabilité et de clarté démocratique », affirmait le Président de la République à l’occasion du 65e anniversaire de la Constitution de la Ve République, le 4 octobre 2023.

La démocratie locale française est en difficulté. Ce constat, développé et étayé par toutes les associations d’élus locaux, doit nous interpeller. Depuis 2020, près de 4 000 élus locaux ont démissionné, signe du fort malaise qui les affecte. Alors que ces élus sont le cœur battant de notre fonctionnement démocratique, ces démissions, révélatrices d’une crise civique qui s’installe, nous obligent à réagir.

Cet essoufflement démocratique est loin d’être une situation passagère et engendre de nombreuses complications. En effet, un nombre grandissant de citoyens ne souhaite plus s’engager en politique, en raison d’efforts financiers personnels qu’ils doivent consentir pour soutenir leurs positions et leurs actions, et d’obstacles temporels et matériels qu’ils rencontrent tout au long de l’exercice de leur fonction. Pourtant, le mandat local est généralement le premier mandat politique par lequel l’engagement nait. N’ayant pas les moyens et les droits de faire vivre leurs idées, les citoyens se détournent de la politique et le système démocratique en est affaibli. Faible participation aux élections, frustration citoyenne de ne plus être associé aux décisions publiques, opacité du fonctionnement du conseil municipal et de la réalité des missions des élus : tels sont les maux auxquels nous sommes confrontés.

Il faut donc agir. Une nouvelle étape de décentralisation est nécessaire et attendue. Cependant, elle ne peut pas être amenée sans un renforcement des pouvoirs de tous les élus locaux, y compris ceux ne faisant pas partie de la majorité des conseils municipaux. Car, si le fonctionnement du conseil municipal est quelquefois opaque pour les citoyens, il est également un forum améliorable. Cette instance a été pendant trop longtemps oubliée des politiques publiques, à tel point qu’elle ne correspond plus aux attentes des Français. Fonctionnement difficile des commissions le composant, espaces d’expression des conseillers municipaux limités, faibles moyens financiers accordés pour leur fonction, méconnaissance globale de la part des citoyens quant à leur rémunération : tant d’enjeux que nous devons adapter à notre temps. Ce texte est une première étape, en complément d’autres travaux liés à la rémunération, à la protection et au statut des élus locaux, visant à revivifier la démocratie locale.

Les mesures de ce texte visent deux objectifs bien précis : faciliter l’exercice et renforcer le rôle des élus locaux constituants le conseil municipal.

Tout d’abord, pour faciliter l’exercice des élus locaux, l’article 1er vise à restaurer les règles pertinentes en vigueur lors de l’épidémie de covid‑19 en permettant à un conseiller municipal de porter deux pouvoirs, et en refixant un quorum d’un tiers des membres lors d’une délibération du conseil municipal. L’article 2 vise à permettre aux conseillers municipaux de disposer plus en amont de la convocation de la tenue du prochain conseil municipal, afin qu’ils puissent mieux s’organiser pour y être présents. Le délai de convocation des conseils municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants est porté à 10 jours au lieu de 3. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, ce délai est porté à 20 jours au lieu de 5. Également, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération qui doit être adressée aux membres du conseil municipal ne doit plus être obligatoirement adressée en même temps que la convocation au conseil municipal, mais au plus tard sept jours francs avant sa réunion. L’article 3 propose que le maire doive informer le conseil municipal de l’attribution de toute délégation de ses fonctions.

Enfin, pour renforcer le rôle des élus locaux, l’article 4 propose de laisser la possibilité aux conseils municipaux de participer au financement des frais se rattachant directement à l’exercice du mandat des conseillers municipaux des communes de plus de 3 500 habitants et de moins de 100 000 habitants. L’article 5 propose que le conseil municipal désigne un président pour chaque commission convoquée, qui n’est pas forcément le maire. Il vise également à instituer obligatoirement une commission relative aux finances de la commune, qui doit être présidée par un élu n’appartenant pas à la majorité, sauf si aucun conseiller n’a déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. L’article 6 propose de nommer dans les communes de plus de 3 500 habitants un questeur, issu des rangs de l’opposition sauf si aucun conseiller n’a déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale, chargé de veiller à la bonne application du règlement intérieur et à la résolution des problèmes matériels et de communication des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. L’article 7 propose d’introduire une saisine de la Cour régionale des comptes par le représentant de l’État à la demande de la moitié des membres du conseil municipal.

 


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proposition de loi

Article 1er

La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 2121‑17 est ainsi rédigé :

« Le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque au moins le tiers de ses membres en exercice est présent. » ;

2° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 2121‑20 est ainsi rédigée :

« Un même conseiller municipal ne peut être porteur que de deux pouvoirs. »

Article 2

La deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article L. 2121‑11, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « dix » ;

2° L’article L. 2121‑12 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « adressé », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « aux membres du conseil municipal au moins sept jours francs avant la réunion du conseil municipal. » ;

b) À la première phrase du troisième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot « vingt » ;

3° À l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 2541‑2, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « dix ».

Article 3

Le premier alinéa de l’article L. 2122‑18 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il en informe le conseil municipal lors de la réunion suivant la publication de l’arrêté de délégation de fonctions. »

Article 4

La section 6 du chapitre III du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2123‑36 ainsi rédigé :

« Art. L. 212336. – I. – Le conseil municipal peut délibérer sur sa participation au financement des frais des membres du conseil municipal qui se rattachent directement à l’exercice de leur mandat. Sont désignés ainsi les frais de documentation ainsi que les frais d’avocats, de notaires, d’huissiers de justice, expert et expert‑comptable.

« Cette délibération peut limiter par année cette participation à un montant maximal par membre du conseil municipal et, s’agissant des frais d’avocats, de notaires, d’huissiers de justice, expert et expert‑comptable, à un nombre maximal de procédures et à un montant maximal de procédures.

« Un tableau récapitulant les actions de frais de fonctionnement des membres du conseil municipal financés par la commune est annexé au compte administratif. Il donne lieu à un débat annuel sur les frais de fonctionnement des membres du conseil municipal. 

« II. – Le montant réel de ces dépenses de frais de fonctionnement ne peut excéder 10 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux membres du conseil municipal en application des articles L. 2123‑23, L. 2123‑24, L. 2123‑24‑1 et, le cas échéant, L. 2123‑22.

« Les crédits relatifs aux dépenses de frais de fonctionnement qui n’ont pas été consommés à la clôture de l’exercice au titre duquel ils ont été inscrits sont affectés en totalité au budget de l’exercice suivant. Ils ne peuvent être reportés au delà de l’année au cours de laquelle intervient le renouvellement de l’assemblée délibérante.

« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de ces dispositions. »

Article 5

L’article L. 2121‑22 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Elles sont convoquées par le maire dans les huit jours qui suivent leur nomination, ou à plus bref délai, sur la demande de la majorité des membres qui les composent. Dans cette première réunion, les commissions désignent un président qui peut les convoquer. »

2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans chaque commune, il est institué une commission chargée d’étudier les questions relatives aux finances de la commune. Dans les communes de 1 000 habitants et plus, le conseil municipal élit à la présidence de cette commission un conseiller n’appartenant pas à la majorité municipale, sauf si aucun conseiller n’a déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. »

Article 6

L’article L. 2121‑8 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le conseil municipal désigne un questeur parmi les conseillers élus n’appartenant pas à la majorité municipale ou, lorsqu’aucun conseiller n’a déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale, parmi les conseillers élus, chargé de veiller à la bonne application du règlement intérieur et à la résolution des problèmes matériels et de communication des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. »

Article 7

Au dernier alinéa de l’article L. 211‑3 du code des juridictions financières, après le mot : « département, », sont insérés les mots : « saisi le cas échéant par la moitié des membres du conseil municipal ».

Article 8

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Anne-Laure BABAULT, M. Erwan BALANANT, Mme Géraldine BANNIER, Mme Anne BERGANTZ, M. Philippe BERTA, M. Christophe BLANCHET, M. Philippe BOLO, M. Jean-Louis BOURLANGES, Mme Blandine BROCARD, M. Vincent BRU, M. Mickaël COSSON, M. Laurent CROIZIER, M. Jean-Pierre CUBERTAFON, Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, M. Romain DAUBIÉ, Mme Mathilde DESJONQUÈRES, M. Laurent ESQUENET-GOXES, M. Olivier FALORNI, Mme Marina FERRARI, Mme Estelle FOLEST, M. Bruno FUCHS, Mme Maud GATEL, M. Luc GEISMAR, Mme Perrine GOULET, M. Frantz GUMBS, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, Mme Sandrine JOSSO, M. Mohamed LAQHILA, Mme Florence LASSERRE, M. Philippe LATOMBE, M. Pascal LECAMP, M. Laurent LECLERCQ, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Aude LUQUET, M. Emmanuel MANDON, M. Éric MARTINEAU, M. Jean-Paul MATTEI, Mme Sophie METTE, M. Bruno MILLIENNE, Mme Louise MOREL, M. Hubert OTT, M. Jimmy PAHUN, M. Frédéric PETIT, Mme Maud PETIT, Mme Josy POUEYTO, M. Richard RAMOS, Mme Sabine THILLAYE, M. Nicolas TURQUOIS, Mme Laurence VICHNIEVSKY, M. Frédéric ZGAINSKI.