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N° 2065

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 janvier 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer la semaine de quatre jours pour les bénévoles,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Bertrand PETIT, M. Boris VALLAUD, M. Joël AVIRAGNET, M. Christian BAPTISTE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Elie CALIFER, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Inaki ECHANIZ, M. Olivier FAURE, M. Guillaume GAROT, M. Jérôme GUEDJ, M. Johnny HAJJAR, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Philippe NAILLET, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRES BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mme Valérie RABAULT, Mme Claudia ROUAUX, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, Mme Mélanie THOMIN, Mme Cécile UNTERMAIER, M. Roger VICOT, les membres du groupe Socialistes et apparentés [(1)],

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’engagement bénévole des Français dans les associations est en chute libre.

En 2022, un Français sur cinq se déclarait bénévole, soit environ 12 millions de personnes. En 2016, c’était un Français sur quatre, soit plus de 15 millions ([1]). Si la baisse du bénévolat liée à la crise du Covid‑19 tend à être résorbée, ce désengagement est une tendance lourde et constante ces dix dernières années. Chez nos voisins européens, comme en Belgique, aux Pays‑Bas, en Irlande ou encore dans les pays scandinaves, plus d’une personne sur trois est bénévole.

Autre constat : c’est chez les actifs (entre 35 et 64 ans) que la proportion de bénévoles est la plus faible. Elle frôle les 18 %, contre 23 % pour les 15‑24 ans et 25 % pour les plus de 65 ans. Ce moindre engagement des personnes en activité s’est aggravé ces dernières années : chez les actifs de 50 ans et plus, il a baissé de 7 points depuis 2010.

La vie professionnelle reste ainsi peu conciliable avec un engagement associatif parallèle et l’intensification du travail rend d’autant plus difficile l’engagement bénévole des personnes actives. Comme le révèle une étude réalisée par la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) des Hauts de France, pour 35 % des engagés seniors, c’est bien le passage à la retraite qui a déclenché cet engagement ([2])

L’allongement des carrières du fait de la récente réforme des retraites devrait donc rendre encore plus tardif l’engagement associatif des Français, et, par conséquent, diminuer d’autant plus le nombre de bénévoles.

Ainsi, c’est la vitalité du tissu associatif français qui est en jeu. 

Conscients des difficultés multiples auxquelles fait face le monde associatif – lourdeurs administratives, notamment pour l’obtention de financements, manque de formation, en particulier pour les fonctions de direction, faiblesse de trésorerie etc. – et des nuisances engendrées par le récent contrat d’engagement républicain – insécurité juridique et financière pour les associations, risque d’arbitraire dans l’attribution de financement etc. – les auteurs de la présente proposition de loi ne prétendent pas pouvoir répondre à l’ensemble de ces défis. Pour autant, ils estiment urgent de soutenir le vivier du monde associatif, à savoir ses bénévoles. 

Afin de promouvoir le bénévolat, et lutter contre son érosion, cette proposition de loi vise donc à soutenir l’engagement des personnes actives en leur permettant de mieux concilier leur vie professionnelle avec leur activité bénévole.

Le bénévolat repose sur un engagement volontaire qui nécessite du temps. En partant du constat que les 21 millions de participations bénévoles représentaient, en 2018, un volume de travail de l’ordre de 587 000 emplois en équivalent temps plein ([3]), on en déduit aisément que si l’on veut favoriser la vie associative et le bénévolat, il est essentiel de dégager du temps pour les personnes engagées.

Le rapporteur de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative, M. Quentin Bataillon le reconnaissait lui‑même : « L’engagement associatif est bien autre chose qu’un loisir : pour de nombreux bénévoles, c’est un choix de vie, qui emporte des conséquences importantes. Or trop souvent, les bénévoles ont l’impression de ne pas être suffisamment accompagnés dans cet engagement et de ne pas en tirer une reconnaissance suffisante » ([4])

En 2017, la loi Égalité et citoyenneté créait, dans cet objectif, le congé d’engagement associatif ([5]). Ce dispositif offre aux salariés le droit de prendre des jours de congé pour exercer leurs fonctions bénévoles en association. Ce droit, qui n’est ouvert qu’aux seuls bénévoles exerçant une fonction de direction ou d’encadrement au sein d’une association d’intérêt général, pour six jours par an seulement et sans solde, était une première étape. Aujourd’hui, il est temps d’aller plus loin. 

Ainsi, cette proposition de loi instaure la semaine de quatre jours pour tout salarié qui exerce des activités bénévoles dans une association. Il s’agit d’un droit opposable dudit salarié bénévole vis‑à‑vis de son employeur afin d’aménager son temps de travail pour disposer d’une journée par semaine. En lui permettant de mener à bien ses activités de bénévoles ou de dirigeant, de participer aux activités administratives de l’association et même de se former à de nouvelles responsabilités, ce temps dégagé pour le salarié bénéficiera directement à la vie de l’association.

L’article 1er ouvre à tout salarié exerçant en parallèle de son activité professionnelle des activités bénévoles ou de volontariat au sein d’une association ou au sein d’une fondation reconnue d’utilité publique, un droit opposable à bénéficier d’un aménagement de son temps de travail pour l’exercice de ses fonctions bénévoles.

L’article 2 ouvre les mêmes droits pour les agents publics, dans le respect de la continuité du service public.

 


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proposition de loi

Article 1er

Après la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée : 

« Section 4 bis

« Aménagement du temps de travail pour les salariés exerçant des activités bénévoles ou de volontariat dans une association ou dans une fondation d’utilité publique

« Sous‑section 1

« Ordre public

« Art. L. 3121521.  I. – Tout salarié à temps complet ou à temps partiel exerçant des activités bénévoles ou de volontariat, au sein d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle ou au sein d’une fondation reconnue d’utilité publique, déclarée depuis un an au moins, bénéficie à sa demande d’un aménagement de son temps de travail.

« II. – L’aménagement du temps de travail des salariés mentionnés au I consiste : 

« 1° Pour le salarié à temps complet, à accomplir la durée légale de travail effectif mentionnée à l’article L. 3121‑27 sur un nombre de jours inférieur de 20 % au nombre de jours usuellement travaillés par semaine, lorsque celui‑ci est égal à cinq ; 

« 2° Pour le salarié à temps partiel, à accomplir la durée de travail mentionnée à l’article L. 3123‑1, sur un nombre de jours inférieur de 20 % au nombre de jours travaillés par semaine figurant dans l’avenant au contrat de travail.

« III. – Les jours travaillés sont choisis par le salarié, en accord avec l’employeur.

« L’aménagement du temps de travail est mis en œuvre dans le mois qui suit la demande du salarié.

« Sous‑section 2

« Champ de la négociation collective

« Art. L. 3121522.  Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir :

« 1° Les modalités d’aménagement du temps de travail sur un nombre de jours inférieur à quatre par semaine ; 

« 2° Un délai de mise en œuvre de l’aménagement du temps de travail inférieur à celui mentionné au III de l’article L. 3121‑52‑1.

« Sous‑section 3

« Dispositions supplétives

« Art. L. 3121523. – Sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionné à l’article L. 3121‑32, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures. »

Article 2

Le titre Ier du livre VI du code général de la fonction publique est complété par un chapitre IV ainsi rédigé : 

« Chapitre IV

« Aménagement du temps de travail pour les agents publics exerçant des activités bénévoles ou de volontariat dans une association ou dans une fondation d’utilité publique.

« Art. L. 61312.  I. – Tout agent public à temps complet ou à temps partiel exerçant des activités bénévoles ou de volontariat au sein d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle ou au sein d’une fondation reconnue d’utilité publique bénéficie à sa demande d’un aménagement de son temps de travail.

« Les agents mentionnés du 1° au 8° de l’article L.6 bénéficient également de l’aménagement de leur temps de travail mentionné au précédent alinéa. 

« II.  L’aménagement du temps de travail des agents publics mentionnés au I prévoit la réalisation : 

« 1° Pour l’agent public à temps complet, de la durée légale de travail effectif mentionnée à l’article L. 3121‑27 du code du travail, sur un nombre de jours inférieur de 20 % au nombre de jours usuellement travaillés par semaine dans le service ;

« 2° Pour l’agent public à temps partiel la durée de travail qui lui est accordée en application de l’article L. 612‑3 sur un nombre de jours inférieur de 20 % au nombre de jours précédemment travaillés par semaine. 

« III.  Les jours travaillés sont choisis par le salarié, en accord avec l’employeur.

« L’employeur est prévenu par l’agent public dans un délai minimum d’un mois avant la mise en œuvre du présent aménagement du temps de travail.

« IV.  La demande mentionnée au présent article peut être refusée par l’employeur pour assurer la continuité du service. »

 

 


([1]) Enquête IFOP pour Recherches & Solidarités, janvier 2023.

([2]) Observatoire régional de la Vie associative Hauts de France, Enquête sur l’engagement des retraités, CARSAT Hauts de France/ URIOPSS Hauts de France, février 2021.

([3]) INSEE, enquête Situation des associations en 2018, traitement INJEP-MEDESI.

([4]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b1925_rapport-fond#_Toc256000006

([5]) Article L. 3142‑54‑1 du code du travail.


[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Joël AVIRAGNET, M. Christian BAPTISTE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Elie CALIFER, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Inaki ECHANIZ, M. Olivier FAURE, M. Guillaume GAROT, M. Jérôme GUEDJ, M. Johnny HAJJAR, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Philippe NAILLET, M. Bertrand PETIT, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRES BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mme Valérie RABAULT, Mme Claudia ROUAUX, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, Mme Mélanie THOMIN, Mme Cécile UNTERMAIER, M. Boris VALLAUD, M. Roger VICOT.