N° 2095

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 janvier 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre l’antisémitisme,  le racisme et les discours de haine,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Laurent MARCANGELI, M. Xavier ALBERTINI, M. Henri ALFANDARI, M. Xavier BATUT, Mme Béatrice BELLAMY, M. Thierry BENOIT, Mme Agnès CAREL, M. Paul CHRISTOPHE, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Félicie GÉRARD, M. François GERNIGON, M. François JOLIVET, M. Loïc KERVRAN, Mme Stéphanie KOCHERT, M. Luc LAMIRAULT, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Didier LEMAIRE, Mme Lise MAGNIER, Mme Naïma MOUTCHOU, M. Christophe PLASSARD, M. Jean-François PORTARRIEU, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, M. Philippe PRADAL, Mme Isabelle RAUCH, M. Vincent THIÉBAUT, M. Frédéric VALLETOUX, M. André VILLIERS, Mme Anne-Cécile VIOLLAND,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 7 octobre 2023, la haine et les agressions antisémites connaissent une recrudescence particulièrement préoccupante. Plus de 1 500 actes antisémites ont ainsi été commis en France entre le 7 octobre et le 15 novembre 2023 seulement, contre 436 actes de ce type recensés pour l’ensemble de l’année 2022.

Les faits d’apologie du terrorisme, en hausse depuis ces dernières années, notamment suite à l’assassinat du professeur Samuel Paty, se sont multipliés à la suite des attaques commises par le Hamas d’une part, et du meurtre de Dominique Bernard d’autre part.

Cette double augmentation des attaques antisémites, d’une part, et des infractions qui relèvent de l’apologie du terrorisme de l’autre, s’inscrit dans un contexte de banalisation des discours de haine, tendance inquiétante tant pour la sécurité de nos concitoyens que pour la cohésion de notre société. Ce constat invite à un durcissement et un élargissement de l’arsenal juridique.

Ces discours de haine, qu’ils soient tenus en public ou en privé, constituent en effet une première étape dans la brutalisation de la vie publique. Ils tendent à banaliser une violence qui pourra ensuite être exprimée par un passage à l’acte pour des délits plus graves ou pour des crimes. Ces derniers sont devenus désormais tellement répandus que l’on ne peut plus attendre que se produisent des atteintes graves à la personne pour prendre de véritables sanctions.

Or l’état du droit n’est plus adapté pour faire face à ces formes de violence verbale ou écrite de plus en plus prégnantes qui mettent à mal le pacte républicain. Un sentiment d’impunité s’est propagé notamment du fait de la clémence des peines encourues en cas d’injures ou de diffamation non publique, en particulier lorsqu’elles ont un caractère discriminatoire. Certaines personnes, parfaitement conscientes qu’elles ne s’exposent qu’à une contravention, ne mesurent pas la gravité et les conséquences que peuvent avoir une lettre ou un message privé contenant des injures à caractère raciste, antisémite ou homophobe.

Notre droit doit assumer une fermeté sans faille en la matière : même dans un cadre privé, de tels propos sont inacceptables. Nous ne pouvons accepter cette violence et en tolérer la banalisation. Le Gouvernement a pris pleinement la mesure de l’urgence à lutter efficacement contre les discours de haine et, le 30 janvier 2023, la Première ministre Elisabeth Borne lançait un plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.

Conformément aux engagements pris par le Gouvernement et afin d’agir et d’envoyer un signal forts aux diffuseurs de haine, la présente proposition de loi vise à constituer en délit les provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire, qui sont actuellement des contraventions, et à les assortir d’une circonstance aggravante si ces infractions sont commises par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ou par une personne investie d’un mandat électif public.

 


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proposition de loi

Article unique

Après la section 3 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, est insérée une section 3 ter ainsi rédigée :

« Section 3 ter

« Des provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire

« Art. 225164. – La provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non‑appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée est punie d’une amende de 3 750 euros.

« Est punie de la même peine la provocation non publique à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap, ainsi que la provocation non publique, à l’égard de ces mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225‑2 et 432‑7.

« Lorsque les faits mentionnés aux premier et deuxième alinéas du présent article sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende. »

« Art. 225165.  La diffamation non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non‑appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée est punie d’une amende de 3 750 euros.

« Est punie de la même peine la diffamation non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap.

« Lorsque les faits mentionnés aux premier et deuxième alinéas sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende. »

« Art. 225166. – L’injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non‑appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée est punie d’une amende de 3 750 euros.

« Est punie de la même peine l’injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap.

« Lorsque les faits mentionnés aux premier et deuxième alinéas sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende. »