N° 2117

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2024.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à assurer la transparence de la Cour des comptes,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI, Mme Isabelle VALENTIN, M. Ian BOUCARD, M. Mansour KAMARDINE, Mme Josiane CORNELOUP,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Sans entrer dans l’exhaustivité de la longue genèse de la Cour des comptes, l’ambition de Napoléon Ier se ventilait en deux principales missions.

D’une part, dénoncer les abus et malversations des ministres ainsi que contrôler leur gestion et, d’autre part, juger l’ensemble des comptables publics du pays.

L’avènement de la Ve république a renforcé considérablement le rôle démocratique de la Cour des comptes en érigeant en un devoir constitutionnellement reconnu l’évaluation des politiques publiques en assistant ainsi le Parlement dans le contrôle du gouvernement.

Très concrètement, aux termes de l’article 47‑2 de la Constitution :

« La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens. »

Par conséquent, la Cour des comptes a véritablement été investie d’une fonction générale et affirmée au service de la démocratie représentative et de l’information des citoyens, en particulier par la publication de ses fameux rapports.

C’est ainsi que cette institution, portée par l’idéal des Lumières, a longtemps incarné un processus de modernisation de notre démocratie en consacrant une transparence de l’action publique et en assurant par la même aux citoyens de demeurer un adversaire résolu de toute forme d’opacité dans l’action publique.

Or, le 4 janvier 2024, soit deux semaines après le vote du projet de loi immigration, sur fond de débats houleux et d’une crise politique aigüe, la Cour des comptes a décidé de publier un rapport sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière alors que celui‑ci devait initialement être publié le 13 décembre 2023.

Pire, le premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Moscovici assuma clairement cette entrave volontaire au débat démocratique en affirmant que : « c’est une décision que j’ai prise personnellement et que j’assume totalement. J’avais programmé de le publier le 13 décembre (…) mais comme nous étions en crise, je n’ai pas voulu interférer avec un vote sous pression du parlement ».

Cela, avant d’ajouter que le rapport « aurait été utilisé dans le débat à mauvais escient ».

En réalité, cette rétention, par la Cour des comptes, de ce rapport, en plein débat au Parlement sur le projet de loi immigration, souffre d’indignité démocratique à plusieurs titres.

En premier lieu, par la teneur même du rapport qui constitue une succession de faits démontrant la faiblesse de l’État et les carences des politiques publiques menées par le gouvernement pour lutter contre l’immigration irrégulière.

À ce titre, le rapport pointe notamment une forte augmentation d’entrées irrégulières sur le territoire national depuis 2015, une efficacité incertaine des politiques visant à lutter contre celles‑ci, le manque de contrôle des personnes interpellées aux frontières intérieures, le manque d’optimisation dans l’organisation des gardes‑frontières, des administrations et juridictions sous pression etc.

En second lieu, par le contexte politique dans lequel se sont tenus les débats au Parlement et, en particulier, l’infinie tension qui a mené au vote solennel extrêmement serré du projet de loi.

Pour l’ensemble des raisons précitées, la présente proposition de loi constitutionnelle vise à imposer une totale transparence des travaux de la Cour des comptes.

À cette fin, son article unique impose, dans le marbre de la Constitution, l’interdiction de la Cour des comptes de procéder à une quelconque rétention d’information qui entraverait la transparence de ses travaux.

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Le premier alinéa de l’article 47‑2 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« À ce titre, la Cour des comptes ne peut procéder à une quelconque rétention d’information faisant entrave à la transparence de ses travaux. »