N° 2121

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 janvier 2024.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à réformer le Conseil constitutionnel,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), Mme Isabelle VALENTIN,

députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ces dernières décennies, le rôle du Conseil constitutionnel a connu une profonde mutation.

Institué par la Constitution de la Ve République, la juridiction était principalement dotée d’une compétence juridictionnelle visant à contrôler la conformité de la loi à la norme suprême afin de réguler le fonctionnement des pouvoirs publics et préserver les droits et libertés consacrés.

Au gré des volontés politiques, traductions des réformes constitutionnelles successives, le champ d’intervention du Conseil constitutionnel s’est élargi jusqu’à confronter, d’une part, la juridiction constitutionnelle à la démocratie et, d’autre part, la souveraineté au contrôle de constitutionnalité.

Au fond, historiquement, comme l’explique le Professeur et constitutionnaliste Michel Tropper, la doctrine interne se ventilait alors entre, d’un côté, les partisans d’un contrôle de constitutionnalité comme émanation de l’expression moderne de la souveraineté et, de l’autre côté, les tenants d’un contrôle de constitutionnalité qui serait antinomique avec l’expression de la souveraineté et donc inacceptable par principe.

Ainsi, sous la IIIe République, la question de la légitimité du contrôle de constitutionnalité était déjà posée avec une certaine acuité tant la loi était érigée comme le nec plus ultra de l’expression de la volonté générale.

Ce faisant, en 1946, la nouvelle constituante portera notamment le projet d’un meilleur équilibre du parlementarisme et consacrera ainsi la création d’un comité constitutionnel aux compétences limitées à l’organisation des pouvoirs publics et à la vérification indirecte de la conformité de la Constitution aux lois votées.

Au surplus, à la critique de la compétence intrinsèque du Conseil constitutionnel s’ajoute une remise en cause de la légitimité même de ses membres.

D’autant qu’en réalité, la dénonciation de la justice constitutionnelle porte, de facto, sur le statut de ses juges et, en particulier, leur mode de désignation.

De surcroît, la juridictionnalisation du Conseil constitutionnel a accentué fortement le discrédit ainsi que la défiance de nos concitoyens envers cette institution dont les membres manqueraient à leur devoir d’impartialité.

Cette défiance des citoyens se mêle à l’incompréhension des décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui apparaissent incontestablement politisées. Effectivement, la validation de l’adoption de la réforme des retraites portée par la majorité adossée à un projet de loi de finances rectificative se heurte à la censure des décisions portées par l’opposition sous prétexte de prétendus cavaliers législatifs, conception purement prétorienne à géométrie et politisation variable.

En tout état de cause, aujourd’hui, l’importance prise par le Conseil constitutionnel dans notre vie démocratique est incontestable tant notre vie politique semble rythmée par les décisions des juges de la rue de Montpensier.

À ce titre, après l’adoption par le Parlement du projet de loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », l’ensemble des français sont suspendus à la décision du Conseil constitutionnel qui pourrait censurer la moitié du texte.

Dès lors, pour toutes les raisons précitées, cette proposition de loi constitutionnelle vise à réformer le Conseil constitutionnel.

À cette fin, l’article 1er vise à écarter toute approche prétorienne des cavaliers législatifs qui constituent souvent des motifs qui fondent la censure du Conseil constitutionnel.

L’article 2 permet de réformer le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel et, en particulier, celle des anciens Présidents de la république. Elle établit une élection des membres.

Enfin, l’article 3 vise à ne plus permettre au Conseil constitutionnel de censurer une mesure législative sur le fondement du cavalier législatif.

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

L’article 61 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de l’exercice de ce contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel ne peut invoquer le fondement de cavalier législatif au soutien de la censure du texte. »

Article 2

L’article 56 de la Constitution est ainsi modifié :

I. – Le premier alinéa est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « dix » ;

2° La troisième, avant-dernière et dernière phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Deux membres sont nommés par le Président de la République, un membre est désigné par l’Assemblée nationale à la majorité des trois cinquièmes, un membre élu par le Sénat à la majorité des trois cinquièmes, trois membres élus par la Cour de cassation et trois membres élus par le Conseil d’État. »

II. – Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« La parité doit être respectée. »

Article 3

Le premier alinéa de l’article 45 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Des lors que le texte définitif a été amendé par des amendements présentant un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis, le Conseil constitutionnel, dans le cadre de l’exercice de ce contrôle de constitutionnalité, ne peut invoquer une irrégularité formelle dit cavalier législatif au soutien de la censure du texte. Seules les irrégularités de fonds peuvent fonder la censure d’un texte adopté par la représentation nationale. »