N° 2174

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre le sida ,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Maxime MINOT, Mme Émilie BONNIVARD, M. Olivier MARLEIX, Mme Nathalie SERRE, M. Hubert BRIGAND, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Michel HERBILLON, M. Stéphane VIRY, M. Victor HABERT-DASSAULT, M. Nicolas RAY, M. Jean-Jacques GAULTIER, Mme Isabelle PÉRIGAULT, M. Pierre VATIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Sylvie BONNET, M. Ian BOUCARD, M. Fabrice BRUN, M. Pierre CORDIER, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), M. Jean-Pierre TAITE, Mme Isabelle VALENTIN, Mme Christelle PETEX, M. Yannick NEUDER, M. Pierrick BERTELOOT, M. Sébastien JUMEL, M. Sébastien CHENU, M. Olivier FALORNI, M. Serge MULLER, M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, M. Bruno BILDE, M. Christophe NAEGELEN, M. Frédéric FALCON, M. Alexis JOLLY, M. Thibault BAZIN, M. Stéphane LENORMAND, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Guy BRICOUT, M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, M. Julien DIVE, M. Éric CIOTTI, Mme Hélène LAPORTE, M. Michel GUINIOT, Mme Béatrice DESCAMPS, M. Kévin PFEFFER, Mme Emmanuelle MÉNARD, M. Matthieu MARCHIO, M. Vincent DESCOEUR,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« La situation exigeait d’espérer dans un univers sans espoir, de prévoir dans un monde sans avenir, de se battre dans un monde sans victoire. C’était à cela qu’on était désormais condamné : agir en vain. » - Les Enfants endormis, Anthony Passeron.

Non agir n’a pas été vain. La mobilisation des soignants et des associations a permis de sensibiliser les populations à risques et d’améliorer les traitements et la prise en charge des patients. Depuis 1982, le sida a causé près de 40 000 décès en France. Après une augmentation des cas diagnostiqués jusqu’en 1994, une diminution s’est amorcée en 1995, fortement accentuée en 1996 avec l’arrivée des multithérapies. Depuis 1998, le nombre de nouveaux cas s’est stabilisé.

Aujourd’hui en France, près de 24 000 personnes ignorent leur séropositivité, et ne sont pas prises en charge, constituant « l’épidémie cachée » responsable de plus de 60 % des nouvelles contaminations. En conséquence, plus de 5 000 nouvelles contaminations au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) par an sont découvertes depuis plus de dix ans, malgré une offre de dépistage et de prévention qui s’est étoffée, mais qui ne bénéficie pas à l’ensemble des populations concernées. Par comparaison, le nombre de personnes ignorant leur séropositivité au Royaume‑Uni était évalué à 13 000 en 2016 par l’agence de santé publique britannique, soit un nombre 46 % inferieur à celui des personnes séropositives non diagnostiquées en France.

Le virus du VIH a été identifié il y 40 ans. Depuis lors, les associations, les industriels et le monde politique se sont mobilisés afin de disposer de traitements efficaces permettant aujourd’hui de vivre avec le VIH. Pourtant, à mesure que la prise en charge du VIH s’est améliorée, le désintérêt relatif du grand public envers la lutte contre cette épidémie s’est accru.

L’émergence d’autres épidémies, combinée à une raréfaction des ressources de notre système de santé tant en ville qu’à l’hôpital nous oblige aujourd’hui à nous interroger sur le futur de la prise en charge des patients atteints du VIH.

Les dix années à venir vont être particulièrement délicates à gérer en termes de ressources pour le système de santé et il convient de trouver des solutions pour la prise en charge des maladies chroniques.

Les dernières données épidémiologiques publiées par Santé publique France révèlent un relâchement de la prévention chez les jeunes et la persistance de fortes vulnérabilités à l’exposition aux infections sexuellement transmissibles (IST) chez les populations les plus à risques.

Ainsi la présente proposition de loi a pour objectif de relever le défi de la prise en charge des patients atteints du VIH, et de réarmer la France pour qu’elle se donne les moyens, à travers la stratégie nationale de santé sexuelle, d’atteindre les objectifs de fin de l’épidémie fixés par l’ONUSIDA.

Le chapitre 1er a pour ambition de renforcer le lien entre la ville et l’hôpital.

Pour cela l’article 1er vise à inscrire dans le code de la santé publique la profession de médiateur en santé, conformément aux recommandations du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales « La médiation en santé : un levier relationnel de lutte contre les inégalités sociales de santé à consolider » remis en juillet 2023 au Gouvernement.

La 4ème recommandation du rapport préconisait en effet de « consacrer l’existence du métier de médiateur.ice en santé, assorti d’un cadre déontologique, par son inscription idoine dans le code de la santé publique et les répertoires métiers. »

En effet aujourd’hui, les médiateurs en santé permettent d’assurer un lien précieux entre la ville et l’hôpital en guidant les patients éloignés du soin (et pas seulement dans le VIH), et en libérant du temps médical (orientation des patients, empowerment…). Or, malgré la remise d’un rapport IGAS au ministre de la santé en juillet 2023, la reconnaissance de cette profession particulièrement importante n’est toujours pas assurée. 

L’article 2 demande au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de créer une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) suivi des patients VIH et dépistage hépatites ROSP afin d’améliorer la rémunération des médecins de ville pour la prise en charge des patients vivant avec le VIH. Le système des rémunérations sur objectif de santé publique (ROSP) est un levier financier efficace pour inciter les médecins généralistes à prendre en charge des patients vivant avec le VIH. En effet, leur prise en charge peut paraître, de prime abord, plus complexe et n’incite pas, en l’absence d’incitation, les médecins généralistes à franchir le pas. Pourtant, celle‑ci relève dans l’immense majorité des cas d’une prise en charge s’apparentant à celle d’un patient chronique. Il semble donc nécessaire de créer une ROSP « suivi des patients vivant avec le VIH » afin que la médecine de ville prenne toute sa place dans la prise en charge des patients vivant avec le VIH. 

L’article 3 approfondit la philosophie du dispositif « 400 postes de médecins généralistes dans les territoires prioritaires » voulue par la Stratégie Nationale de Santé « Ma Santé 2022 ». Il vise à la création de 1000 postes de Médecins Généralistes contractuels à temps partagé entre ville et établissements de santé, sur l’ensemble du territoire (et non pas seulement en zone sous dense), en prévoyant une rémunération attractive et un financement pérenne de ces postes. En plus d’améliorer le lien entre la ville et l’hôpital de manière concrète en contribuant à la coopération territoriale et médicale, ces postes permettent en effet de créer un lien privilégié entre le médecin généraliste en formation et les équipes hospitalières vers qui le praticien de ville peut se tourner en cas de besoin spécifique relatif à la prise en charge d’un patient.

Ce mode d’exercice est particulièrement adapté à la prise en charge des patients vivant avec le VIH où le lien avec l’hôpital est majeur, mais ils peuvent plus largement s’appliquer pour la prise en charge d’autres patients chroniques.

L’article vise donc à généraliser la création de ces postes sur l’ensemble du territoire et prévoit une rémunération plus incitative pour les médecins généralistes contractuels à temps partagé

Le chapitre 2 tend à donner les moyens à la France d’atteindre l’objectif de fin de l’épidémie en 2030 par le biais de trois articles.

L’article 4 prévoit un dépistage systématique du VIH et des IST lors des consultations de prévention aux trois âges clés de la vie. La découverte des cas d’infection au VIH, qui reste tardive dans de nombreux cas, concerne également la population des plus de 40 ans. Le dispositif des consultations aux 3 âges clefs de la vie, votée dans le PLFSS 2023 est ainsi complété en précisant que la santé sexuelle doit entrer dans le contenu des trois consultations et non pas être cantonnée à la seule consultation à 25 ans. 

L’article 5 assouplit, les conditions de délivrance des traitements préventifs de l’infection au VIH, qu’il s’agisse d’une prophylaxie de pré‑exposition (PrEP) ou d’un traitement de post‑exposition (TPE). Afin de tenir compte des inégalités d’accès aux services hospitaliers d’urgence, les premières prises du TPE pourront ainsi être prescrites par un médecin de ville ou délivrées par un pharmacien sans ordonnance, sous réserve de l’information du patient sur le protocole à suivre pour la poursuite efficace du traitement. Compte tenu de la saturation des capacités d’accueil des CeGIDD et des hésitations de certaines personnes à se rendre à une consultation dans ces structures, la première prescription d’une PrEP pourra intervenir à l’occasion d’une téléconsultation sans restriction d’accès. Sous réserve de l’autorisation de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de leur délivrance aux mineurs, les traitements préventifs de l’infection au VIH pourront être prescrits dans les services de santé scolaire du second degré et dans les services de santé universitaires.

L’article 6 enfin revoit le contenu et le format des enseignements de santé sexuelle dans le secondaire en incluant d’avantage la notion de prévention combinée (qui ne se limite pas à la seule utilisation du préservatif comme seul moyen de prévention du VIH). Il prévoit par ailleurs d’associer systématiquement les étudiants en médecine, plus proches des lycéens et utilisant les mêmes modes de communication, en s’appuyant sur le service sanitaire, à l’animation de ces cours d’éducation sexuelle dans le secondaire. 

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

CHAPITRE IER 

RENFORCER LE LIEN ENTRE LA VILLE ET L’HÔPITAL DANS LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS ATTEINTS PAR LE VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE

Article 1er

I. – Le titre IX du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la fin de l’intitulé, les mots : « et assistants de régulation médicale » sont remplacés par les mots « , assistants de régulation médicale et médiateurs en santé » ;

2° Est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V 

« Médiateurs en santé

« Art. L. 43951. – Le médiateur en santé assure l’interface entre les personnes vulnérables éloignées du système de santé et les professionnels intervenant dans leur parcours de santé.

« Il facilite l’accès de ces personnes aux droits prévus au titre I du présent code, à la prévention et aux soins.

« Le médiateur participe à favoriser l’autonomie des personnes éloignées du soin dans le parcours de santé en prenant en compte leurs spécificités. 

« Art. L. 43952. – Peuvent exercer la profession de médiateur en santé les personnes titulaires du diplôme de médiateur en santé, dans des conditions définies par voie réglementaire. »

II. – Le métier de médiateur en santé est inscrit au répertoire des métiers de la fonction publique.

Article 2

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité et l’opportunité de créer une rémunération sur objectifs de santé publique liée au suivi des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine et au dépistage des hépatites.

Article 3 

Sont créés 1 000 postes de médecins généralistes à temps partagé entre la ville et l’hôpital sur l’ensemble du territoire.

Les modalités de financement et de déploiement de ces postes sur le territoire sont définies par décret.

CHAPITRE II 

DONNER LES MOYENS À LA FRANCE D’ATTEINDRE L’OBJECTIF DE FIN DE L’ÉPIDÉMIE EN 2030

Article 4

Le second alinéa de l’article L. 1411‑6‑2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après le mot : « cancers, », sont insérés les mots : « les infections et maladies sexuellement transmissibles, » ;

2° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « et la détection des premières fragilités liées à l’âge en vue de prévenir la perte d’autonomie » sont remplacés par les mots : « la détection des premières fragilités liées à l’âge en vue de prévenir la perte d’autonomie, et proposent, de manière systématique, le dépistage du virus de l’immunodéficience humaine et de l’hépatite C » ;

3° La dernière phrase est supprimée.

Article 5

Après l’article L. 3121‑2‑2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3121‑2‑5 ainsi rédigé :

« Art. L. 312125. – I. – Lorsqu’une situation d’urgence justifie la prise d’un traitement indiqué dans la prévention de l’infection au virus de l’immunodéficience humaine, les premières prises de ce traitement peuvent être prescrites par un médecin de ville ou peuvent être délivrées sans ordonnance par un pharmacien, après information du patient sur le protocole à suivre pour la poursuite efficace du traitement.

« Par dérogation à l’article L. 1111‑5, la personne mineure, qui s’oppose à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale préalablement à la mise en œuvre du traitement prévu au premier alinéa du présent I, est dispensée de se faire accompagner d’une personne majeure.

« II. – Sous réserve de la réalisation préalable des examens nécessaires, la primo‑prescription d’un traitement indiqué dans la prévention de l’infection au virus de l’immunodéficience humaine peut intervenir à l’occasion d’une téléconsultation assurée par un médecin, sans nécessité pour le patient d’avoir été préalablement orienté par son médecin traitant ni d’avoir déjà consulté en présentiel le médecin téléconsultant.

« III. – Sous réserve d’une autorisation par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de l’extension de leur délivrance aux personnes mineures, les traitements indiqués dans la prévention de l’infection au virus de l’immunodéficience humaine peuvent être prescrits par un médecin dans les services de santé scolaire du second degré et les services universitaires et interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé.

« IV. – Les modalités d’application des I, II et III du présent article sont précisées par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé. »

Article 6

Après l’article L. 312‑16 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 312‑16‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312161. – Une information sur l’existence des différents moyens de prévention du virus de l’immunodéficience humaine est dispensée dans les collèges et lycées. Cette dernière présente l’ensemble des moyens de prévention disponibles dans une logique de prévention combinée. Ces séances associent prioritairement les étudiants en santé dans le cadre du service sanitaire des étudiants en santé. »

Article 7

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services