N° 2292

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir une juste concurrence entre les producteurs de betterave français et européens,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Louis THIÉRIOT, M. Éric CIOTTI, M. Thibault BAZIN, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Jean-Luc BOURGEAUX, Mme Marie-Christine DALLOZ, Mme Isabelle PÉRIGAULT, Mme Nathalie SERRE, M. Patrick HETZEL, M. Philippe JUVIN,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les agriculteurs français à travers le mouvement « on marche sur la tête » n’ont qu’un but : interpeller les pouvoirs publics afin que l’on cesse de leur imposer des normes absurdes et contre‑productives.

La surtransposition des obligations issues du droit de l’Union européenne dont la France est malheureusement la championne est en partie responsable du décrochage de compétitivité de notre agriculture et du désespoir de nos agriculteurs.

Dans un espace de libre‑échange, imposer à ses producteurs nationaux des obligations que ses concurrents et voisins européens n’ont pas à respecter relève du suicide économique.

Le zèle bien intentionné du législateur en matière environnementale ne peut se départir de la réalité du monde agricole sans mettre en danger toute une filière. C’est précisément le cas en ce qui concerne la betterave sucrière.

Alors que le droit de l’Union européenne avait explicitement interdit le recours à l’imidaclopride et au thiaméthoxame par enrobage et autorisé l’usage de l’acétamipride par pulvérisation ([1]), la plupart des états de l’Union européenne ont saisi l’opportunité de cette dérogation pour sauver leurs cultures de la jaunisse du puceron.

La France de son côté a interdit le produit autorisé ([2]) et autorisé le produit interdit ([3])… Évidemment, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne ([4]) est venue rappeler à la France son obligation de respecter le droit dérivé de l’Union.

En conséquence, la dérogation accordée aux producteurs de betterave par le ministre de l’agriculture pour enrober les semences avec de l’imidaclopride ou du thiaméthoxame n’a pas été prorogée pour la campagne 2023 ([5]) et le Conseil d’État a annulé les dérogations antérieures ([6]) laissant les producteurs sans aucune solution pour lutter contre la jaunisse du puceron puisque la pulvérisation avec de l’acétamipride autorisée au niveau européen est restée quant à elle interdite en France.

« Pas d’interdiction sans solution », c’est le mot d’ordre à retenir de la colère du monde agricole qui s’exprime depuis l’automne dernier !

La présente proposition de loi entend ainsi autoriser à nouveau les producteurs de betteraves à utiliser les néonicotinoïdes autorisés par le droit de l’Union européenne et utilisés par les États voisins et concurrents de la France.

A noter que contrairement aux affirmations portées par des associations écologistes, « le principe de nonrégression, selon lequel selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » inscrit à l’article L. 110‑1 du code de l’environnement n’a pas de portée normative constitutionnelle et ne saurait contraindre le législateur. Ce que le législateur a fait, il peut le défaire.

En l’occurrence, l’article unique de la présente proposition de loi entend déroger à cet article L. 110‑1 du code de l’environnement en permettant le recours à l’acétamipride par pulvérisation en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières tant qu’aucune solution technique assurant une protection équivalente de la culture de la betterave sucrière à un coût économique acceptable n’aura été trouvée.

 


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proposition de loi

Article unique

Le recours à l’acétamipride par pulvérisation est autorisé en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières dans le respect du droit de l’Union européenne dans des conditions précisées par décret tant qu’aucune solution technique assurant une protection équivalente de la culture de la betterave sucrière à un coût économique acceptable n’aura été trouvée.

 

 


([1])  Règlement RÈGLEMENT (CE) No 1107/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, en particulier son article 53 paragraphe 1

([2])  Article L. 253-8 du code rural et de la pêche

([3])  Arrêté du 5 février 2021 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et de la ministre de la transition écologique autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame

([4])  CJUE, arrêt C-162/21 du 19 janvier 2023

([5])  Décision du gouvernement du 23 janvier 2023

([6])  CE, décision n°450155 et suivants, association Agir pour l’environnement et autres, du 3 mai 2023