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N° 2311

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à abroger les articles 39 et 44 de la loi2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marianne MAXIMI, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Défenseure des droits, les syndicats, les professionnels, les associations d’employeurs, les associations, les militants des droits des enfants, tous et toutes nous alertent sur l’urgence actuelle. Les violations des droits des enfants ne cessent de se multiplier en France. Alors même, que le Président Emmanuel Macron promettait en 2022 que « la protection de l’enfance sera au cœur des cinq années qui viennent », rien de concret n’a été mis en œuvre et le nombre de mineurs placés par l’ASE s’élève en 2023 à près de 380 000.

Le nombre d’enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) a augmenté ces 20 dernières années. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), entre fin 1998 et fin 2021, le nombre de mesures d’aide sociale à l’enfance a augmenté de 40 %. Malheureusement, les moyens financiers et humains supplémentaires sont insuffisants et ne permettent pas de prendre en charge les enfants dans des conditions dignes et humaines.

Face à la saturation des dispositifs d’accueil, les enfants et jeunes étrangers sont pointés du doigt. Alors qu’ils représentent 19 % des enfants et jeunes pris en charge par l’ASE selon la DREES, ils sont accusés d’être les seuls responsables de la saturation des lieux de protection de l’enfance. Cinq départements ont même annoncé suspendre la prise en charge de mineurs non accompagnés (MNA), au motif du manque de places.

La France, en tant que signataire de la Convention internationale des droits des enfants (CIDE) doit respecter un certain nombre de grand principe comme celui de nondiscrimination, et l’accueil et la prise en charge des mineurs est obligatoire, quelle que soit leur nationalité. Il n’y a pas de place pour une protection de l’enfance à deux vitesses dans notre République. La République est responsable de ces derniers et doit à ce titre être à la hauteur des enjeux.

La loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration promulguée le 26 janvier dernier vient pourtant valider cette logique, d’un traitement d’exception pour les mineurs et jeunes majeurs non accompagnés. Par son article 44, elle prévoit une exception à l’obligation de prise en charge par les conseils départementaux, dans le cadre d’un accueil jeune majeur, tous jeunes de 18 à 21 ans qui sortent de l’aide sociale à l’enfance, dès lors qu’ils font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cette mesure est ignoble pour deux raisons.

D’une part, car grâce à cette mesure les prémices de la préférence nationale guettent. Rappelons que l’article 37 de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a supprimé l’ensemble des protections contre les OQTF pour les étrangers à l’exception des mineurs de moins de 18 ans. À ce titre, un majeur ne pourra plus être protégé contre ce type de mesure et faire l’objet d’une OQTF s’il se retrouve dans une situation irrégulière sur le territoire. Par conséquent, un jeune majeur de nationalité étrangère pourra ne plus bénéficier de l’ASE pour la seule raison de sa nationalité. La préférence nationale n’a pas été entièrement épurée du texte par le Conseil constitutionnel.

D’autre part, si elle est appliquée, ce sont des milliers de jeunes majeurs qui seraient privés de ressources, d’hébergement, d’accompagnement et soutien socio‑éducatif, le temps de contester leur OQTF. En effet, sur les 20 000 jeunes qui bénéficient du contrat jeune en octobre 2023, 46 % sont des anciens MNA selon une enquête de Départements de France - Rappelons que près d’une personne sans domicile sur quatre 26 % est un ancien enfant passé (ASE), soit plus de 10 000 personnes - Ce sont près de 10 000 jeunes majeurs qui risquent d’être directement touchés par cette disposition. Cela alors qu’ils sont soit en études, soit en contrat d’apprentissage, soit déjà employés. Mettre en danger l’inclusion sociale de ces jeunes, après que des professionnels de la protection de l’enfance aient travaillé dur pour la construire, est un non‑sens absolu, en plus d’être contraire au principe de non‑discrimination et d’inconditionnalité de la CIDE. Ainsi, nous proposons de supprimer cet article.

L’article 39 prévoit quant à lui que les mineurs puissent faire l’objet d’un relevé d’empreinte et de photos conservés dans un fichier, lorsqu’ils sont suspectés d’avoir participé comme auteurs ou comme complices à une infraction.

Cet article s’inscrit dans le projet politique du Gouvernement qui cherche à faire un amalgame entre délinquance et immigration. Alors même que cet article est passé entre les gouttes de la censure du Conseil constitutionnel, il nous semble remettre en cause les principes même du respect de la liberté personnelle. La Défenseure des droits alertait elle aussi dans son avis du 24 novembre 2023, des risques que faisait courir ce dispositif pour les droits et libertés des enfants et rappelait à ce titre la nécessité de l’intérêt supérieur de l’enfant.

De plus, ce dispositif amalgame à nouveau la délinquance et l’immigration. La situation de particulière vulnérabilité dans laquelle se trouve les MNA ne peut faire l’objet d’une réponse politique répressive et pénale. Ce fichier doit être supprimé.

L’article 1er abroge la disposition ajoutée par l’article 44 de la loi n° 2024‑42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration

L’article 2 abroge le nouvel article L. 142‑3‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

 


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proposition de loi

Article 1er

À la fin du 5° de l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « et à l’exclusion de ceux faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile », sont supprimés.

Article 2

L’article L. 142‑3‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.

Article 3

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.