– 1 –

N° 2355

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à réduire et à aligner la durée d’abattement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur les plus-values immobilières,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe LOTTIAUX, M. Franck ALLISIO, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Pierrick BERTELOOT, Mme Véronique BESSE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Jérôme BUISSON, M. Frédéric CABROLIER, M. Victor CATTEAU, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, M. Frédéric FALCON, M. Grégoire DE FOURNAS, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, M. Christian GIRARD, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Daniel GRENON, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, M. Laurent JACOBELLI, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexis JOLLY, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Matthieu MARCHIO, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Yaël MENACHE, M. Serge MULLER, Mme Mathilde PARIS, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK,

députés et députées.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le secteur du logement est en crise. Crise d’autant plus inquiétante qu’elle est à la fois de l’offre et de la demande, qu’elle impacte le logement libre comme le logement social et qu’aucune perspective de redémarrage à court terme n’apparaît.

La hausse des taux d’intérêt, la règle de 35 % de taux d’effort établie par le haut conseil de stabilité financière et la frilosité des banques, combinées avec les incertitudes économiques, la réduction du champ d’application du prêt à taux zéro décidée par le Gouvernement, la suppression antérieure du soutien à l’accession et le désintérêt croissant pour l’investissement locatif, que la suppression programmée du dispositif « Pinel » va renforcer, indépendamment des imperfections de ce dispositif, concourent à une réduction très sensible de la demande, alors même que de nombreux Français souhaitent devenir propriétaires, si possible d’une maison individuelle.

De l’autre côté, la rareté comme le coût du foncier, qui s’ajoutent à l’augmentation des matières premières subie des dernières années, la réticence de nombreux maires à délivrer de nouveaux permis de construire dans un contexte incertain du fait du « zéro artificialisation nette », comme le renforcement des contraintes administratives sur la construction ont conduit à une baisse drastique de l’offre, qui risque de durer compte tenu du faible nombre de projets de construction prévu.

S’ajoute la question des diagnostics de performance énergétique, l’obligation de travaux pour nombre de logements risquant d’en sortir des dizaines de milliers du marché de la location dans les prochaines années.

Cette situation a un triple impact potentiel :

– économique, avec les menaces qu’elle fait peser sur le secteur de la promotion et du bâtiment, qui pourraient conduire à des suppressions d’emplois en nombre important ;

– social, dans la mesure où la crise de la construction concerne à la fois le logement libre, mais aussi le logement social, avec une rotation bien moindre et des demandeurs de plus en plus nombreux ;

– budgétaire, la baisse des ventes ayant un impact direct sur les droits de mutation à titre onéreux perçus par les collectivités locales, et notamment les départements, et aussi sur les recettes de TVA de l’État.

Une action d’ampleur et urgente serait nécessaire pour éviter cette crise, indépendamment de mesures structurelles à plus long terme que la situation actuelle du logement appelle dans notre pays.

Concernant le foncier, les acteurs du secteur s’accordent à constater sa rareté, et de facto son coût élevé. Or, la situation actuelle des abattements sur les plus‑values immobilières (hors résidence principale) renforce cette difficulté.

Cette plus‑value est actuellement taxée à 19 % au titre de l’impôt sur le revenu et à 17,2 % au titre des prélèvements sociaux (9,2 % de contribution sociale généralisée (CSG), 7,5 % de prélèvement de solidarité et 0,5 % de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)). Le régime introduit en 2011 conduit à un abattement total en matière d’impôt sur le revenu au bout de 22 ans, contre 15 ans précédemment. Parallèlement, l’abattement total sur la CSG et le prélèvement de solidarité est obtenu au bout de… 30 ans. Outre l’incohérence des deux régimes, ces durées entretiennent un phénomène de rétention foncière, alors même que le besoin de disposer de terrains constructibles est particulièrement fort.

La situation actuelle est la suivante :

 

Durée de détention

Taux d’abattement par année de détention

Impôt sur le revenu

Prélèvements sociaux

Jusqu’à 5 années

0 %

0 %

De la 6e à la 21è année

6 %

1,65 %

22 année révolue

4 %

1,6 %

Au‑delà de la 22e année

Exonération

9 %

Au‑delà de la 30è année

Exonération

Exonération

 

La présente proposition de loi a donc pour objet d’harmoniser ces durées d’abattement en les ramenant à 15 ans, qui était la durée exigée avant 2011 en matière d’impôt sur le revenu, ce qui aurait pour effet de libérer du foncier, particulièrement en cette période de crise. Cette durée de 15 ans serait déjà assez conséquente au regard de ce qui existe chez plusieurs de nos voisins européens (exonération totale au bout de 5 ans en Italie ou en Belgique ou 10 ans en Allemagne).

Dans le récent rapport d’une mission d’information de notre Assemblée sur la dépense fiscale et budgétaire en faveur du logement, l’un des deux rapporteurs indiquait d’ailleurs qu’« une réflexion pourrait être menée sur la durée à partir de laquelle les mutations à titre onéreux ne sont plus soumises à l’impôt sur la plusvalue, notamment en vue de lutter contre les phénomènes de rétention foncière. », soulignant que « Aligner et réduire à 15 ans les délais de détention ouvrant droit à l’exonération des plusvalues immobilières pourrait être une idée pertinente. ».

Certes, un autre rapport parlementaire sur la fiscalité du patrimoine suggérait de remplacer l’abattement par plus‑value modulée par une actualisation de la valeur d’acquisition. Pour pertinente qu’elle soit intellectuellement, cette mesure nécessiterait une mise en œuvre progressive, et ne répond pas à l’urgence imposée par la situation actuelle du secteur.

La présente proposition de loi s’articule donc autour de trois articles :

L’article 1er vise à revenir, pour l’impôt sur le revenu, au régime d’avant 2011, avec un abattement total au bout de 15 ans.

L’article 2 entend aligner le prélèvement au titre de la CSG sur les mêmes règles d’abattement, en supprimant les règles spécifiques qui menaient à une durée de 30 ans. Il convient de mentionner que le prélèvement de solidarité, conformément aux dispositions du code général des impôts, répond aux mêmes règles d’abattement que la CSG, ce qui conduit à ne pas prévoir de dispositions particulières le concernant.

L’article 3 concerne le gage de cette proposition, tout en sachant que, si elle a certes un coût budgétaire en termes de recettes, cette perte est étalée dans le temps et, parallèlement, l’État, comme les collectivités et les organismes de sécurité sociale, bénéficieront de la relance de la construction à laquelle cette mesure contribuera.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Les cinq premiers alinéas du I de l’article 150 VC du code général des impôts sont remplacés trois alinéas ainsi rédigés :

« I. – La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC est réduite d’un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième. 

« La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés à l’article 150 UA est réduite d’un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la deuxième.

« Pour l’application des abattements mentionnés aux deux alinéas du présent I, la durée de détention est décomptée : »

Article 2

Les trois premiers alinéas du 2 du VI de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« 2. Pour la détermination de l’assiette de la contribution portant sur les plus-values mentionnées au 1, autres que celles mentionnées à l’article 150 UA du code général des impôts, il est fait application de l’abattement mentionné au premier alinéa du I de l’article 150 VC dudit code.

« Pour l’application de l’abattement, la durée de détention est décomptée selon les modalités prévues aux 1° à 3° du I du même article 150 VC. »

Article 3

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts ;

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité́ sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.