N° 2371

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre le frelon asiatique,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Charles LARSONNEUR,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le frelon asiatique (Vespa Velutina) espèce d’hyménoptère de la famille des vespidae originaire d’Asie aurait été introduit accidentellement en France en 2004 via des importations de poteries chinoises. Observée pour la première fois en Lot‑et‑Garonne, l’espèce a peu à peu colonisé l’ensemble du territoire français et a commencé à s’étendre à d’autres pays d’Europe : Allemagne, Angleterre, Belgique, Italie, Espagne et Portugal.

Aujourd’hui, sa multiplication exponentielle semble hors de contrôle et aucun plan de lutte n’a, à ce jour, permis de limiter cette propagation.

Si le frelon asiatique représente un danger pour l’humain – plusieurs dizaines de décès par piqure sont recensés en France ‑, c’est le secteur apicole qui est aujourd’hui particulièrement menacé par cette prolifération. En effet, les abeilles constituent les deux tiers du régime alimentaire du frelon asiatique et des milliers de ruches ont disparu, victimes d’attaques du nuisible.

Au‑delà de l’apiculture, l’agriculture et l’ensemble de la biodiversité sont aussi affectés par l’invasion du frelon asiatique qui décime les espèces pollinisatrices.

Afin de lutter contre cette menace, plusieurs mesures ont été adoptées au niveau national et communautaire. Le frelon asiatique est ainsi classé comme espèce exotique envahissante préoccupante par l’Union européenne dans le règlement d’exécution (UE) 2016/1141 du 13 juillet 2016, conformément au règlement (UE) n° 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil. L’arrêté du 26 décembre 2012 classe quant à lui l’espèce dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l’abeille domestique. Cette classification implique que l’élaboration et le déploiement d’une stratégie nationale de prévention, de surveillance et de lutte vis‑à‑vis de ce danger sanitaire est de la responsabilité de la filière apicole, l’État pouvant apporter son appui sur le plan réglementaire (article L.201‑1 du code rural et la pêche maritime).

En 2017, le ministère de l’environnement, dans un rapport portant sur la stratégie nationale concernant les espèces exotiques envahissantes, considérait comme nécessaire l’adoption de « mécanismes nationaux » pour répondre à l’invasion des frelons asiatiques.

Le 4 novembre 2019, la proposition de résolution n° 2370 invitait le Gouvernement à engager un plan de lutte, de surveillance et de prévention contre les espèces exotiques envahissantes et proposait d’engager un plan de lutte, de surveillance et de prévention contre les espèces invasives fondé sur quatre mesures :

– un programme de recherche alternatif aux traitements pesticides s’appuyant sur les prédateurs naturels autochtones des dites espèces invasives exotiques ;

– des programmes coordonnés de lutte, mettant en synergie les différents services de l’État concernés pour développer des techniques de piégeage et de destruction ;

– une stratégie de communication et d’information des populations, des communes, des professionnels et des particuliers ;

– la révision et la mise à jour de la liste des dangers sanitaires au titre du code rural afin de permettre à l’autorité administrative de définir des actions de surveillance, de prévention et de lutte comme le prévoient les articles L. 201‑4 et L. 201‑5 du code rural et de la pêche maritime ou d’approuver dans les conditions prévues à l’article L. 201‑12 un programme volontaire collectif d’initiative professionnelle.

Si des initiatives ont déjà été être prises dans certains départements, le plus souvent à l’initiative des collectivités locales, la propagation du frelon asiatique est aujourd’hui plus rapide que la montée en puissance et l’efficacité de tout plan de lutte qui demeure désorganisé.

Il semble donc indispensable que l’État organise dans chaque département une réponse coordonnée avec l’ensemble des parties prenantes : filière apicole, groupements de défense sanitaire, collectivités locales, établissements publics de coopération Intercommunale, entreprises, particuliers.

La présente proposition de loi vise donc à mettre en œuvre simultanément un ensemble de dispositifs qui, ensemble, permettront de lutter plus efficacement contre ce fléau que constitue le frelon asiatique.

L’article 1er constate que l’arrêté du 26 décembre 2012 classant le frelon asiatique comme danger sanitaire de deuxième catégorie n’est aujourd’hui plus suffisant et propose de classer le frelon asiatique en danger sanitaire de première catégorie afin de rendre obligatoire, pour l’intérêt général, la mise en œuvre de mesures de prévention, de surveillance et de luttes.

L’article 2 désigne l’État comme acteur principal et responsable de la lutte contre le frelon asiatique et les espèces invasives exotiques en lien avec la filière apicole, les groupements de défense sanitaire, les collectivités locales et les Établissements Publics de Coopération Intercommunale, les entreprises, les particuliers.

L’article 3 permet à tout particulier de signaler la présence d’un nid de frelons asiatiques sur sa parcelle et de demander à la préfecture sa destruction.

Les articles 4 et 5 concernent la mise en place de plan de lutte au niveau de chaque département.

Ces articles proposent de fixer des plafonds de déclenchement à la fois pour le plan de lutte collective, mais aussi pour le plan de lutte obligatoire. Ces plafonds ont volontairement été positionnés à un nombre de nids rapidement atteint car le dispositif de lutte obligatoire, obligeant à la déclaration du nid et à l’organisation de sa destruction, doit être privilégié pour parvenir à l’efficacité recherchée.

L’article 6 met les frais engendrés par cette lutte contre le frelon asiatique à la charge de l’État.

L’article 7 met en place un dispositif d’indemnisation en cas de dommages causés aux ruchers qui pourraient être dus à une attaque de frelons asiatiques.

L’article 8 engage le Gouvernement à remettre un rapport d’évaluation de l’efficacité des mesures de lutte contre le frelon asiatique.

L’article 9, le « gage » vise à créer une taxe additionnelle pour compenser les dépenses de cette loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

Par arrêté du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, le frelon asiatique est classé en danger sanitaire de première catégorie aux termes de l’article L. 201‑1 du code rural et de la pêche maritime.

Article 2

L’État peut mettre en œuvre, par l’intermédiaire des préfectures et en lien avec la filière apicole, les groupements de défense sanitaire, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les entreprises et les particuliers, des mesures préventives visant à faciliter la lutte biologique.

Les mesures susceptibles d’être prises pour lutter contre la prolifération du vespa velutina sont les suivantes :

1° La surveillance de la présence de cette espèce sur le territoire et l’évaluation de son impact sur la santé humaine et les milieux ;

2° La prévention du développement et de la prolifération de cette espèce ;

3° La gestion et l’entretien de tous les espaces où se développe ou peut se développer cette espèce ;

4° La destruction de spécimens de cette espèce sous quelque forme que ce soit au cours de leur développement, dans des conditions permettant d’éviter leur dissémination et leur reproduction ;

5° L’information du public, notamment sur les résultats de la surveillance mentionnée au 1°, sur les effets sur la santé humaine associés à cette espèce et sur les mesures de prévention et de lutte contre cette espèce ;

6° La valorisation et la diffusion des connaissances scientifiques relatives à cette espèce et à son impact sur la santé humaine et les milieux ainsi que la réalisation des travaux et recherches et, le cas échéant, de leurs applications ;

7° La valorisation, la diffusion et la coordination des actions de prévention, de lutte, de formation et d’information menées sur l’ensemble du territoire.

Article 3

Tout occupant légal d’une parcelle au sein de laquelle se trouve un nid de frelons asiatiques est tenu de procéder à la déclaration de ce nid auprès de la préfecture.

Article 4

Dans chaque département, le préfet peut déclencher un plan de lutte collective contre le frelon asiatique lorsque cinq cents nids sont détectés sur le territoire départemental.

Article 5

Dans chaque département, le préfet peut déclencher un plan de lutte obligatoire contre le frelon asiatique lorsque mille nids sont détectés sur le territoire départemental.

Article 6

Les frais engendrés par les mesures de police administrative prises en application de la présente loi, notamment les mesures de destruction, sont à la charge de l’État.

Article 7

Un dispositif d’indemnisation est mis en place en cas de dommages causés aux ruchers par une attaque de frelons asiatiques. Les personnes physiques ou morales exerçant une activité agricole au sens de l’article L. 311‑1 du code rural et de la pêche maritime peuvent déposer auprès du préfet de département du lieu de survenance du dommage une demande d’indemnisation. Cette demande doit être formulée dans un délai de quarante‑cinq jours à compter de la date de survenance de l’attaque supposée.

Article 8

Dans un délai de douze mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’efficacité des mesures mises en place dans chaque département afin de lutter contre le frelon asiatique.

Article 9

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.