N° 2394

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à garantir le retour à l’équilibre budgétaire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie-Christine DALLOZ, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Patrick HETZEL, M. Xavier BRETON, M. Nicolas FORISSIER, Mme Sylvie BONNET, Mme Anne-Laure BLIN, Mme Justine GRUET, M. Hubert BRIGAND, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Pierre VATIN, M. Éric PAUGET, Mme Frédérique MEUNIER, Mme Josiane CORNELOUP, M. Vincent SEITLINGER, Mme Nathalie SERRE, M. Yannick NEUDER, M. Marc LE FUR, M. Jean-Jacques GAULTIER, M. Stéphane VIRY, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Emmanuelle ANTHOINE, Mme Annie GENEVARD, M. Julien DIVE, Mme Christelle PETEX, M. Philippe JUVIN,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis près de cinquante ans, les lois de finances présentées par les gouvernements successifs, puis adoptées par le Parlement, sont en déséquilibre.

Ce déficit, limité dans les années 1970, n’a cessé de croître au cours des années 1980 sous l’effet de l’enracinement d’une doctrine budgétaire, fondée sur l’idée du déséquilibre soutenable fixé à 3 % du produit intérieur brut (PIB).

Si l’endettement de l’État représentait 20 % du PIB français en 1980, il était de 99,6 % en 2019 et a continué de se creuser pour atteindre 109,7 % en 2024.

Le déficit de l’État est donc devenu récurrent, malgré le processus de surveillance budgétaire européen, imposé par le traité de Maastricht, en vue de la réalisation de l’Union économique et monétaire.

Un déficit aussi élevé s’explique en grande partie par un dérapage incontrôlé de la dépense publique ces dernières années : actuellement, le taux de dépenses publiques de la France à hauteur de 55,9 % est supérieur de 8 points à celui de la moyenne de la zone euro.

Le poids de la dépense publique n’aura donc jamais été aussi élevé que sous le quinquennat de M. Emmanuel Macron : il est aujourd’hui deux fois supérieur à ce qu’il était en 2019.

La dette publique française dépasse désormais les 3 000 milliards d’euros, un record absolu. Une dette dont le poids ne cesse de croître : la charge des intérêts de la dette est en train d’exploser. Elle était de 31 milliards d’euros en 2021, elle pourrait grimper à 57 milliards d’euros en 2024 et dépasser les 81 milliards d’euros à l’horizon 2027. C’est devenu, et de loin, le poste de dépense le plus important de l’État !

À ce titre la Cour des comptes écrit, dans son rapport public annuel pour 2024, que : « Deux ans après la sortie la crise sanitaire, la France reste ainsi l’un des pays de la zone euro dont la situation des finances publiques est la plus dégradée et dont les objectifs de rétablissement sont les plus étalés dans les temps ».

La maîtrise de la dépense publique est donc la clé de l’assainissement des comptes publics et la question de l’endettement un enjeu de souveraineté majeur pour notre pays.

Malgré ce constat jugé « préoccupant » et « sérieux », par le premier magistrat de la Cour des comptes, tous les efforts budgétaires du Gouvernement actuel semblent remis à plus tard.

La loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 en est un exemple des plus frappant : un budget insincère, avec des hypothèses macroéconomiques volontairement surévaluées, un déficit à 4,9 % du PIB, des dépenses publiques qui continueront de progresser en 2024 davantage que recommandée par l’Union européenne et une simple stabilisation de la dette au lieu du désendettement espéré.

Les efforts du Gouvernement sont donc dérisoires à tel point que la réduction de la dette, de seulement 4 points d’ici 2027, est qualifié « d’homéopathique » par le président du Haut Conseil des finances publiques.

On estime qu’à ce rythme, il faudrait plus d’un demi‑siècle pour revenir sous les 60 % d’endettement préconisé par le Traité de Maastricht.

Par ailleurs en raison de la levée fin 2023 de la clause dérogatoire, permettant la suspension temporaire des obligations prévues par le Pacte de stabilité et de croissance en cas de crise généralisée affectant les finances publiques de plusieurs États membres, il existe des risques de sanctions prochaines pour déficit excessif.

Si la France souhaite rattraper son retard par rapport à ses partenaires européens et retrouver le chemin de la compétitivité, elle doit impérativement maîtriser son niveau de prélèvements obligatoires, réduire son déficit et s’astreindre à résorber progressivement sa dette.

L’allègement du poids de la dette permettra notamment à l’État de trouver les ressources financières propres à assurer de façon plus efficace ses missions régaliennes et de préserver l’équilibre de nos institutions.

Cette impérieuse nécessité passe obligatoirement par le vote en équilibre du budget de la Nation, une sagesse à laquelle se sont déjà ralliés certains pays de la zone euro.

En juin 2009, la coalition allemande a inscrit dans la Loi fondamentale une nouvelle règle selon laquelle l’État fédéral ne pourrait plus s’endetter, à compter de 2016, qu’à hauteur de 0,35 % du PIB chaque année. L’ampleur du déficit de notre pays est telle que la fixation d’un objectif daté et chiffré de réduction inscrit dans la Constitution mérite d’être sérieusement envisagée, ce serait un signal politique clair et volontaire.

Seule la Constitution, norme fondamentale gardienne des institutions de la République, est de nature à porter des règles plus contraignantes sur le solde budgétaire et le niveau des dépenses publiques.

Dans une note rédigée pour la Fondation de l’innovation politique, intitulée « Réduire la dette grâce à la Constitution », l’économiste Jacques Delpha a d’ailleurs préconisé une règle budgétaire d’équilibre à compter de 2018.

Cette échéance étant largement dépassée, et en raison des nombreux efforts devant encore être accomplis pour ce faire., l’horizon 2030 paraît être une échéance salutaire.

Tel est l’objet de la proposition de loi constitutionnelle que nous portons à votre connaissance.

 

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

I. – Le dix‑huitième alinéa de l’article 34 de la Constitution est complété par une phrase rédigée :

« Dans les conditions prévues par la même loi organique les projets de loi de finances ne peuvent être ni présentés, ni adoptés en déficit ».

II. – Les dispositions du I entrent en vigueur à compter de 2030.