N° 2493

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à favoriser l’emploi des séniors,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Thibault BAZIN, M. Éric CIOTTI, Mme Annie GENEVARD, Mme Emmanuelle ANTHOINE, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Sylvie BONNET, M. Hubert BRIGAND, Mme Josiane CORNELOUP, M. Vincent DESCOEUR, M. Julien DIVE, M. Francis DUBOIS, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, M. Philippe GOSSELIN, Mme Justine GRUET, M. Victor HABERT-DASSAULT, M. Patrick HETZEL, M. Philippe JUVIN, Mme Véronique LOUWAGIE, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), Mme Frédérique MEUNIER, M. Yannick NEUDER, M. Éric PAUGET, Mme Christelle PETEX, M. Nicolas RAY, M. Vincent SEITLINGER, Mme Isabelle VALENTIN, M. Pierre VATIN, M. Stéphane VIRY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, 16 % des personnes âgées de 55 à 69 ans ne sont ni en emploi ni à la retraite en 2021 ([1]). Cette part augmente par ailleurs à l’approche de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, pour atteindre 28 % des seniors de 61 ans. Il s’agit donc d’un phénomène important et spécifique auquel il nous faut apporter une réponse.

De plus, il convient de souligner que les personnes de 55 à 61 ans n’étant ni en emploi ni à la retraite sont majoritairement des femmes (59 %) et sont le plus souvent peu ou pas diplômées : 42 %, soit deux fois plus que les personnes en emploi aux mêmes âges ([2]). Ces inégalités face à l’emploi, déjà rencontrées tout au long de la carrière, doivent être combattues, notamment chez les séniors, car elles constituent une source d’inefficacité économique et une entaille au pacte républicain.

Lors des débats ayant conduit à l’adoption de la loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (LFRSS 2023), plusieurs freins à l’emploi ont été identifiés, dont deux ont été jugés particulièrement significatifs. Il s’agit :

– premièrement, de l’âge élevé de mise en retraite d’office, qui peut fortement contraindre les employeurs dans la gestion de leurs ressources humaines ;

– secondement, du coût du travail du salarié senior, qui, compte tenu de son expérience, peut légitimement prétendre à une rémunération plus élevée qu’un jeune actif.

Afin de répondre à ces défis, les sénateurs du groupe Les Républicains avaient introduit un « contrat à durée indéterminée de fin de carrière » conclu entre un employeur et un salarié d’au moins 60 ans dans la LFRSS 2023. Concrètement, celui‑ci prévoyait :

– (i) que l’employeur pourrait mettre à la retraite d’office le salarié remplissant les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein ;

– (ii) que l’employeur serait exonéré de la contribution sociale de 30 % affectée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), instituée par la LFRSS 2023, sur les indemnités qui seraient versées au salarié mis à la retraite dans les conditions prévues par ce contrat ;

– (iii) que les rémunérations versées au salarié employé dans le cadre du contrat de fin de carrière seraient exonérées des cotisations familiales.

Ainsi, la possibilité donnée à l’employeur de mettre à la retraite le salarié qui remplirait les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein (i) devait permettre de lever le frein que représente aujourd’hui pour l’employeur l’âge de mise à la retraite (fixé à 70 ans).

De plus, l’exonération de contribution sociale sur les indemnités versées au salarié en cas de mise à la retraite (ii) devait inciter l’employeur à maintenir le senior en emploi jusqu’à ce qu’il puisse liquider sa pension. En effet, pouvant bénéficier d’une retraite à taux plein au terme de son contrat, le salarié n’aurait ainsi pas été contraint de basculer dans le chômage avant de pouvoir liquider sa retraite.

Enfin, l’exonération de cotisations famille prévue pour ce contrat (iii) devait réduire le coût du travail du salarié senior.

Dans une logique de dialogue social, les sénateurs avaient précisé que les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié seraient fixées par une convention ou un accord collectif de branche étendu. À défaut d’accord, ces modalités auraient été fixées par décret.

Cependant, le « contrat à durée indéterminée de fin de carrière » a été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023‑849 DC du 14 avril 2023 comme un « cavalier social ».

Aussi, l’objet de l’article 1er de cette proposition de loi est de le rétablir tel qu’adopté au Sénat.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

I. – Le chapitre III du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Contrat de fin de carrière

« Art. L. 122310. – Un salarié âgé d’au moins soixante ans peut conclure avec un employeur un contrat pour la fin de sa carrière.

« Le contrat est conclu pour une durée indéterminée. Par dérogation à l’article L. 1237‑5, l’employeur peut mettre à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 351‑1 du code de la sécurité sociale.

« Le contrat est établi par écrit. Les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié sont fixées par une convention de branche ou un accord de branche étendu. À défaut d’accord, ces modalités sont fixées par décret.

« La contribution mentionnée à l’article L. 137‑12 du même code n’est pas due par l’employeur qui met à la retraite le salarié dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »

II. – La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241‑21 ainsi rédigé :

« Art. L. 24121. – Les rémunérations versées au salarié employé dans le cadre du contrat prévu à l’article L. 1223‑10 du code du travail sont exonérées des cotisations dues au titre du 1° de l’article L. 241‑6 du présent code. »

III. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2024.

IV. – Le Gouvernement engage, dès la publication de la présente loi, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives aux niveaux national et interprofessionnel en vue de l’élaboration du décret mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1223‑10 du code du travail.

Article 2

La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


([1]) Insee, Mai 2023, Insee Première n° 1946.

([2]) Ibid.