N° 2545

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer les dispositifs de défiscalisation immobilière relatifs aux investissements dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et autres établissements et services sociaux et médico-sociaux,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Laurent PANIFOUS, Mme Martine FROGER, M. Jean-Louis BRICOUT, M. Benjamin SAINT-HUILE, M. David TAUPIAC, M. Jean-Félix ACQUAVIVA, Mme Nathalie BASSIRE, M. Guy BRICOUT, M. Michel CASTELLANI, Mme Béatrice DESCAMPS, M. Stéphane LENORMAND, M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, M. Christophe NAEGELEN, M. Max MATHIASIN,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le secteur du grand âge en général et les établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en particulier ont malheureusement été au cœur de l’actualité ces dernières années. Les scandales qui ont été mis à jour au sein de groupes privés, que ce soit pour des actes de maltraitance ou de détournements de financements publics nous obligent à plus de vigilance.

À ce contexte de défiance légitime vis-à-vis de structures aux pratiques inacceptables à l’endroit de personnes fragiles, s’ajoutent aujourd’hui les conséquences de la crise sanitaire et un contexte inflationniste important. La baisse de fréquentation et la hausse très forte des charges qui en découlent ont placé les EHPAD, quel que soit leur statut d’ailleurs, dans une période de grande difficulté.

Une profonde réflexion sur le modèle économique de ces établissements est nécessaire, d’autant plus lorsque l’on sait qu’en 2030, un tiers de la population française aura plus de 60 ans. Cette transition démographique entraînera des bouleversements qui dépassent la simple question de l’accompagnement médico-social, et qui interrogent notre solidarité intergénérationnelle. L’augmentation de l’espérance de vie qui est une chance s’accompagne aussi d’une période de vie où l’on peut connaître la dépendance. Les EHPAD, s’ils ne sont qu’une possibilité d’accueil parmi d’autres, seront néanmoins toujours nécessaires pour accompagner celles et ceux qui ne peuvent rester à domicile, que ce soit pour leur grande dépendance ou pour des raisons liées à leur environnement social et familial.

Les réponses à apporter à ces grands enjeux ne relèvent pas d’une proposition de loi dont le cadre contraint oblige à limiter son objet.

Cette proposition de loi se concentre donc sur la question du modèle financier des groupes privés et plus précisément sur celui consistant à vendre, après la mise en copropriété des immeubles, les chambres des EHPAD à des investisseurs privés, à la découpe. La recherche de refinancement autres que bancaires suite à l’acquisition ou pour le développement, et la recherche de profits à court terme, poussent les groupes gestionnaires privés à revendre les chambres à des prix importants qui les engagent ensuite à garantir des revenus locatifs tout aussi importants.

Les gestionnaires, se concentrant sur l’exploitation de l’EHPAD pour réaliser leurs bénéfices, doivent alors reverser un loyer conséquent, ce qui génère mécaniquement une hausse des prix de journée pour les usagers.

Cette méthode est assez largement utilisée dans le secteur privé. Même si cela est moins le cas depuis la crise sanitaire, la révélation des scandales qui ont entaché ce secteur et la crise inflationniste. Mais il est très probable que dans un modèle économique dont la recherche de profit reste à très court terme, elle retrouvera toute son attractivité dès que le contexte économique global redeviendra favorable.

La vente à la découpe des chambres d’EHPAD constitue également un obstacle important à la reprise des établissements concernés lorsque les structures gestionnaires sont en grande difficulté budgétaire et financière.

Ce montage complexe où l’organisme repreneur doit assumer le versement d’un loyer important, une forme de rente, à de très nombreux propriétaires privés, exclut quasiment d’office les gestionnaires non lucratifs, qu’ils soient publics ou associatifs. Ces derniers n’ont en effet pas vocation à participer à la construction du patrimoine de personnes privées, d’autant plus quand les loyers sont très élevés. L’établissement privé ne peut alors être repris que par un autre organisme privé lucratif.

Parce qu’il génère une hausse mécanique des prix de journée et donc du coût du séjour pour les résidents, parce qu’il fragilise sur le long terme les structures qui font appel à ce mode de revente par chambre, ce modèle mérite bien que l’on s’interroge sur sa pertinence et son efficacité.

Cette proposition de loi souhaite participer à limiter les potentielles dérives de ce type de gestion financière, lorsqu’elles sont appliquées aux structures médico-sociales, en mettant un terme à l’incitation fiscale voire à l’accompagnement qui est assuré aujourd’hui avec de l’argent public au travers de la défiscalisation.

Depuis de nombreuses années, plusieurs dispositifs fiscaux permettent aux groupes privés d’améliorer l’attractivité de leurs chambres pour des investisseurs qui peuvent défiscaliser une partie importante de leur investissement. L’État lui-même incite ainsi ce type d’investissement, favorise ce modèle économique et génère indirectement de l’inflation immobilière dans ce secteur.

L’État met de nombreux outils à la disposition des groupes privés et des acheteurs pour accompagner leurs investissements.

En effet, les investisseurs peuvent bénéficier du statut de loueur meublé non professionnel (LMNP), ou du statut de loueur meublé professionnel (LMP), selon que leurs revenus locatifs sont inférieurs ou supérieurs à 23 000 euros. Sous certaines conditions, ils peuvent même récupérer la taxe sur la valeur ajoutée.

Selon le régime fiscal qu’ils choisissent (micro-BIC ou régime réel simplifié), les investisseurs peuvent bénéficier d’un abattement forfaitaire de 50% de leurs recettes locatives, ou de la déduction de leurs charges réelles et de l’amortissement de la valeur du logement et des meubles, permettant ainsi de payer moins d’impôts.

La défiscalisation est un outil fiscal, une aide financière de l’État, qui a pour but de favoriser le développement d’un secteur d’activité qui serait d’intérêt général, en réduisant les impôts à payer par les investisseurs recherchés.

Dans un contexte de déficit public majeur, mais aussi et surtout au regard de la fragilité des personnes accueillies dans les établissements médico-sociaux, il semble aujourd’hui totalement injustifié de maintenir les outils de défiscalisation dans le cadre d’opérations de vente et d’investissement réalisés entre personnes privés dans une finalité de profit sans aucun apport à l’intérêt général.

Sans chercher à opposer le secteur privé lucratif, du secteur public ou associatif, ni jeter l’opprobre sur tout le secteur du grand âge, il convient de s’interroger sur les limites de la financiarisation à l’excès, de la quête de rentabilité sans limite qui en découle, et des dérives potentielles que celles-ci permettent, au détriment des résidents, des personnels mais aussi des deniers publics.

C’est au législateur que revient la responsabilité d’encadrer et de réguler ces pratiques.

Cette proposition de loi entend envoyer un message clair : les établissements médico-sociaux ne sont pas des biens immobiliers comme les autres. Il faut en finir avec ces publicités qui fleurissent depuis quelques années, pour nous inciter à acquérir une chambre dans un EHPAD avec un argument-clé : celui de pouvoir défiscaliser.

Alors qu’une réflexion doit s’ouvrir sur le futur de l’EHPAD, et la lutte contre la financiarisation à outrance du secteur du grand âge, notamment par l’arrivée massive des fonds d’investissement, cette proposition de loi prévoit de franchir un premier pas en supprimant les dispositifs de défiscalisation pour les investissements dans les EHPAD et autres structures médico-sociales.

Cette proposition de loi n’a donc pas pour ambition de limiter l’investissement privé dans les EHPAD – cette question ne peut d’ailleurs être traitée dans le cadre contraint d’une proposition de loi – mais de mettre un terme aux avantages fiscaux qui y sont associés.

Plus précisément, l’article 1er exclut du statut loueur meublé professionnel (LMP) et du statut loueur meublé non professionnel (LMNP), les revenus tirés de la location de meublés lorsque ces derniers accueillent des activités relevant des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), dont les EHPAD.

L’article 2 exclut du régime micro-BIC et du régime réel simplifié la location de meublés accueillant des activités relevant des ESMS, dont les EHPAD. Celle-ci ne pourra ainsi plus donner droit à l’abattement forfaitaire sur les revenus locatifs, ni à la déduction des charges et de l’amortissement.

 


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proposition de loi

Article 1er

La section 2 du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifiée :

1° Le IV de l’article 155 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent IV ne s’appliquent pas lorsque les locaux d’habitation accueillent des activités relevant de l’article 312‑1 du code de l’action sociale et des familles. »

2° Le 1° ter du I de l’article 156 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent 1° ter ne s’appliquent pas lorsque les locaux d’habitation accueillent des activités relevant de l’article 312‑1 du code de l’action sociale et des familles. »

Article 2

La première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifiée :

1° Le 2 de l’article 50‑0 est complété par un k ainsi rédigé :

« k) Les locations directes ou indirectes des locaux d’habitation meublés qui accueillent des activités relevant de l’article 312‑1 du code de l’action sociale et des familles. »

2° Le b. du III de l’article 302 septies A bis est complété par les mots :

« , sauf celles dont l’activité concerne les locations directes ou indirectes de locaux d’habitation meublés qui accueillent des activités relevant de l’article 312‑1 du code de l’action sociale et des familles ».