N° 2593

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2024.

PROPOSITION DE LOI

relative au financement des travaux des bâtiments culturels,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Alexandre HOLROYD, Mme Véronique LOUWAGIE,

députés.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à modifier le code du patrimoine et le code de l’environnement pour faciliter le recours à des bâches publicitaires, afin de financer des travaux, y compris de rénovation énergétique, au sein des monuments historiques et de certains immeubles à usage culturel propriétés des personnes publiques.

Les dispositions de cette proposition de loi s’inspirent de celles figurant dans l’article 109 de la loi de finances pour 2024 censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 2023 en raison de leur assimilation à un cavalier budgétaire ([1]).

L’objectif de la proposition de loi est le même que celui poursuivi par l’article 109 de la loi de finances adoptée par le Parlement : ouvrir plus largement la possibilité de recourir à un affichage publicitaire pour financer, par des apports non budgétaires, des travaux sur des monuments historiques ou sur certains bâtiments à usage culturel propriétés des personnes publiques.

Ce texte entend ainsi répondre au besoin de financement des institutions culturelles qui, dans le droit actuel, ne peuvent pas valoriser leur façade alors même qu’une valorisation de ce type leur procurerait des ressources utiles pour engager des travaux. Les institutions culturelles concernées se situent aussi bien à Paris que dans les territoires. A Paris, le Centre national d’art et de culture GeorgesPompidou ou l’OpéraBastille ne peuvent par exemple pas recourir actuellement à ce mode de financement. Dans nos territoires, il en va par exemple de même pour la plupart des maisons de la culture créées sous André Malraux et des institutions culturelles inaugurées dans le cadre de la décentralisation culturelle.

Pour répondre à ce besoin, la proposition de loi modifie le code du patrimoine et le code de l’environnement.

L’article 1er de la proposition de loi modifie l’article L. 621298 du code du patrimoine. Institué, à l’initiative du sénateur Yann Gaillard, par l’article 103 de la loi n° 2006‑1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, cet article a fait ses preuves mais son application se heurte à certaines limites alors que, dans un contexte de finances publiques dégradées, son usage mériterait d’être élargi.

Ce dispositif a fait ses preuves par exemple pour le financement de la restauration de la préfecture de police de Paris, de l’hôtel de la Marine, du palais Garnier, de la place Bellecour ou du palais de la Bourse de Bordeaux. Le produit des recettes ainsi apportées à ces monuments historiques peut être significatif. De 2017 à 2021, le produit des bâches publicitaires installées par le Centre des monuments nationaux sur les façades de l’hôtel de la Marine a représenté 20 millions d’euros. De 2023 à 2029, les bâches publicitaires installées sur l’opéra Garnier devraient permettre de recueillir 23 millions d’euros.

L’application de l’article L.621‑29‑8 du code du patrimoine se heurte aujourd’hui à certaines limites :

– Le ministère de la culture considère que cet article ne permet pas de financer des travaux de rénovation énergétique [2] ;

– La bâche publicitaire installée doit être posée sur l’immeuble directement concerné par les travaux, ce qui est regrettable lorsque les travaux concernent un immeuble non visible depuis la rue. À Paris, le palais des études de l’école nationale supérieure des Beaux‑arts nécessite par exemple des travaux urgents, mais ce bâtiment, classé monument historique, n’est pas visible depuis la rue et ne peut donc accueillir de bâche publicitaire, alors même qu’un bâtiment adjacent accueillant également l’ENSBA dispose d’une façade sur la Seine dont le potentiel pourrait être valorisé.

La proposition de loi lève ces différents obstacles. L’installation d’une bâche publicitaire sur un monument historique pourrait financer des travaux de rénovation énergétique (dès lors que leur montant excède un seuil défini par voie réglementaire) et une bâche publicitaire pourrait être installée sur l’immeuble en travaux ou sur un immeuble classé ou inscrit adjacent partageant le même usage.

En complément, et pour assurer la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution, il est prévu que les recettes provenant de cet affichage publicitaire soient affectées au budget général de l’État dès lors que l’État est le propriétaire du monument. Sur ce point, et comme il l’a fait lors de la discussion de l’article 109 précité, le Gouvernement est invité à rétablir par voie d’amendement l’affectation du produit des bâches publicitaires au financement des travaux.

L’article 2 de la proposition de loi insère un article L. 58191 au sein du code de l’environnement afin d’autoriser l’installation de bâches publicitaires pour concourir au financement de travaux engagés sur trois types d’immeubles à usage culturel appartenant à des personnes publiques :

– les immeubles à usage culturel bénéficiant du label « architecture contemporaine remarquable » ;

– les immeubles bénéficiant de l’appellation « musée de France » ;

 les immeubles accueillant une structure labellisée ou conventionnée pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques.

Les travaux autorisés seraient similaires à ceux concernés par l’article modifié L. 621‑29‑8 du code du patrimoine et les recettes perçues pour l’affichage seraient également affectées au budget général de l’État lorsque l’État est propriétaire de ce monument (en attendant, comme précédemment, un amendement du Gouvernement corrigeant ce dernier point).

Le dispositif de la proposition de loi est légèrement plus étendu que celui figurant à l’article 109 précité puisqu’il intègre par exemple dans le périmètre de l’article L. 581‑9‑1 du code de l’environnement les structures conventionnées, et pas seulement labellisées, au sens de l’article 5 de la loi n° 2016‑925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

La mise en œuvre des dispositions proposées ne se traduirait pas par un accroissement excessif du nombre de bâches publicitaires. Le nombre de monuments historiques assujettis serait inchangé et le nombre d’immeubles concernés par le nouvel article L. 58191 du code de l’environnement est inférieur à 2 000 ([3]) - et seule une partie d’entre eux se saisiraient de cette nouvelle faculté.

D’un point de vue financier, le dispositif proposé est vertueux pour les finances publiques puisqu’il ne mobilise aucune ressource budgétaire et, à l’inverse du mécénat, ne constitue pas une dépense fiscale. Le mécanisme proposé apporterait même de nouvelles recettes à l’État grâce au produit de la TVA perçue sur les travaux d’installation de bâches publicitaires.

 

 

 

 

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

L’article L. 621‑29‑8 du code du patrimoine est ainsi rédigé : 

« Art. L. 621298. – Par dérogation à l’article L. 581‑2 du code de l’environnement, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux sur les immeubles classés ou des demandes d’accord de travaux sur les immeubles inscrits, l’autorité administrative chargée des monuments historiques peut autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage. Cette autorisation peut être accordée :

« 1° Aux travaux extérieurs nécessitant la pose d’échafaudage ;

« 2° Aux travaux intérieurs ou extérieurs de rénovation énergétique dont le montant excède un montant défini par voie réglementaire.

« Les bâches d’échafaudage sont installées sur l’immeuble concerné par les travaux visés au 1° ou au 2° ou sur un immeuble classé ou inscrit adjacent partageant le même usage.

« Les recettes perçues pour cet affichage sont affectées au budget général de l’État dès lors que l’État est le propriétaire de ce monument.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

Après l’article L. 581‑9 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 581‑9‑1 ainsi rédigé :

 « Art. L. 58191.  Par dérogation aux articles L. 581‑2, L. 581‑8 et L. 581‑9 ainsi que, le cas échéant, au règlement local de publicité, peut être autorisée par arrêté municipal ou par arrêté du ministre chargé de la culture en cas d’évocation du dossier dans le cadre de travaux, l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage sur les immeubles à usage culturel propriétés des personnes publiques bénéficiant du label « architecture contemporaine remarquable » au sens du I de l’article L. 650‑1 de ce code du patrimoine, ou de l’appellation « musée de France », prévue à l’article L. 442‑1 du même code ou d’un label ou d’un conventionnement pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques au sens de l’article 5 de la loi n° 2016‑925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Cette autorisation peut être accordée :

« 1° Aux travaux extérieurs nécessitant la pose d’échafaudage ;

« 2° Aux travaux intérieurs ou extérieurs de rénovation énergétique dont le montant excède un montant défini par voie réglementaire.

« Les bâches d’échafaudage sont installées sur l’immeuble concerné par les travaux visés au 1° ou au 2° ou sur un immeuble adjacent partageant le même usage.

« Les recettes perçues pour cet affichage sont affectées au budget général de l’État dès lors que l’État est le propriétaire de ce monument.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

 

 


([1]) Décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, considérant 135.

([2]) Voir la réponse apportée à la question écrite n° 5144.

([3])- Il existe 1 635 sites bénéficiant du label « architecture contemporaine remarquable » mais moins de 5 % d’entre eux sont des propriétés publiques affectées à un usage culturel (par exemple l’auditorium Marcel Ravel à Lyon ou la bibliothèque Abbé Grégoire à Blois), soit moins de 100 sites ;

 - 1 220 musées bénéficient de l’appellation « musée de France » ;

 - environ 500 structures sont labellisées ou conventionnées au sens de l’article 5 de la loi n° 2016 925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.